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28/06/2022 17:54

DIJON : Le Quartier libre des Lentillères compte ses soutiens

Une cinquantaine de structures ont manifesté leur soutien aux activistes du site des Lentillères ce mardi 28 juin. Leurs porte-paroles ont tenu à souligner la dimension culturelle s'ajoutant au maraîchage du potager collectif.
Le bras de fer entre les occupants illégaux – rassemblés dans un collectif s'appelant «Quartier libre des Lentillères» – des terrains initialement destinés à l'urbanisation, avec la seconde phase du projet immobilier Jardin des Maraîchers, et la Ville de Dijon se poursuit.

Le 21 mars dernier, après avoir suspendu en 2019 cette seconde phase, François Rebsamen (PS, Fédération progressiste) lançait une démarche consistant à accorder des baux légaux pour cultiver les terres en question (lire notre article). Dans la foulée, le 18 avril dernier, le Quartier libre des Lentillères refusait de s'inscrire dans cette démarche «au cas par cas», se revendiquant comme «une entité, une et indivisible» (lire le communiqué).


Un nouvel épisode a eu lieu ce mardi 28 juin 2022 avec une conférence de presse pour accompagner la diffusion d'une tribune d'une cinquantaine de structures – associations, syndicats, entreprises... – apportant leur soutien au Quartier libre des Lentillères (lire ci-dessous).

Une réponse à la proposition du maire de Dijon


Alors qu'un petit groupe est installé devant la librairie La Fleur qui pousse à l'intérieur, place des Cordeliers à Dijon, Pierre-Loup Vasseur, responsable des actions culturelles de l'association Zutique Productions, première association figurant parmi les signataire de  la tribune, prend la parole pour rappeler l'enjeu de cette tribune et souligner «l'importance de défendre ce lieu qui mérite d'être sauvegardé et conserver sur la métropole dijonnaise».

La démarche principale est de répondre à la pression mis par la Ville de Dijon pour faire revenir les occupants du site à un cadre légal, cadre centré sur les activités agricoles.

«La proposition qui a été faite par la mairie, par François Rebsamen, suscite une réaction», indique Jean-Louis Tornatore, enseignant-chercheur en anthropologie à l'université de Bourgogne et porte-parole de l'atelier d'écologie politique «Penser les transitions».

 «Le Quartier des Lentillères, les habitants du quartier, les personnes qui les soutiennent montrent qu'il y a déjà une action sur ce quartier-là, qui ne veut pas être négligée, qui se poursuit depuis douze ans maintenant. Il y a un acquis, il faut faire valoir cet acquis. (…) C'est une contre-proposition qui a sa légitimité. (…) C'est une opération pour conscientiser [François] Rebsamen», déclare l'universitaire.

«Si j'étais pas passé par les Lentillères, je ne serai pas maraîcher dans la ville de Dijon»


«On veut inciter Rebsamen à faire avec l'existant qui est multiple, qui ne se réduit pas à juste un ensemble de petits jardins familiaux», rebondi Antoine Lesty qui est maraîcher bio à Magny-sur-Tille, installé avec un associé pour exploiter cinq hectares dont deux hectares de légumes, depuis 2018. De 2014 à 2016, il a été actif dans le Jardins des Maraîchères qui propose des légumes à prix libre.

«J'ai aguerri mes compétences, j'ai rencontré des comparses, d'autres sont devenus paysans dans la région Bourgogne-Franche-Comté. On est au moins cinq ou sept paysannes et paysans à s'être installés à l'échelle professionnelle après un passage par les Lentillères. Ce n'est pas négligeable. Ce qu'on a fait là-bas, c'est plus qu'un petit jardin pour prendre l'air ou rencontrer des gens. C'est aussi expérimenter le travail ensemble, la professionnalisation, mettre les pratiques en face de la réalité comme un espace-test hors cadre», développe-t-il.

