
«L'abolition de la peine capitale, que Robert Badinter obtient de haute lutte, en 1981, est une victoire morale qui fait entrer la justice française dans le monde moderne », a analysé Nathalie Koenders, ce jeudi 9 octobre, lors d'une cérémonie pour accompagner la panthéonisation de l'ancien garde des Sceaux.

«Libérer nos lois de la peine de mort.» Après avoir bataillé en France pour obtenir l'abolition de la peine capitale, le 9 octobre 1981, Robert Badinter a poursuivi son combat au niveau international, continuant de porter l'idéal des Lumières, ayant Condorcet comme référence, pour défendre l'état de droit ainsi que pour lutter contre l'antisémitisme.
Ce jeudi 9 octobre 2025, Robert Badinter (1928-2024) est entré au Panthéon, dans le caveau des révolutionnaires. Le cercueil ne contenait pas le corps mais quatre objets choisis par Élisabeth Badinter : la robe d’avocat de son mari et les livres «Idiss», que Robert badinter a écrit en hommage à sa grand-mère, «Choses vues» de Victor Hugo ainsi que «Condorcet, un intellectuel en politique» qu'ils ont tous les deux signés.
Une cérémonie à Dijon
Ce même jour, dans la capitale des ducs de Bourgogne, la maire de Dijon a dévoilé la nouvelle plaque pour renommer l'espace devant le palais de justice dijonnais en «place du Palais-Robert-Badinter».
Une cérémonie a ensuite été organisée salle des États, en présence de plus de 200 personnes, pour rendre hommage au parcours de l'homme de loi et permettre de suivre la retransmission de la panthéonisation.
La nouvelle plaque place du Palais-Robert-Badinter
Alors que se tenait une audience de la cour d'assises à l'intérieur du palais de justice, le dévoilement de la plaque a été effectué en compagnie d'Aurélie Contrecivile, directrice de cabinet du préfet de la Côte-d'Or, François Rebsamen (FP), président de la Métropole de Dijon, Alain Chateauneuf, premier président auprès de la cour d'appel de Dijon, Philippe Astruc, procureur général, Maître Anne Geslain, bâtonnier de l'ordre des avocats de Dijon,
Le geste s'est déroulé en présence de nombreux élus – dont Océane Godard (PS), députée de la Côte-d'Or, et Françoise Tenenbaum (PS, FP), vice-présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté –, de représentants du monde judiciaire et du monde associatif ainsi que de riverains.
Dans un bref propos, Nathalie Koenders a insisté sur la «symbolique» de la dénomination «dans cette place emblématique», faite pour «inscrire dans l'espace public et la mémoire collective» la figure de Robert Badinter.
C'est dans ce palais de justice, en 1979, que Robert Badinter a plaidé pour soustraire à la guillotine Jean Portais, alors rejugé.
Nathalie Koenders «condamne fermement» la profanation de la tombe de Robert Badinter à Bagneux
Ce jeudi matin, dans le carré juif du cimetière de Bagneux, la tombe de Robert Badinter a été dégradée quelques heures seulement avant la cérémonie au Panthéon. «Éternelle est leur reconnaissance, les assassins, les pédos, les violeurs, la République le sanctifient», a été écrit à la peinture bleue. Une inscription rapidement nettoyée après l'intervention de la police.
Le parquet de Nanterre a ouvert une enquête pour profanation de sépulture. Les faits sont passibles d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende.
«C'est une acte ignoble que je condamne fermement en ce jour historique de panthéonisation», a réagi Nathalie Koenders, interrogée par Infos Dijon, «ça montre qu'encore aujourd'hui, certains veulent nous diviser». «Il s'agit là d'un geste lâche, d'un geste indigne. (…) J'adresse tout mon soutien à sa famille.»
La socialiste se montre prudente mais n'exclut pas une potentielle ingérence étrangère : «je laisserais les enquêteurs faire leur enquête».
Nathalie Koenders souligne les «convictions humanistes» de Robert Badinter
«Robert Badinter rejoint le temple républicain de celles et de ceux à qui la nation exprime la plus grande des reconnaissances», a déclaré Nathalie Koenders lors de son discours dans la salle des États en insistant sur les «convictions humanistes» forgées notamment par les essais politiques et philosophiques de Nicolas de Condorcet (1743-1794).
Émile Zola, Victor Hugo et Jean Jaurès figurent également parmi les références de l'ancien garde des Sceaux durant la présidence de François Mitterrand : «Robert Badinter s'est, sans conteste, inscrit dans cette illustre lignée républicaine de consciences intellectuelles et morales à qui nous devant tant».
La peine de mort, un «archaïsme sanglant»
«Robert Badinter demeurera, dans l'histoire politique française, le combattant, l'avocat de l'abolition, l'humaniste pour qui la loi du talion – équation insupportable – ne répare rien, le défense de la vie ne pouvant se résoudre à voir dans la mort l'instrument d'une justice digne d'un état de droit, l'homme de conviction autant que d'action, grâce à qui la dernière démocratie européenne pratiquant la peine capitale rompt enfin avec, disait-il, cet archaïsme sanglant, châtiment cruel, inhumain et dégradant», a rappelé Nathalie Koenders.
«L'abolition de la peine capitale, qu'il obtient de haute lutte, en 1981, est une victoire philosophique, une victoire morale qui fait entrer la justice française dans le monde moderne, qui permet à notre République de franchir le seuil qui sépare la barbarie du véritable état de droit», a-t-elle poursuivi.
«Robert Badinter incarne la conception la plus noble de ce que doit être la responsabilité politique»
Enfin, la socialiste a évoqué l'engagement du juriste pour «l'universalité des droits et la dignité de l'humain» se déclinant également dans la lutte contre l'antisémitisme, l'amélioration des conditions d'incarcération, la dépénalisation de l'homosexualité et la défense de la laïcité.
Et de conclure : «Robert Badinter incarne la conception la plus noble de ce que doit être la responsabilité politique dans toute démocratie : un phare qui éclaire l'avenir et non le miroir qui réflète les passions de l'opinion publique et flatte les plus bas instincts».
Opéras et réflexions
Durant la suite de la cérémonie, se sont alternées des interventions et des moments musicaux. Durant ces derniers, les élèves du conservatoire de Dijon ont repris notamment des airs de «La Belle Hélène» de Jacques Offenbach et de «Cosi fan tutte» de Wolfgang Amadeus Mozart.
Les interventions des élèves du lycée Charles de Gaulle, des étudiants de l'Université Bourgogne Europe, des avocats du barreau de Dijon, des représentants de l’École nationale des greffes, de l'Association bourguignonne culturelle, de France Victimes 21, de l'OPAD et du Conseil municipal d'enfants firent résonner dignement les réflexions de Robert Badinter pour évoquer les temps forts du parcours du juriste comme l'abolition de la peine de mort en 1981, la valorisation du métier de greffier lors d'un discours à l’École nationale des greffes en 1982, la suppression du délit d'homosexualité en 1982, la réforme de la place des victimes lors de la présentation du projet de nouveau code pénal en 1985, ou encore la défense de la laïcité lors de son discours à l'Université Galatasaray (Turquie) en mars 2011.
Après avoir partagé un verre de l'amitié, de nombreux participants sont revenus dans la salle des États pour suivre la retransmission de la cérémonie au Panthéon.
Jean-Christophe Tardivon


















































