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11/01/2022 12:35

DIJON MÉTROPOLE : Des militants anticapitalistes et écologistes contestent l'implantation d'Amazon

Une trentaine de personnes ont manifesté devant le futur bâtiment à Longvic ce lundi 10 janvier pour exprimer leur opposition. Leurs griefs sont nombreux : contestation du «modèle économique», suspicion d'«évasion fiscale», entorse au principe de «dernier kilomètre», «contournement» du salariat et «gaspillage» d'argent public.
Le géant américain du e-commerce aura bientôt un pied dans la métropole dijonnaise avec une «agence de livraison de proximité» située dans la zone industrielle de Longvic (lire le communiqué).

À quelques semaines de la mise en service, une trentaine de manifestants du collectif «Plus jamais ça» se sont rassemblés ce lundi 10 janvier 2022 à l'extérieur du site sous une discrète surveillance de la police nationale.

Une discrète implantation au niveau de la métropole de Dijon



Les manifestants n'ont pas de mots assez durs pour contester l'implantation d'Amazon sur le territoire de la métropole dijonnaise. À commencer par le montage de société utiliser pour masquer la destination finale du bâtiment : l'ancien entrepôt de l'entreprise de métallurgie Francéole qui produisait des mâts d'éoliennes a été acheté par la société SOREMI Longvic, dont le siège est à Paris, fondée spécialement pour cela en novembre 2020.

Selon les manifestants, les locaux de 11.000 m² seront loués par la SOREMI à Amazon. Ils sont actuellement en cours de réhabilitation par le spécialiste nantais de l'immobilier d'entreprise Stegys via des acteurs côte-d'oriens du BTP. Les recrutements étant en cours, la mise en service de l'agence de livraison de proximité pourrait intervenir dès février prochain.

Les manifestants reprochent à Dijon Métropole et à la Ville de Longvic un manque de transparence dans la concertation autour de cette implantation d'un site d'Amazon. À ce jour encore, aucun panneau d'information sur la destination des travaux ne figure sur le chantier. À terme, le nom et le logo d'Amazon devraient pourtant apparaître sur le bâtiment comme c'est le cas pour la plateforme logistique à Chalon-sur-Saône.

«Dijon Métropole et la Ville de Longvic accueillent à bras ouvert un champion mondial de la pollution et du greenwashing»


Autre grief : la notion de «dernier kilomètre» mis en avant par le distributeur. «Le dernier kilomètre englobe plutôt un territoire de plusieurs centaines de kilomètres carrés», estime Elsa Fricoteaux, porte-parole des Amis de la Terre Côte-d'Or.

«On voit pas mal de véhicule passer mais ce n'est rien comparé à ce qu'il y aura quand le site sera mis en exploitation», ajoute la militante écologiste. Situé dans la zone industrielle de Longvic, le bâtiment jouxte le canal de Bourgogne ainsi que la trame verte et bleue de l'Ouche et se positionne à 200 mètres à vol d'oiseau du parc de la Colombière.

«Si on multiplie la circulation par dix ou par cent, la pollution atmosphérique va augmenter», alerte Elsa Fricoteaux qui pointe des écarts entre «les promesses et la réalité sur le terrain un an après» prenant pour exemple le site d'Amazon à Orléans qui recourt «principalement» à des véhicules à moteur thermique.

«La végétation actuelle ne pourra pas compenser les émissions de gaz à effet de serre de centaine de véhicules de livraison journaliers supplémentaires», anticipent les Amis de la Terre. «Les infrastructures routières du secteur, à la charge des communes, se dégraderont plus vite et engendreront des coûts financiers mais aussi de matières premières plus importants à moyen terme.»

«Dijon Métropole et la Ville de Longvic accueillent à bras ouvert un champion mondial de la pollution et du greenwashing», clame Elsa Fricoteaux. «Les décideurs politiques sont-ils inconscients du danger climatique actuel ? Sont-ils hypocrites ou même schizophrènes dans leurs choix économiques et écologiques ou sont-ils trop faibles pour résister aux sirènes des multinationales climaticides et prendre des décisions dans l'intérêt général de leurs administrés et de la planète ?» Le 16 décembre dernier, François Rebsamen (PS), président de Dijon Métropole, avait défendu cette implantation en mettant en avant qu'«Amazon vient réhabiliter des bâtiments industriels» (lire notre article).

