
Ce lundi 22 septembre, les élus municipaux ont approuvé le lancement de nouvelles études en 2026 pour des travaux de sécurisation menés à partir de 2027. Malgré une pique contre les «ambassadeurs anti-Dijon», Nathalie Koenders a obtenu un vote à l'unanimité.
Le patrimoine était à l'honneur durant le conseil municipal, ce lundi 22 septembre 2025, avec le bilan des 42ème Journées européennes du patrimoine, l'adhésion à la Fondation du patrimoine et la présentation des travaux pour sécuriser l'église Saint-Philibert.
Ce dernier point a fait réagir l'opposant Emmanuel Bichot qui, à quelques mois de la prochaine élection municipale, a rappelé que la restauration de l'église romane figurait déjà à son programme, en 2020, mais pas à celui de la liste conduite par François Rebsamen.
Fréquentation en baisse pour les Journées du patrimoine 2025
La maire de Dijon Nathalie Koenders (PS) se félicite que se soient déroulées de «belles Journées du patrimoine», les 20 et 21 septembre derniers, avec 12.400 visiteurs au palais des ducs de Bourgogne, 6.200 à l'hôtel de Vogüé, 5.900 à la Cité internationale de la gastronomie et du vin (OIV) – dont 1.000 au 1204 –, 5.000 à l'hôtel Bouchu dit d'Esterno, siège de l'Organisation internationale de la vigne et du vin, 1.800 à l'église Saint-Philibert ou encore 540 au fort de la Motte-Giron.
Même s'il y a eu «beaucoup de monde le samedi», la première édile constate, sur les deux jours, une baisse de fréquentation de 10% par rapport à 2024 en raison d'un dimanche particulièrement pluvieux.
Durant ce week-end, la municipalité a inauguré la rénovation de la Maison aux trois visages (
lire le communiqué).
«Le patrimoine constitue un puissant levier pour le rayonnement de notre ville», indique Nathalie Koenders
La présentation du rapport concernant l'église Saint-Philibert se fait à trois voix : Nathalie Koenders pour les enjeux globaux, l'adjointe Christine Martin (PS) pour ce qui relève de la culture et le conseiller délégué Jean-Patrick Masson (écologiste indépendant) pour ce qui concerne les travaux.
«À Dijon, le patrimoine, c'est, à la fois, mémoire et projet», expose Nathalie Koenders, «on sait qu'il n'est pas figé dans le passé». «Ce patrimoine est riche – ça a été souligné par le rapport de la chambre régional des comptes –, il se transforme et on doit aussi l'adapter aux usages contemporains et ça constitue un puissant levier pour le rayonnement de notre ville. C'est vraiment une belle richesse mais c'est aussi, parfois, une charge parce qu'il faut le rénover.»
«Saint-Philibert était la paroisse des vignerons»
«C'est la plus ancienne église de Dijon encore en élévation», indique Christine Martin puisque les parties les plus anciennes remontent à la fin du XIIème siècle. Deux édifices l'ont précédée : un en l'An mil et l'autre autour de 1100.
Une campagne de fouilles menées en 2023 a permis de retrouver des sépultures datant d'une période allant du VIème au XIVème siècle.
«C'est un endroit très riche de notre histoire commune», résume l'adjointe à la culture. «Saint-Philibert était la paroisse des vignerons avec une particularité : sur son parvis étaient désignés les maires successifs de Dijon.»
Depuis 2011, la Ville de Dijon cherche à faire de l'église désacralisée un lieu de culture avec des ouvertures ponctuelles pour des expositions et des conférences comme lors de la Saint-Vincent communale. Par ailleurs, l'office de tourisme de Dijon Métropole organise des visites.
«Plusieurs années d'études» avant d'éventuels travaux
Selon Jean-Patrick Masson, l'intérêt porté à l'église Saint-Philibert se situe «dans le droit fil de ce que [la municipalité fait] pour le patrimoine». «Attaquer des travaux de cette nature suppose plusieurs années d'études compte tenu de la complexité des sujets», prévient le conseiller délégué chargé notamment du patrimoine municipal. «Ce n'est pas parce qu'on ne voit pas les travaux qu'il n'y a pas beaucoup de travail qui est effectué autour de nos édifices emblématiques.»
De premières études, débutées en 2023, ont défini des travaux de sécurisation menés depuis 2024. Ils concernent les toitures pour limiter les infiltrations d'eau.
