Ce samedi 15 juin, la police a recensé quelques 2.500 manifestants au centre-ville. «Notre République et notre démocratie sont en danger», ont alerté quatre syndicats dans un mot d'ordre unitaire tandis que bon nombre de jeunes citoyens associaient «la haine» au Rassemblement national.
Une manifestation pour prendre date. À l'appel de plusieurs syndicats, relayés par des partis politiques – allant de la social-démocratie à l'anticapitalisme en passant par l'écologie politique –, une manifestation «contre l'extrême-droite» s'est déroulée au centre-ville de Dijon, ce samedi 15 juin 2024 (
lire le communiqué).
Moins d'une semaine après la découverte des résultats français des élections européennes où le «camp national» - allant des nationalistes aux identitaires en passant par certains souverainistes – a totalisé près de 39% des suffrages, 2.500 personnes ont battu le pavé dijonnais, selon la police (4.000 personnes, selon les syndicats).
Au niveau national, les manifestants étaient 250.000 selon le ministère de l'Intérieur et 640.000 selon la CGT. Le 1er mai 2002, la mobilisation pour protester contre l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle avait rassemblé 1,3 millions de personnes dont 400.000 à Paris.
«Notre République et notre démocratie sont en danger»
Avant que le cortège ne démarre, lors d'une prise de parole unitaire pour les syndicats, Fabian Clément, secrétaire départemental de la FSU en Côte-d'Or, appelle à «un sursaut démocratique exceptionnel sinon l'extrême-droite arrivera au pouvoir» et à «se mobiliser pour les salaires et le service public».
À défaut, en cas de majorité du Rassemblement national et de ses alliés à l'Assemblée nationale, les syndicats anticipent une remise en cause de l'indépendance de la justice, une politique économique d'«austérité», des «attaques contre les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+», une remise en cause du droit à l'IVG, «des politiques racistes qui mettent en opposition les travailleuses et les travailleurs en fonction de leur religion, de leur couleur ou de leur nationalité».
«Notre République et notre démocratie sont en danger», alerte l'orateur, «il faut répondre à l'urgence social et environnementale et entendre les aspirations des travailleuses et des travailleurs». «Il nous faut augmenter les salaires et les pensions, revenir sur la réforme des retraites et sur celle de l'assurance-chômage, défendre nos services publics et en garantir l'accès à toutes et tous sans condition de nationalité et, surtout, de territoire.»
«Il faut mettre en place des mesures de justice fiscale»
«Il faut mettre fin à la verticalité du pouvoir», revendique le représentant des syndicats, «en commençant par restaurer la démocratie sociale à tous les niveaux : entreprise, branche, territoire et interprofessionnel».
«Il faut mettre en place des mesures de justice fiscale et, notamment, taxer les super-profits, les dividendes et rachats d'action», ajoute-t-il, «il faut instaurer enfin l'égalité salariale [NDLR : entre les hommes et les femmes] et éradiquer les violences sexistes et sexuelles, instaurer le droit à la régularisation pour tous les travailleurs et travailleuses étrangers sur la base d'un certificat de travail, relocaliser et transformer notre industrie pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux en la protégeant du dumping social, fiscal et environnemental, créer de nouveaux droits pour permettre aux travailleuses et travailleurs d'anticiper les transformations environnementales et de sécuriser leur emploi.»
L'attente «d'alternatives de rupture»
Adhérente de la Ligue des droits de l'Homme, Cécile Ropiteau enchaîne en lisant l'appel commun inter-associatif et intersyndical national «ensemble contre l'extrême-droite» qui prend exemple sur les situations politiques aux États-Unis, en Russie, en Hongrie ou encore en Italie pour revendiquer «des alternatives de rupture» (
lire le communiqué).
Le terme reprend les éléments avancés lors de la présentation du programme de rupture du Nouveau Front populaire, le 14 juin dernier, notamment par Manuel Bompard (LFI) qui promettait «une rupture totale» pour «tout changer».
De nombreux militants et élus du Parti socialiste
Parmi
les syndicats, la CGT, la CFDT, la FSU et Solidaires sont les plus
représentés même si le nombre de drapeaux agités est bien inférieur à
celui des manifestations pour s'opposer à la réforme des retraites, en
particulier.
