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01/11/2022 03:52

DIJON MÉTROPOLE : Le délégué syndical CGT de Divia explique les raisons de la grève

Après la Foire de Dijon, une grève pour les festivités des dix ans du tramway ? Ce lundi 31 octobre, Mounir Smaïli «envisage tout». «On n'a aucune certitude sur la volonté de Keolis de sortir de ce conflit», proteste le délégué syndical CGT.
Pour les dix ans du tramway, la CGT offre une grève perlée à Dijon Métropole et au groupe Keolis qui exploite le réseau. Mis en service le 1er septembre 2012, le tramway serait responsable d'une perturbation des conditions de travail qui n'aurait été ni revue depuis ni compensée en termes de rémunération.

Ce lundi 31 octobre 2022, à la veille de plusieurs jours de grève successifs, y compris durant la Foire de Dijon, Mounir Smaïli, conducteur-receveur et délégué syndical CGT Transports publics urbains de voyageurs de Dijon Métropole a expliqué à Infos Dijon pourquoi perdurait le mouvement engagé en mai dernier. La CGT étant le syndicat majoritaire de l'entreprise.


Une délégation de service public à renouveler en janvier 2023


Au travers d'une délégation de service public (DSP) attribuée par la Métropole de Dijon, Keolis Dijon Mobilités (KDM) exploite le réseau de transports en commun de l'agglomération sous le nom commercial Divia.

KDM est une filiale du groupe Keolis, lui-même détenu à 70 % par la SNCF et à 30 % par la Caisse de dépôt et placement du Québec qui est le deuxième plus important fonds de pension du Canada.

La DSP en cours arrivera à son terme le 31 décembre prochain et la probabilité que le nouveau contrat soit de nouveau attribué à Keolis est élevée.

«L'arrivée du tram a changé radicalement l'organisation», analyse Mounir Smaïli». Selon lui, la «dégradation» concerne la sécurité, les conditions de travail et les rémunérations.

«Le sentiment d'insécurité est prégnant»


«La sécurité est un problème récurrent, cela s'amplifie avec les années. On sent un manque de sécurité, notamment aux postes de conduite», analyse le délégué syndical qui reconnaît toutefois que de graves faits d'agressions et de caillassages en 2019 à Chenôve ont été «bien gérés par la direction».

En 2021, 865 «incidents» ont été recensés par Keolis Dijon Mobilités. La CGT relève 380 agressions physiques et près de 300 risques psycho-sociaux dont des agressions verbales.

En mai 2022, KDM, la Métropole de Dijon, la Ville de Dijon et la préfecture de la Côte-d'Or ont signé une convention sur la sécurité. Un groupement de soutien et d'intervention (GSI) a été créé avec la possibilité de s'affranchir de la limite entre Dijon et Chenôve en attendant un éventuel élargissement à l'ensemble des communes de la métropole (lire notre article).

«Depuis fin mai, on ne voit pas de changement sauf dans le tram en journée en heure de pointe mais cela ne couvre pas toute l'amplitude des transports et de la journée», proteste Mounir Smaïli.

«On est favorable à tout ce qui nous permet de voir une évolution en matière de sécurité : effectifs suffisants et pérennes, amplitude la plus large possible. Il faut que le sentiment d'insécurité disparaisse auprès des salariés. On souhaite une certaine réactivité. Ce sentiment d'insécurité est prégnant et grandit au fur et à mesure que les années passent», développe-t-il.

«On nous demande de faire plus avec moins»


Lorsque le tramway a été mis en service au second semestre 2012, «les services ont été construits différemment avec des durées plus importantes». Seul personnel à bord des bus le plus souvent, le conducteur est également receveur. Pour limiter la fraude, KDM a instauré la montée dans les bus par la seule porte avant.

Un choix qui «apporte son lot de problème en matière de retard», selon Mounir Smaïli : «quand on n'ouvre pas toutes les portes cela entraîne du retard aux arrêts». Retard qu'il faut compenser ensuite.

En matière d'effectifs, «on nous demande de faire plus avec moins», résume le délégué syndical. Cela concernerait notamment l'entretien des véhicules : «on a des bus vieillissants, on a un effectif réduit à la maintenance, on s'aperçoit qu'il y a des bus qui ne sortent pas».

«Je peux avoir à prendre les voyageurs du bus qui aurait dû être devant moi», relate le conducteur-receveur. Ce qui s'ajoute donc à la gestion des retards.