Cependant, l'attention des experts du patrimoine concerne plus spécifiquement les piliers de l'édifice, rongés par le sel. En 1969, l'installation d'une dalle chauffante en béton a favorisé la remontée du sel contenu dans le sol jusqu'à 1m60 de hauteur dans les piliers. Aujourd'hui, des renforts ont été apposés autour des piliers.
Par ailleurs, les pierres de taille s'érodent, des désordres liés à la stabilité ont provoqué une ouverture de la croisée du transept. À l'extérieur, des balustrades du clocher se sont effondrées, des contreforts ont été coffrés et un encrassement des pierres est constaté.
«C'est lié à la pollution», signale le spécialiste de l'écologie urbaine, «peut-être faudra-t-il, un jour, qu'il n'y ait plus de stationnement juste devant le parvis».
Un «plan de financement ambitieux» pour l'église Saint-Philibert
Pour l'église Saint-Philibert, «joyau de notre ville», Nathalie Koenders annonce «un plan de financement ambitieux qui va associer partenaires publics, mécènes privés et experts du patrimoine».
«La restauration de Saint-Philibert ne doit pas être une simple opération technique mais un acte fort que nous allons engager aujourd'hui : rendre à ce monument toute sa place dans le paysage urbain et culturel dijonnais», insiste-t-elle.
À partir du premier diagnostic réalisé, la municipalité estime à 6 millions d'euros le coût des prochaines études à mener et à 6,6 millions d'euros le coût des travaux induits. Le chantier se déroulerait en sept phases.
La «phase d'urgence» est d'emblée programmée : études en 2026, travaux en 2027 et 2028. Elle consiste à poursuivre les études et à stabiliser le transept ainsi que la base du clocher. Son coût est de 3,2 millions d'euros TTC. La municipalité prévoit de rechercher des cofinanceurs.
Lors de la prochaine mandature, l'exécutif alors en place pourra envisager de poursuivre les travaux puis de mener une consultation sur les usages du bâtiment.
«Nous nous engageons à réaliser cette restauration dans le prochain mandat», déclare Emmanuel Bichot
«L'urgence vous rattrape», lance Emmanuel Bichot (LR, AD), président du groupe d'opposition Agir pour Dijon. «Le bâtiment est dans un triste état et menace péril.»
«L'ancienne église Saint-Philibert est d'une valeur inestimable pour Dijon en tant que seule église romane conservée dans la ville, ancienne paroisse des vignerons, berceau de la commune de Dijon avec la charte de commune octroyée par Hughes III en 1187 et l'élection des maires de Dijon sur son parvis», rappelle l'élu conservateur.
«La restauration de l'ancienne église Saint-Philibert faisait partie de notre programme en 2020 et comme il ne faisait pas partie du vôtre, nous vous avions interpellés, lors du conseil municipal de septembre 2022, à ce sujet et votre prédécesseur avait improvisé, selon ses propres termes, la saisine de Stéphane Bern. Nous avions salué la prise de conscience qui s'est produite à ce moment-là», développe l'opposant qui se montre cependant favorable au financement de la phase d'urgence.
«Nous nous engageons à réaliser cette restauration dans le prochain mandat car Saint-Philibert est au cœur de notre identité et de notre histoire», déclare celui qui est candidat déclaré pour l'élection municipale de 2026 (
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«Aucun travaux structurant ne lui ont été apportés depuis 2001», déplore Henri-Bénigne de Vregille
«C'est un lieu patrimonial important de notre histoire vigneronne», constate à son tour Henri-Bénigne de Vregille (HOR), au nom du groupe d'opposition Dijon autrement, qui regrette «un tel état de délabrement».
«Aucun travaux structurant ne lui ont été apportés depuis 2001», déplore l'élu de centre-droit, en référence à l'accession de François Rebsamen (ex-PS, désormais FP) à la mairie de Dijon. «La chambre régionale des comptes s'en était d'ailleurs inquiétée dans son rapport du 27 juin dernier.»
«Un entretien régulier du patrimoine municipal peut éviter de se retrouver dans une telle situation d'urgence», pointe l'opposant toutefois favorable aux dits travaux car «ne pas agir serait de la non-assistance à patrimoine en danger».
Nathalie Koenders taxe les opposants d'«ambassadeurs anti-Dijon»
Alors qu'Henri-Bénigne de Vregille demande «une programmation pluriannuelle» des travaux, Nathalie Koenders, tout sourire, laisse entendre que les perspectives concernant l'église Saint-Philibert seraient «dévoilées» prochainement, potentiellement durant la prochaine campagne électorale.
