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05/12/2021 19:23

DIJON : Rentrée solennelle des avocats

La cérémonie festive du barreau de Dijon s'est tenue dans les salons du stade Gaston Gérard ce vendredi 3 décembre. «La justice n'a besoin que d'une seule chose : de moyens à la hauteur de la mission dont elle est investie au sein de notre démocratie», a revendiqué le bâtonnier Stéphane Creusvaux devant 300 personnes.
Pour faire face à la morosité de la crise sanitaire, la rentrée solennelle des avocats du barreau de Dijon a été teintée de légèreté sans oublier d'épicer d'une pointe de politique.

La soirée s'est déroulée ce vendredi 3 décembre 2021 dans les salons du stade Gaston Gérard en mobilisant les moyens techniques de l'équipe événementielle du Dijon Football Côte-d'Or. Le bâtonnier Stéphane Creusvaux a présidé la cérémonie suivie par 300 personnes, principalement des avocats.

Étaient également présents François-Xavier Dugourd (LR), vice-président du conseil départemental de la Côte-d'Or, Nathalie Koenders (PS), vice-présidente du conseil métropolitain de Dijon, Nadjoua Belhadef (PS), adjointe au maire de Dijon, Olivier Caracotch, procureur de la République de Dijon, et son prédécesseur, Éric Mathais, à présent procureur de la République de Bobigny, ainsi que Bruno Laplane, président du tribunal de Dijon, sans oublier des représentants de la police et de la gendarmerie.

«Un peu de folie après deux ans de frustration»


Au terme de son mandat, Stéphane Creusvaux résume «un bâtonnat sportif». D'où une arrivée ponctuée de musique et de feux de bengale, depuis la pelouse du stade, sous les applaudissements et encouragements des participants. «C'est difficile de résister à un peu de folie après deux ans de frustration».

Avec humour, en parodiant une émission de télévision, Alexis Faivre, premier secrétaire de la conférence 2020 du conseil de l'ordre, et Élise Rolet, première secrétaire de la conférence 2021, emmènent le public «dans les couloirs de la cité judiciaire» en faisant fi du politiquement correct.

Les magistrats du tribunal correctionnel, du tribunal administratif, de la cour d'assises et le juge aux affaires familiales en prennent pour leur grade tandis qu'un avocat, un certain «Émeric Durand-Mojito» ayant été «exfiltré du gouvernement», fait l'objet d'une attention toute particulière.

«L'audience incarne la rencontre entre les justiciables et leurs juges»


Des traits d'humour qui révèlent la place de l'audience dans le processus de la justice : «l'audience pour ce qu'elle incarne, la rencontre entre les justiciables et leurs juges, (…) espace au cours duquel l'histoire écrite devient l'histoire vivante, (…) la justice ne peut rester un pilier démocratique qui si elle est incarnée par des hommes et des femmes qui préservent son humanité».

Les deux intervenants alertent sur la dérive vers «un arbitrage algorithmique sans âme» et «une justice de bureau, invisible de ceux qui en sont les sujets et au nom desquels elle est pourtant rendue». «S'il n'y a plus de rencontre, il y a fort à parier que les décisions ne seront plus respectées, les jugements n'auront pas plus de valeur qu'une simple décision administrative», anticipent-ils.

«Un barreau de Dijon uni dans l'adversité»


Quand Stéphane Creusvaux reprend la parole pour dérouler les faits marquants de son mandat, les rires continuent alors qu'il égrène à sa façon les conséquences pratiques du mouvements des gilets jaunes, la grève des avocats de neuf semaines face à la réforme des retraites au début de l'année 2020 ou encore l'émergence de la crise sanitaire en mars 2020.

«Tenir bon, garder le cap dans la tempête, apprendre à s'adapter, conseils de l'ordre en distanciel : Teams, Skype, BlueJeans. Continuer quoiqu'il en coûte mais coûte que coûte : être là pour chacun, ensemble, ne laisser personne au bord de la route», se souvient Stéphane Creusvaux

«Je respire, je souffle. Trouver des solutions pour soulager les confrères, financièrement, mais pas seulement. Solidarité, confraternité, c'est ça l'ordinalité, c'est ce qui fait la force de notre profession : l'unité d'individualité. Un barreau de Dijon uni dans l'adversité», revendique le bâtonnier sortant devant le bâtonnier élu, Jean-Philippe Schmitt, qui prendra le relais en janvier 2022.

Le bâtonnier rend également hommage à Maître Arnaud Jeaugey, disparu accidentellement durant l'été 2021 : «ce fut une grande tristesse pour notre barreau ; c'était un avocat rigoureux, discret, d'une très grande confraternité».

«Le Garde des Sceaux a dû reculer»


Autre fait marquant : la nomination d'un ancien avocat à la Chancellerie avec Éric Dupond-Moretti qui devient le ministre de la Justice d'Emmanuel Macron. «L'excitation des débuts a laissé la place au doute et à l'agacement», relate Stéphane Creusvaux.

Après la tentative de création d'un statut d'avocat en entreprise, les dispositions sur le secret professionnel des avocats incluses dans le projet de loi sur la confiance dans l'institution judiciaire porté par Éric Dupond-Moretti font grincer les dents au barreau de Dijon et provoquent une manifestation (lire notre article).

Malgré la lettre adressée aux avocats et un échange direct avec le ministre (lire notre article), Stéphane Creusvaux enfonce le clou sur ce dossier : «l'activité de conseil et l'activité de défense ne peuvent pas être traitées différemment». Et de juger que «le Garde des Sceaux a dû reculer, à tout le moins en partie, en retenant la proposition d'amendement de la Conférence des bâtonniers et, surtout, en y faisant figurer le bâtonnier».

Des «moyens» pour améliorer la confiance dans la justice


«La justice n'a besoin que d'une seule chose : de moyens à la hauteur de la mission dont elle est investie au sein de notre démocratie, tout comme la santé et l'éducation. Ce ne sont ni les procès filmés, ni les états généraux de la justice qui permettront d'instaurer la confiance de nos concitoyens dans l'institution judiciaire. (…) Seuls des moyens financiers et humains suffisants et sur le long terme pourront permettre d'instaurer la confiance dans institution judiciaire», revendique le bâtonnier.

Reprenant la métaphore footballistique, Stéphane Creusvaux conclut son allocution en remerciant le conseil de l'ordre – «un capitaine n'est rien sans une bonne équipe» – et souhaite de «beaux matchs» au bâtonnier élu pour «deux saisons plus sereines».

Jean-Christophe Tardivon