
Le «concert de casseroles» de ce lundi 17 avril s'est soldé par des heurts entre activistes et forces de l'ordre. Deux policiers ont été blessés. Le préfet dit «stop» dans un contexte d'évolution de la communication du ministère de l'Intérieur.
Durant l'allocution du président de la République, ce lundi 17 avril, un rassemblement s'est tenu place de la Libération, à Dijon, pour prolonger la contestation de la loi sur la réforme des retraites par un «concert de casseroles», comme dans d'autres villes de France.
Anticipant l'action de quelques heures, le préfet de la Côte-d'Or avait publié un arrêté interdisant toute manifestation dans le centre-ville.
L'enjeu de l'accès à la place de la Libération
Comme lors des échanges – déjà tendus – avec quatre organisations syndicales qui appelaient à un rassemblement, le 14 avril dernier, jour du rendu de la décision du Conseil constitutionnel, l'enjeu portait sur l'accès à la place de la Libération où, notamment, le 16 mars dernier, des poubelles avaient été incendiées contre la grille de la cour d'honneur (
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Parallèlement, le souvenir de l'incendie de la porte en bois du palais des ducs de Bourgogne lors d'une manifestation de Gilets jaunes, le 1er décembre 2018, est encore dans les têtes des Dijonnais.
Dans ce contexte, le 14 avril dernier, le rassemblement avait pu se tenir place de la République (
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Le même tracé avait été retenu ce 17 avril, offrant la possibilité aux organisateurs de s'installer, là encore, place de la République. C'est pourtant la place de la Libération qui a été choisie pour sa symbolique.
Solidaires 21 fustige «les intimidations minables de la préfecture»
Selon la police, 200 personnes ont participé au «concert de casseroles», 400 selon l'union syndicale Solidaires 21.
Après l'intervention télévisée d'Emmanuel Macron, les forces de sécurité intérieure ont eu recours à des grenades de gaz lacrymogène pour obtenir la dispersion du rassemblement non déclaré. Des heurts s'en sont suivis dans les rues alentour.
«Cette ''casselorade'' a pu se dérouler malgré les intimidations minables de la préfecture qui a une nouvelle fois décidé d’interdire ce rassemblement populaire et festif», a réagi l'union syndicale Solidaires 21, ce mardi 18 avril 2023, par un communiqué. «Notre détermination collective est une nouvelle fois renforcée par l’intervention d’un Jupiter s’éloignant de plus en plus du système solaire !»
«Que ce soit pour les retraites ou les salaires, la question est bien celle du partage des richesses. Les discours sur la nécessité de travailler plus sont d’autant plus inacceptables dans un pays de milliardaires, de supers-profits exponentiels et où la fraude fiscale atteint 100 milliards par an. Le mépris des travailleuses et des travailleurs qui produisent les richesses est inacceptable, tout comme le mépris envers la jeunesse», a poursuivi l'organisation syndicale.
Le préfet dénonce «une profonde atteinte à notre démocratie»
Ce même jour, l'état-major de la direction départementale de la sécurité publique de la Côte-d'Or a indiqué que deux policiers avaient été blessés durant ces événements et qu'un homme avait été interpellé car soupçonné d'avoir «proféré des menaces de mort contre un policier». Il sera convoqué devant le tribunal de Dijon.
Le préfet de la Côte-d'Or Franck Robine a également réagi : «tout mon soutien aux policiers blessés hier lors de la manifestation qui s’est déroulée illégalement dans Dijon hier. Insulter et agresser les hommes et femmes de la police nationale n’est pas seulement un délit mais porte une profonde atteinte à notre démocratie». «Je dis STOP», a martelé le représentant de l’État.
Les vidéos des gendarmes à Sainte-Soline
Cette crispation des échanges localement intervient dans un contexte national qui a évolué en particulier depuis la confrontation entre gendarmes et activistes écologistes et anticapitalistes, à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), survenue le 25 mars dernier, à propos de la thématique des retenues d'eau de substitution pour des usages agricoles, appelées «méga-bassines» par leurs opposants.
La communication du ministère de l'Intérieur s'est adaptée en diffusant rapidement des images captées par les gendarmes mobiles soulignant la violence de la situation.
La communication des policiers évolue
Localement, la DDSP de Côte-d'Or vient de faire de même en diffusant sur Twitter une vidéo captée depuis les rangs des policiers lors des heurts ayant suivi la manifestation du 6 avril dernier (
retrouver la vidéo).
Alors que la notion de «violences policières» fait florès sur les médias sociaux depuis 2014 et le décès de Rémi Fraisse, manifestant contestant un projet de barrage à Sivens (Tarn), le ministère de l'Intérieur et les déclinaisons locales de l'institution policière semblent donc vouloir réagir sur le terrain communicationnel en mettant en avant le nombre de blessés parmi les agents des forces de sécurité intérieure et en diffusant des vidéos d'intervention.
Jean-Christophe Tardivon
Heurts après la dispersion de la manifestation du 6 avril 2023, à Dijon (image d'archives JC Tardivon)