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05/07/2022 15:36

DIJON : Les militants des droits de l'homme alertent sur «les menaces d'expulsion de jeunes et de familles étrangères»

«C'est ahurissant qu'il faille aller dans la rue pour faire respecter les droits de l'enfance», a déclaré Paul Garrigues ce mardi 5 juillet en interpellant les services de la préfecture de la Côte-d'Or. Les militants soutenant les migrants et demandeurs d'asile ont présenté quatre drames humains représentatifs.
Des procédures d'expulsion de ressortissants étrangers en situation irrégulière  sont régulièrement déclenchées par les services de la préfectures de la Côte-d'Or et validées par le secrétariat général, au grand dam de militants associatifs mais aussi des proches des personnes concernées, certaines ayant pu refaire leur vie voire fonder une famille en France avec les années.

Ce mardi 5 juillet 2022, à la Maison des associations de Dijon, des représentants de la Ligue des Droits de l'Homme, de SOS Refoulement, de la Cimade, du Mouvement de la paix et de l'Action catholique ouvrière – associations du collectif de soutien aux demandeurs d'asile et migrants de Côte-d'Or – ont mis en exergue des situations emblématiques vues comme des drames humains.


Quatre situations représentatives face aux services de la préfecture


«Voici quatre situations emblématiques des problèmes que l'on rencontre, pas des situations exceptionnelles mais plutôt représentatives», explique Paul Garrigues, coprésident de la section de Dijon de la Ligue des Droits de l'Homme en prenant la parole.

D'une même voix avec les militants des autres associations, Paul Garrigues alerte en particulier sur «les menaces d'expulsion de jeunes et de familles étrangères les mettant gravement en danger, ignorant les droits de l'enfance, notamment le droit des enfants à vivre en sûreté et sans être séparés de leurs parents».

Souleymane, Malien apprenti-cuisinier


Ayant quitté le Mali à 16 ans, pris en charge initialement par le conseil départemental de la Côte-d'Or en tant que mineur étranger non accompagné (MNA), Souleymane Sacko a aujourd'hui 19 ans.

Après avoir été formé à l’École des Métiers de Dijon Métropole, le jeune Malien devient apprenti-cuisinier en 2019 au restaurant So Lunch à Dijon où il donnait satisfaction au point que ses employeurs ont longuement écrit à la préfecture pour défendre son dossier.

Une fois devenu majeur, Souleymane Sacko a constaté que les services de la préfecture de la Côte-d'Or remettaient en question la validité de ses documents d'identité.

«Est-ce qu'il vaut mieux des jeunes clandestins ou des jeunes qui travaillent ?» lance Paul Garrigues alors que Souleymane Sacko fait désormais  l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Le collectif de soutien aux migrants ayant saisi le tribunal, la décision n'a pas encore été exécutée mais le cuisinier en apprentissage a perdu son travail, ses employeurs ne pouvant plus faire appel à lui, ainsi que son logement.

Selon les militants, les services de la préfecture font reposer le contentieux non pas sur le passeport du Malien mais sur l'acte de naissance ayant permis aux autorités maliennes d'établir le passeport. Une plainte pour faux a été déposée à Dijon mais n'a pas fait l'objet d'un traitement judiciaire.

«Ça ne tient pas la route de dire que c'est faux alors que la justice n'a pas suivi», peste Paul Garrigues qui souligne que, selon ses employeurs, Souleymane Sacko s'est montré «volontaire, souriant, motivé, digne de confiance», cela dans un contexte où «de nombreux restaurant cherchent du personnel».

Shalva, bijoutier persécuté en Géorgie


La famille Kirimlishvili-Kubulashvili est composée de deux parents nés en 1983 et 1987 ainsi que de trois enfants nés en 2009, 2010 et 2018. La petite Ana, née en France, était scolarisée cette année à l'école maternelle Darcy et «ses deux frères sont de bons élèves qui parlent bien le français», indique Talmi Simeha.

Selon le bénévole de la Cimade, Shalva, le père de famille, a été «emprisonné et torturé dans une prison» en Géorgie pour avoir défié un politicien local qui voulait s'approprier sa bijouterie. Son épouse Nino aurait également été harcelée par la police locale.

La famille a fui le pays pour demander l'asile en France, ce qui n'a pas été accordé. Shalva bénéficie aujourd'hui d'un suivi psychiatrique au centre hospitalier de la Chartreuse à Dijon pour un syndrome post-traumatique.

Shalva avait un magasin de bijoux et de commerce d'or. «Il est prêt à tout travail», insiste Talmi Simeha. Son épouse était vendeuse : «elle est prête à travailler dans le secteur du ménage».