«Certains collègues n'en peuvent plus»


Bien connus des usagers, les problèmes de la ligne Corol sont régulièrement signalés par les conducteurs : «ça fait des années que l'on dit que le bus de la Corol qui part de la Fontaine-d'Ouche à 7h30 est plein dès lors qu'on arrive avenue Eiffel, on demande un renfort pour ne pas laisser des voyageurs sur le trottoir». Sans compter que «la plupart des bus sur cette ligne ne disposent pas d'accès PMR».

L'évolution des conditions de travail entraînerait de l'absentéisme : «certains collègues n'en peuvent plus», constate le syndicaliste. «Avoir moins de personnels nous pousse à rouler plus pour compenser les absences, cela participe d'une politique d'entreprise à laquelle on adhère pas.»

Selon la CGT, KDM comptait 520 agents de conduite en 2013. Aujourd'hui, ils seraient 500 alors que le trafic tendait à augmenter avant la crise sanitaire. «La fréquentation a presque retrouvé le niveau de 2019», signale toutefois Mounir Smaïli qui s'interroge sur «l'évolution des comportements suite à la crise de l'énergie».

Selon le délégué syndical, un phénomène nouveau se produit alors que la métropole dijonnaise connaît quasiment une situation de plein emploi :«des salariés quittent l'entreprise», principalement pour changer de projet professionnel.

L'externalisation de la médiation en question


Le délégué syndical regrette le temps où la médiation avec les usagers était gérée en interne : «la médiation qui existait dans l'entreprise apportait énormément auprès des voyageurs et auprès des personnels ; on se sentait moins seul, ils sillonnaient l'ensemble du réseau». Un service de médiation ayant compté jusqu'à une vingtaine de personnes.

Le service a été supprimé en 2010 puis externalisé auprès de l'association de médiation sociale Pimms Médiation Dijon qui aurait «un effectif très fluctuant avec des contrats précaires» et qui ne transmettrait guère d'information aux conducteurs.

Le véhicule de surveillance réseau constituait un autre service jouant indirectement un rôle de prévention : deux véhicules circulaient avec chacun deux agents à bord. «Il ne reste qu'un véhicule et il n'est pas dédié au contact avec l'agent de conduite», déplore Mounir Smaïli.

Des «grèves des samedis» dès 2012


«L'arrivée du tram a chamboulé l'organisation de la vie privée», indique également le délégué syndical d'où un premier et long mouvement de «grève des samedis» dès septembre 2012 pour obtenir une revalorisation du travail effectué ce jour-là.

«On nous demandait de travail plus le samedi, on n'est pas contre, on est attaché au service public mais il n'y avait pas la reconnaissance que l'on attendait sur la question des samedis», explique-t-il.

«La CGT est très attachée à la question de la qualité de service et au haut niveau de service que l'on est censé rendre à l'usager. Aujourd'hui, on s'en sort au détriment de beaucoup de souffrance dans le travail et de l'accueil de l'usager», résume le délégué syndical.

La CGT revendique une augmentation de salaire de 10% en 2022


Dans ce contexte, la CGT TPUV a lancé trois «alarmes sociales» en mai dernier portant donc sur les conditions de travail, les salaires et la sécurité. Dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO) de mars dernier, «on nous a fait des propositions pas du tout à la hauteur de ce que l'on attendait, (…) on avait déjà perdu du pouvoir d'achat l'année dernière».

Au moment de négocier, la CGT demandait donc une «protection de l'inflation réelle», soit une augmentation des salaires de 10%, ce qui était l'anticipation du niveau de l'inflation à fin 2022. La direction a fait une projection concernant «l'inflation moyenne glissante» conduisant à une hausse de 1,5% puis  1,87%, soit 3,40% sur l'année, avec une clause de revoyure en janvier 2023.

Le délégué syndical de la CGT signale que l'inflation s'établit à 6,2% en octobre, bien plus que la revalorisation salariale. «On n'est pas dans une entreprise de taille familiale, on travaille pour un groupe qui génère des bénéfices depuis des années. Depuis la mise en place du tram, on a jamais autant remonté de bénéfices aux actionnaires», tempête Mounir Smaïli qui estime qu'entre 2017 et 2021, 9 millions d'euros seraient remontés au niveau du groupe Keolis.

La CGT TPUV étant le syndicat majoritaire de KDM, l'entreprise a proposé aux deux autres organisations syndicales, l'UNSA et FO, de signer la décision unilatérale de l'employeur pour obtenir la validation de la hausse de 3,40%.