Plus globalement, la socialiste réagit en taxant les opposants d'«ambassadeurs anti-Dijon» qui «regardent tout ce qui va mal et qui critiquent Dijon». «On avance, on a plein d'idées et on continue à restaurer ce magnifique patrimoine de Dijon.»
Stéphanie Modde alerte sur la pollution autour des édifices
Pour sa part, Stéphanie Modde (LE), au nom du groupe d'opposition Écologistes et citoyens, demande si l'enveloppe de 3,2 millions d'euros suffira à «assurer la stabilité même de l'édifice».
«On sait que les édifices qui sont amenés continuellement à être pollués, c'est sans fin, ces travaux», souligne l'élue écologiste, «on désencrasse et ça se réencrasse rapidement».
«On fait des études, on s'appuie sur des entreprises avec des experts», réagit Nathalie Koenders qui renvoie également aux compétences du personnel de la municipalité.
«Nous pouvons nous engager avec sérénité sur ce chantier», considère Marien Lovichi
Au nom du groupe Horizons et indépendants qui participe à la majorité, Stéphane Chevalier (HOR) se dit «attaché à l'entretien, à la rénovation, à la restauration du patrimoine historique de notre ville».
«L'église Saint-Philibert est un des plus anciens témoignages de notre histoire, un joyau d'art roman en Bourgogne», enchaîne Marien Lovichi (Modem), au nom du groupe des élus démocrates, écologistes, centristes et citoyens. «Le diagnostic est sévère, les travaux sont urgents. (…) Nous pouvons nous engager avec sérénité sur ce chantier.»
Une «logique» à étendre ce qui s'est fait place Bossuet
«Avec l'embellissement de l'axe Monge-Bossuet, il y a toute une logique à la continuer», glisse Nathalie Koenders durant les débats, évoquant également le futur Campus Maret à proximité (
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«Préserver le patrimoine, ce n'est pas seulement honorer le passer, c'est aussi préparer l'avenir», assure-t-elle, «loin d'être un frein au développement, il est vraiment un atout pour l'attractivité de notre ville, pour sa qualité de vie, pour l'économie touristique et pour l'économie d'une façon générale parce que, derrière, ce sont des entreprises locales qui vont travailler, et pour la fierté citoyenne». «Dijon montre qu'elle sait conjuguer fidélité à son histoire et audace dans la modernité.»
L'élément le plus important pour le futur de cette ancienne église de vignerons reste sans doute la présence à quelques pas de là du siège de l'OIV.
On peut donc supposer que le principe de réduction de la circulation automobile et du stationnement en voirie sera en réflexion pour être étendu jusqu'à la place Saint-Bénigne via les rues Michelet et Danton, une fois effectuée la restauration de la flèche de la cathédrale dont la fin est attendue en 2031 (
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Le vote de l'enveloppe de 3,2 millions d'euros se fait à l'unanimité.
La Ville de Dijon adhère à la Fondation du patrimoine
La maire de Dijon a rencontré le président de la Fondation du patrimoine ainsi que son délégué régional en Bourgogne-Franche-Comté. La municipalité souhaite notamment que la fondation «apporte son expertise sur le crowdfunding».
De plus, la socialiste espère que la restauration de Saint-Philibert soit examinée par la Mission Stéphane Bern, ce qui permettrait d'envisager que le dossier devienne le projet emblématique de Bourgogne-Franche-Comté d'un Loto du Patrimoine dans les prochaines années. La visibilité apportée par la Mission Stéphane Bern sert également de
levier pour favoriser la collecte de dons et décrocher des partenariats
notamment avec d'autres collectivités.
Rien que pour la Côte-d'Or, le château de Bussy-Rabutin a été désigné projet emblématique régional en 2018 et, pour cette édition 2025, l'église collégiale de Semur-en-Auxois (
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En 2024, le projet emblématique régional retenu, le musée de l'Horlogerie, situé à Morteau, a reçu 500.000 euros du Loto du Patrimoine.
La cotisation annuelle de la Ville de Dijon versée à la Fondation du patrimoine s'élève à 1.000 euros. L'adhésion est votée à l'unanimité.
«Le patrimoine nous rassemble»
De plus, la commune prépare le renouvellement du label Ville d'art et d'histoire, attribué par le ministère de la Culture depuis 2009.
«Le patrimoine nous rassemble», se félicite Nathalie Koenders après trois votes unanimes sur ce thème.
Jean-Christophe Tardivon
L'église Saint-Philibert, le 1er mars 2023 (image d'archives JC Tardivon)