La prise en charge psychiatrique a conduit à l'annulation d'une première OQTF faisant suite au rejet de la demande d'asile. Saisie, la justice administrative a donné tort à la préfecture de la Côte-d'Or dont les services «refusait le droit de rester en France pour être soigné», déplore le bénévole de la Cimade.

Comme le relate le militant, les médecins de l'Office Français de l'Immigration (OFI) ayant suivi le dossier du père de famille à son arrivée lui avait remis une «carte étranger malade» en pointant la nécessité d'«une prise en charge, faute de quoi les conséquences pouvaient être une exceptionnelle gravité» tout en soulignant que la prise en charge n'était pas adéquate en Géorgie.

Quand bien même, Shalva arriverait à plaider son cas, la menace d'une OQTF plane sur le reste de la famille. La Ligue des droits de l'Homme réfute les arguments de la préfecture alors que le dossier est désormais instruit en appel par la justice administrative à Lyon. Paul Garrigues signale qu'une pétition a reçu «615 signatures» et demande «à ce qu'on respecte la vie de la famille» afin de «ne pas renvoyer la famille là où ils ont été maltraités».

Un appel à rassemblement ce jeudi 7 juillet à 17 heures devant l'école maternelle Darcy est lancé par un collectif de militants, d'enseignants et de parents d'élèves.

Fouzia, Algérienne ayant reconstruit une famille


Présente illégalement en France depuis neuf ans, Fouzia est Algérienne. Elle a quitté le père de trois de ses enfants et vit dans l'agglomération dijonnaise en ayant reconstruit depuis trois ans une famille avec un ressortissant turc vivant légalement en France depuis onze ans. Ensemble, ils ont eu un enfant, âgé aujourd'hui de huit mois, né en France.

«Je reproche au préfet de ne pas voir le côté humain du dossier d'une maman qui veut protéger ses enfants», déclare Fouzia, très émue. Un garçon vient de passer le brevet des collèges, un autre entrera en 4ème tandis qu'une petite fille de 7 ans, également née en France, entrera au CE1.

Les services de la préfecture de la Côte-d'Or ont jugé faux les certificats de scolarité des trois enfants et décidé d'une OQTF concernant Fouzia et les enfants scolarisés. Seul le bébé de huit mois serait autorisé à rester en France avec son père. «C'est horrible ça, je ne trouve pas les mots», déplore la mère de famille.

«La préfecture a toutes les possibilités légales de régulariser en application d'une circulaire de 2012», explique Paul Garrigues, le critère pour accorder un titre de séjour consistant en cinq ans de présence en France assorti de trois ans de scolarisation pour un enfant. «La petite ne connaît que la France, le bébé a son père qui s'en occupe en France».

«La France est signataire de la convention internationale des droits de l'enfance qui assigne le droit de vivre en famille», martèle le militant de la LDH.

Hovannes et Lusine, Arméniens ayant fui l'Ukraine


La quatrième situation représentative des dossiers accompagnés par les associations de soutien aux demandeurs d'asile concerne une famille arménienne arrivée en France après avoir fui la guerre en Ukraine.

Ayant quitté l'Arménie en 2000 car menacé par une bande de délinquants, un couple, Hovannes et Lusine, âgés aujourd'hui d'une soixantaine d'années, ayant deux filles, dont une de nationalité ukrainienne, vivait et travaillait avec des titres de séjour permanent près de Marioupol, où le couple avait de la famille, quand les troupes de la Fédération de Russie ont envahi l'Ukraine.

Les militants des droits de l'homme reprochent aux administrations françaises «les conditions restrictives» en application de la directive sur la protection temporaire – activée pour prendre en charge les personnes déplacées dans des pays de l'Union européenne en venant d'Ukraine – en la réservant aux seules ressortissants ukrainiens.

La demande de dialogue adressée à la préfecture de la Côte-d'Or


Le «trait d'union» que signale Paul Garrigues entre ces quatre situation est ce qu'il qualifie de «traitement à charge» de la part des services de la préfecture de la Côte-d'Or. Et de dénoncer «l'absence de tout dialogue». Même si la Cimade a été reçue par le préfet, «on n'arrive pas à échanger sur les situations concrètes des personnes».

«Quelques affaires ont pu avancer quand il y a eu beaucoup de mobilisation», constate Paul Garrigues en référence au titre de séjour obtenu par la famille albanaise du petit Rizart, scolarisé à l'école de la Colombière.

Pourtant, le militant des droits de l'homme regrette ce genre de situation : «c'est ahurissant qu'il faille aller dans la rue pour faire respecter les droits de l'enfance».

Jean-Christophe Tardivon

Le collectif de soutien aux demandeurs d'asile et migrants
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