«Calme plat» du côté de Dijon Métropole

 
Mounir Smaïli regrette également la distance de Thomas Fontaine, directeur général de Keolis Dijon Mobilités : «depuis le dépôt de l'alarme sociale, on a vu la direction quatre ou cinq fois, (…) on a le sentiment qu'il y a une politique de pourrissement de la situation. (…) Le syndicat majoritaire n'est pas invité à travailler sur la question des conditions de travail».

Du côté des élus métropolitains, «c'est le calme total». Fin septembre, le syndicat a écrit au président de la Métropole François Rebsamen (PS, FP) : «toujours pas de réponse». «Dijon Métropole donne une enveloppe avec de l'argent public, ils devraient s'emparer du sujet», glisse le délégué syndical.

Un nouveau directeur le 2 novembre


«On souhaite sortir du conflit», assure Mounir Smaïli, «on sait que les usagers sont sanctionnés, les salariés le sont aussi». Pour autant, le délégué syndical ne semble guère nourrir d'espoir avec un changement de directeur. En effet, Laurent Calvalido succédera à Thomas Fontaine le 2 novembre prochain.

«On souhaite poursuivre les négociations mais on n'a aucune certitude sur la volonté de Keolis de sortir de ce conflit, il y a une politique de groupe», analyse Mounir Smaïli qui renvoie aux échanges effectués avec ses homologues des autres filiales de Keolis dans d'autres villes : «on a un constat identique : blocage, refus de parler des salaires et des conditions de travail».

En dehors du niveau de l'augmentation, le périmètre pose problème à la CGT. «On souhaite augmenter les salaires parce qu'il n'y a pas de discrimination : tout le monde est augmenté dans l'entreprise», résume le délégué syndical. En revanche, face à l'impossibilité de revenir en arrière dans un tel cas, KDM, comme de nombreuses autres entreprises, est plus plus encline à accorder des primes, primes qui ne contribuent pas aux retraites. Selon la CGT, les primes annuelles de KDM oscillent entre 200 et 300 euros.

Un conducteur-receveur débute sa carrière chez KDM avec environ 1.750 euros net mensuels (hors service du dimanche), soit environ 40% de plus que le SMIC.

Des jours de grève durant la Foire de Dijon


La CGT a déposé un prévis de grève allant du 2 au 7 novembre (hors dimanche 6 novembre), ce qui correspond aux débuts de la Foire de Dijon. «Une volonté des salariés», assure Mounir Smaïli, «on souhaite alerter Dijon Métropole sur ce sujet». Pour autant, c'est plutôt Dijon Congrexpo, organisateur de l'événement, ainsi que les visiteurs qui risquent de pâtir de l'action.

Alors que la CGT annonce 170 grévistes parmi les conducteurs le vendredi 4 novembre prochain, un rassemblement est prévu le matin devant le dépôt et l'après-midi devant le siège de Dijon Métropole. Le syndicat a demandé à ce qu'une délégation soit reçue par des élus (lire le communiqué).

L'UNSA et FO ont indiqué participer à cette journée de mobilisation (lire le communiqué de l'UNSA). «On accueille très favorablement leur mouvement», signale le délégué syndical CGT.

La CGT n'exclut pas une grève lors des festivités des dix ans du tramway


Au-delà de la Foire de Dijon, Dijon Métropole prépare des festivités pour célébrer les dix ans du tramway dans les prochaines semaines.

«On envisage tout», prévient Mounir Smaïli, «les dix ans du tram : le tram est responsable de la dégradation des conditions de travail». «On veut d'abord sortir du conflit, si on a une direction fermée aux négociation, on envisagera de continuer le mouvement ; 'on', c'est l'ensemble des salariés, des salariés fatigués, méprisé, mal compris, mal considérés.»

Dans l'immédiat, la CGT prépare des opérations de distribution de tracts pour expliquer les raisons de la grève : «on le fait aussi dans l'intérêt des usagers, les usagers doivent s'emparer du sujet, c'est de l'argent public. On veut être à leur écoute, on comprend la fatigue des usagers. On le fait pour que ce réseau soit le plus sécuritaire et présente le plus haut niveau de service».

Jean-Christophe Tardivon

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Mounir Smaïli, délégué syndical CGT Transports publics urbains voyageurs de Dijon Métropole, le 14 octobre 2022


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