«Est-ce cela que nous voulons à Dijon Métropole ? Plus de pollution et de gaspillage d'argent public ? (…) Le rapport bénéfice/risque de cette implantation est beaucoup trop inégal et catastrophique pour notre territoire et notre environnement !», considère-t-on chez les Amis de la Terre.

Le statut de microentrepreneur pour «contourner le salariat»


Répondant à l'origine à un appel à la justice sociale et à la lutte contre le changement climatique, le collectif «Plus jamais ça» s'est constitué au niveau national en 2020. Le collectif a alors rédigé le rapport «pas d'emploi sur une planète morte». Globalement, c'est l'activité même d'Amazon que les manifestants entendent contester.

En Côte-d'Or, les structures participant au collectif «Plus jamais ça» sont les Amis de la Terre Côte-d'Or, ATTAC 21, l'Union Départementale CGT 21, Solidaires 21, CNT 21, la LDH 21, Oxfam GL Dijon, l'Assemblée Populaire, FSU 21, Les Ami-es des Jardins de l'Engrenage, Nature & Progrès Bourgogne et Extinction Rébellion Dijon.

«Amazon à Longvic, c'est faire venir un des GAFAM à notre porte et lui apporter un soutien dans sa tentative de tisser sa toile sur le territoire français en éradiquant ses concurrents», analyse Agnès Salomon, porte-parole d'ATTAC 21 [NDLR : l'acronyme GAFAM évoque les géants américains Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft].

En termes d'emplois, 50 CDI seraient créés à Longvic ainsi qu'environ 250 postes de «collaborateurs externes». Frédéric Pissot, secrétaire général de l'union départementale de la CGT en Côte-d'Or, a contacté ses homologues d'autres sites qui évoquent les «management oppressif», «cadencement minuté», «pression constante» et «travail posté de nuit». Le syndicaliste dénonce également l'uberisation des «collaborateurs» en ayant recours au statut de microentrepreneur pour «contourner le salariat».

«C'est un système de concurrence déloyale par rapport aux entreprises qui sont dans le pays»


Les frontières entre optimisation, évasion et fraude fiscales sont délimitées théoriquement par le droit et pratiquement par la capacité des États à mener des contrôles au sein des entreprises opérant dans plusieurs pays.

Les manifestants soupçonnent Amazon de déborder le cadre de l'optimisation fiscale et s'appuient pour cela sur des articles de Capital et du Gardian : 44 milliards de chiffre d'affaire en 2020 en Europe et 1,2 milliards d'euros de pertes donc aucun impôt sur les sociétés. Quand bien même des bénéfices apparaîtraient, l'entreprise disposent de crédits d'impôts (lire l'article de Capital).

«C'est un système de concurrence déloyale par rapport aux entreprises qui sont dans le pays. (…) Le système est de faire en sorte que, dans le pays où on paie le plus d'impôt sur les sociétés, on n'en paie pas et les profits sont versés dans une autre filiale», explique Jean Dupraz, référent d'Oxfam à Dijon. Des ressources fiscales qui manquent pour «financer nos services publics», analyse-t-il.

Face à cela, Oxfam demande d'obliger les multinationales à effectuer des rapports d'activités (reportings) «pays par pays» et de «lever le secret fiscal des entreprises». Dans ce contexte, les manifestants appellent les consommateurs à se montrer «vertueux» dans leurs achats.

«Un marketing de surveillance qui emprisonne le consommateur»


Michel Manuelian, co-porte-parole d'ATTAC 21, cible le «modèle économique» d'Amazon visant à «une expansion infinie». Tandis que l'autre co-porte-parole s'intéresse tout particulièrement au sujet du traitement des données personnelles collectées lors des achats en ligne ou lors d'utilisation d'objets connectés.

«Cette collecte des faits et gestes des clients constituent un marketing de surveillance qui emprisonne le consommateur», analyse Agnès Salomon. De plus, les militants anticapitalistes craignent que ses données puissent être transmis à des gouvernements. Selon la militante anticapitaliste, aux États-Unis, «santé, sécurité, rien n'échappe à Amazon qui s'affranchit des droits civiques».

Jean-Christophe Tardivon




























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