«Si j'étais pas passé par les Lentillères, je ne serai pas maraîcher dans la ville de Dijon, je ne prendrai pas ma part dans la stratégie de souveraineté alimentaire de la Métropole. (…)  Il ne faut pas oublier que les Lentillères, ça fait partie de cette grande ambition. Ce n'est pas une épine dans le pied, au contraire, c'est un atout. On souhaite que ce soit pris en compte», poursuit Antoine Lesty.

Des actions culturelles en plus du maraîchage


En se comptant et en s'affichant, les différents acteurs entendent apporter la démonstration que l'occupation du site va, à présent, au-delà des premiers temps du «Potager collectif des Lentillères», destiné à empêcher la construction d'immeuble sur les terrains, même si la contestation de la politique urbanistique de la majorité de François Rebsamen perdure.

Activités culturelles et sociales se sont développées depuis 2010 avec même de l'habitat avec des caravanes, ce qui a amené le maire de Dijon à qualifier le site de «bidonville». De leur côté, les activistes revendiquent une «vie de quartier».

Pour Zutique Productions, intervenir sur le site permet d'«externaliser» les activités de l'association culturelle afin de «diffuser des artistes et faire vivre d'autres lieux qui sortent des lieux institutionnels».

«Sur le plan culturel, (…) l'association l'Engeance s'organise depuis 2016. On souhaiterait pouvoir continuer à accueillir du public», indique Geoffroy, «le public est le premier soutien des Lentillères effectivement, beaucoup de gens qui sont heureux de venir voir des concerts et des formations qui sont heureux de venir dans un lieu qui a du sens et qui ne pourrait pas être remplacé par quelque chose mis en place par la collectivité».

«Quand on a commencé à faire des concerts, il y avait très peu de lieux qui acceptaient qu'on ait une prog' aussi libre», ajoute Laura, «c'est un terrain d'expérimentation énorme». L'Engeance accompagne des groupes rock et des formations de musique expérimentales.

Seule femme à prendre la parole ce jour, Laura signale tout particulièrement la mise en place d'espaces en «non mixité» sur le site des Lentillères : «c'est un lieu qui est très conscient par rapport à l'espace public qui est principalement occupé par des hommes ; il faut que l'on se réapproprie les espaces de fête en tant que femme».

Pour l'association Mondofuzz, Samuel organise des activités culturelles : «c'est aussi ça les Lentillères, un jardin, des espaces verts (…) mais aussi une espèce de floraison multiculturelle. On a peur que ce soit remise en cause».

«Le Quartier des Lentillères est un lieu où s'invente une manière de vivre»


«C'est un lieu de partage qui va bien au-delà du quartier», souligne Samuel Garnier, cosecrétaire départemental de Solidaires 21, en réponse à «un maire et une administration locale qui parlent tout le temps d'écologie dans une ville qui est très minérale et, là, on a pratiquement le seul espace dijonnais où on a encore huit hectares de terres qui sont dénudées. On l'a vu avec la canicule, (…) les habitants à côté étaient très contents que ce soit dénudé parce que les îlots de chaleur, autour, ils sont beaucoup moins importants. De fait, il faudrait repenser la ville dans son ensemble et ouvrir des espaces».

«C'est un lieu où penser», assure Jean-Louis Tornatore. «On réfléchit à la question aujourd'hui de l'Anthropocène [NDLR : la notion d'Anthropocène, non reconnue par la communauté scientifique des géologues, sert à proposer une qualification d'époque géologique marquée par l'influence des activités humaines sur les écosystèmes, débutant notamment avec la révolution industrielle]. (…) Un lieu comme le Quartier des Lentillères est un lieu où s'invente une manière de vivre qui serait, en quelque sorte, contre cette réalité anthropocènique. (…) C'est un lieu où s'invente le futur avec différentes manières effectivement de cultiver la terre mais aussi différentes manières de vivre l'espace, d'habiter le territoire.»