Les partis politiques participant à l'accord
électoral du Nouveau Front populaire ont mobilisés quelques troupes, à
commencer par les candidats aux prochaines législatives, qui manifestent
chacune sous leur propre bannière et de façon dispersée dans le
cortège.
Les élus et militants du Parti socialistes sont les plus
nombreux : ont répondu présents notamment Michel Bachelard, Thierry
Falconnet, Océane Godard, Antoine Hoareau, Christine Martin, Pierre
Pribetich, Gaëlle Thomas, Céline Tonot et Stéphane Woynaroski.
Parmi
eux, des élus ont dû jongler entre la mobilisation du jour et des
mariages à célébrer ou des représentations à honorer. Bien que sont
absence ait été commentée, Nathalie Koenders avait une excuse
puisqu'elle inaugurait au même moment, en tant que première adjointe au
maire de Dijon, la rénovation de la base nautique du lac Kir.
Les
Écologistes ne sont pas en reste : Catherine Hervieu et Stéphanie Modde
sont entourées de militants. Suit la délégation de La France insoumise,
avec notamment Dominique Guidoni-Stoltz et Valérie Jacq, puis celle de
Générations, avec notamment Bruno Léon. Le secteur politique se termine
par une grande banderole tenue par les militants de Lutte ouvrière.
Actualisé le 16 juin 2024 :Finalement candidate aux législatives, Sladana Zivkovic (PS, PP) a défilé de son côté.
Des pancartes associent «la haine» au RN
Le cortège est rangé derrière la banderole unitaire «Pour le progrès social, contre les idées d'extrême-droite». De nombreux jeunes citoyens sont présents dans les tout premiers segments du défilé. Ils brandissent des pancartes associant «la haine» au RN, rappelant l'histoire du Front national ou encore appelant à voter pour le Nouveau Front populaire aux législatives. Certains insistent sur «l'unité» à accomplir.
Si Marine Le Pen et Jordan Bardella sont spécifiquement ciblés, de très rares mentions concernant également Éric Zemmour.
«On est plus chaud que les fachos»
Dans la
playlist des
slogans, des «Bardella, t'es foutu, la jeunesse est dans la rue» sont
régulièrement scandés, sans oublier le très punk «La jeunesse emmerde le
Front national» ou le plus actuel «On est plus chaud que les fachos»,
dérivé du «On est plus chaud que le climat».
En matière de danse, les désormais fameuses Rosies de la FSU ponctuent la déambulation rue de la Liberté.
De «No pasarán» à «Front populaire»
De la place Darcy à la place de la République, en particulier, le cortège est ambiancé par les militantes de la CGT. «Nous sommes tous des antifascistes», fuse régulièrement, en italien, tandis que les manifestants tapent dans leur main.
Ponctuellement, des références au programme du Rassemblement national et même à la politique d'Emmanuel Macron sont évoquées, provoquant des «
No pasarán» en retour, le mot d'ordre des républicains espagnols, opposés aux nationalistes de Franco dans les années 1930.
Parallèlement, des éléments programmatiques correspondant aux revendications sociales et sociétales avancées lors des prises de parole initiales sont, elles, ponctuées du mot d'ordre «Front populaire», transformant la manifestation en temps de mobilisation pour le Nouveau Front populaire.
Dispersion dans le calme après une marche relativement brève
En revenant au pied du palais des ducs de Bourgogne, un «Coucou pour le maire» est lancé au micro suivi de huées dans les premiers rangs du cortège.
Même s'ils sont nombreux à avoir chanté à pleins poumons sous la baguette de la CGT, les participants n'ont guère marché qu'un peu plus d'une heure et se retrouvent déçus que l'action soit déjà terminée.
Aussi, la manifestation ne se disperse que très lentement, dans le calme, alors que les participants les plus jeunes prolongent en chantant par petits groupes des slogans antifascistes classiques ou des mots d'ordre improvisés, en attendant que la mobilisation se renouvelle si le vote des européennes venait à se confirmer lors des législatives.
Jean-Christophe Tardivon