La demande d'instaurer une «zone d'écologie communale»


«Cet enchevêtrement qui est caractéristique de la manière d'habiter le territoire de l'espace des Lentillères s'oppose aux formes de segmentation, de partage que l'on voit dans la gestion du territoire de la commune», analyse l'anthropologue qui renvoie au principe «fondamental» de la revendication d'instaurer une «zone d'écologie communale» sur le site, vu comme l'invention d'une notion juridique pour «négocier avec le droit officiel» (lire notre article).

Au-delà de la survie du Quartier libre des Lentillères, est également contestée la construction d'immeubles en bordure du mail Guynemer, là où actuellement se situe un terrain de BMX, ce qui représente deux des huit hectares de la parcelle en question.

Jean-Christophe Tardivon

50 associations et collectifs dijonnais affirment leur soutien aux Lentilleres

Ce texte est le fruit d'une compilation de contributions rédigées en soutien au Quartier libre des Lentillères par des collectifs, soutiens et usagèr·es du lieu. Tou·tes sont lié·es de différentes manières à cet espace, qu'iels y jardinent, y organisent des concerts, s'y promènent... Tou·tes participent à sa vie quotidienne et à sa lutte.

Partout dans Dijon surgissent des chantiers Bouygues ou Ghitti, des immeubles avec des toits en zinc, des croisillons en bois de palettes devant les fenêtres et des balcons minuscules. L'urbanisation ordinaire d'une ville moyenne, une ode bétonnée à l'accession à la propriété. Alors forcément quand on tombe sur un gamin à bastoche qui annonce qu’à partir de la pancarte, on pénètre dans le « Quartier libre des Lentillères », on jubile. On a tout de suite envie de prendre racine, d’oublier l’appartement témoin qu'on vient de visiter avec sa zone arborée sécurisée. On échappe à la ligne droite, à la haie taillée, aux fleurs de science-fiction du catalogue Truffaut, on retrouve la campanule et la digitale. On est content·e de croiser des êtres humain·es qui ne ressemblent pas à celles et ceux dessiné·es sur les panneaux de promotion immobilière, en jupes fluides et pantalons à soufflets qui promènent en laisse des chiens carrés...

Nous, collectifs, associations, jardinières et jardiniers, fermes agricoles, nous tenons résolument à ce que le Quartier Libre des Lentillères puisse continuer à vivre, être habité, se cultiver, se transformer, s'autogérer...

Parce qu'en s'y promenant, on mesure combien ce quartier regorge de multiples espaces spécifiques, créatifs, curieux, surprenants, inattendus. Nos cerveaux humains ont besoin d'endroits sauvages, cachés et atypiques. Nous avons besoin d'être surpris·es. Que nos regards soient interpellés par des éléments incongrus, personnalisés et variés. La multiplicité des espaces - potagers, lieux permettant le repos et d'autres ouvrants sur une scène, l'aspect « fait main » des aménagements effectués, lieux de vie - ouvre une zone de liberté dans nos esprits.

Parce qu'ici, des personnes harcelées par une préfecture qui ressemble à l'ogre des contes, ont pu trouver gîte et couvert sans avoir à montrer un papier qui atteste qu'un jour, elles sont nées, ailleurs et peu importe où.

Parce que grâce à ce lieu, nous avons pu initier nos enfants aux joies de la nature (en ville !), au bonheur de jardiner puis au plaisir de manger des légumes cultivés en collaboration avec d'autres habitant·es du quartier.

Parce que les propositions d'activités et de spectacles, nombreuses et variées, nous ont permis d'élargir notre horizon culturel et relationnel, sans émission de carbone !

Parce que c'est aussi un espace dédié à la diffusion de spectacles et de concerts sortant des schémas aseptisés des labels institutionnels. La programmation diversifiée y est accessible à tou·tes grâce au prix libre. Ici, le terme "spectacle vivant" prend tout son sens car on le laisse être vraiment ainsi : sauvage et libre. Les fêtes de quartier du printemps et de l'automne scandent le calendrier annuel des activités maraichères et potagères et permettent l'apprentissage de la fête en collectif.

Parce que lors des épisodes caniculaires, ce lieu nous permet de respirer un air frais tout à fait salutaire.

Parce que c'est grâce à ces lieux de liberté que les associations, collectifs et mouvements peuvent trouver un sanctuaire, une protection et des ami·es. Sans ces lieux, nos espaces de luttes et de rencontres seraient très limités.

Parce que la lutte du Quartier Libre des Lentillères résonne avec les nôtres. Nous luttons contre le patriarcat, le sexisme, le racisme, le capitalisme et la destruction de l'environnement. Les unes ne vont pas sans les autres.

Parce que cet espace est autre. Autrement.

Comment vouloir transformer un lieu riche fait de maraîchèr·es, de jardinièr·es, d'économie non marchande et d'autogestion, un lieu d'autonomie alimentaire, un lieu d'échanges, un lieu solidaire, un lieu d'entraide, un lieu fait d'initiatives collectives et qui tendent à être écologiquement responsables, un lieu ressource pour beaucoup de personnes, en un endroit aseptisé, lisse et homogène, en de simples jardins partagés municipaux ?

Dans une société quadrillée, contrôlée, où est la nature ? Elle est bien souvent réduite à un pauvre petit arbre que l'on plante sur une place bétonnée pour se donner bonne conscience. Cet espace de liberté, de nature indépendante, improvisée et joyeuse est nécessaire !

Et le fait que ce quartier, par son essence même, par son occupation, traduise des engagements politiques, sociaux et culturels, le rend immensément riche. Que c'est bon de savoir que des décisions peuvent être prises de façon autogérée !

Ce quartier, nous le soutenons, le faisons vivre et l’aimons parce qu’il est composite et traversé par de nombreuses personnes, pour différentes raisons. En proposant la création d’une Zone d’Ecologies Communale, l’assemblée du Quartier Libre des Lentillères entend faire admettre cette multiplicité des usages sur une même zone et la possibilité d’existence des différents attachements que nous avons à un territoire.

Liste des Signataires :
Zutique Productions
Librairie La Fleur qui pousse à l'intérieur    
Collectif lycée d'accueil international Le Castel
Cercle Laïque Dijonnais
Le Jardin des Tille Légumes, Maraîchage en agriculture biologique - Magny-sur-Tille    
L'Engeance
France Nature Environnement 21 (FNE 21)
Mondofuzz
Union syndicale Solidaires 21
Atelier les chiffonniers    
Cinéma l'Eldorado
Why note . Ici l'Onde
Collectif Risomes - Mâlain    
La Péniche Cancale        
MU Body Arts    
Attac 21
Mammouth
Skanky Yard
Espace Autogéré des Tanneries
Sabotage    
Conscience Nocturne    
L'Alcoorâle    
Les amis de la terre Côte d'Or   
Maloka
FSU 21
Les Rainettes    
GangReine     
Collectif 25 novembre    
Association Les Orageuses    
XR Dijon    
Les ami·es des Lentillères    
Ferme de l'abeille Maraîchère
Café Le chez nous    
Dijoncter
Green peace Dijon    
COMBACTIVE, association pour la protection de la Nature et des Droits des Animaux    
Atelier d'écologie politique: Penser les transitions (Université de Bourgogne)    
Asso Les Jardins des Vaîtes
Association levelocestmieux
Association du développement des sports extrêmes de Dijon
Association BIEN VIVRE DANS LE QUARTIER DE LARREY
Association Les ami-es de l'Engrenage    
Les membres de l'association Rézo'Fêt'Art
Vigilance OGM 21    
UrbAlter Dijon    
DAL 21
RISK party    
La Quincaillerie - Venarey-lès-Laumes    
le Collectif 7'    
Au gramme près     
Association De Bas Etages


















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