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24/02/2022 21:54

DIJON : Un rassemblement en solidarité avec l'Ukraine

Un rassemblement spontané a eu lieu en fin de journée ce jeudi 24 février à Dijon. Des étudiantes originaires d'Ukraine mais aussi de Russie et de Biélorussie ont partagé leur inquiétude après l'attaque de l'Ukraine par la Russie.
Catherine Hervieu a rappelé le souhait des écologistes «d'anticiper la crise de l'accès à l'énergie» et François Rebsamen a partagé sa «réprobation la plus totale de l'agression dont est victime l'Ukraine».
Une centaine de personnes se sont retrouvées place de la Libération ce jeudi 24 février 2022 à 18 heures pour dénoncer l'attaque de la Russie à l'encontre de l'Ukraine. De nombreux étudiants du campus de Dijon de Sciences Po ont participé à ce rassemblement.

Si l'appel avait surgi dans l'après-midi dans les réseaux de militants associatifs de la défense des droits de l'Homme, la mobilisation a principalement concerné des militants politiques et syndicalistes ainsi que des élus.

Les Nouveaux Démocrates, le Parti Communiste, le Nouveau Parti Anticapitaliste, Solidaires, Ensemble... se retrouvaient aux côtés d'élus du PS, du Modem, d'Europe Écologie Les Verts, du Cap 21, de Génération.s pour dénoncer la stratégie de Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, qui, au petit matin, a engagé des opérations militaires en de nombreux points du territoire de l'Ukraine.

Solidarité avec les habitants de l'Ukraine


Sous le choc de la nouvelle, les participants sont venue exprimer leur solidarité avec les habitants de l'Ukraine. Des échanges se nouent, des personnes de nationalité ukrainienne résidant à Dijon mais ne se connaissant pas entrent en contact.

Des personnes de nationalité russe ou biélarusse sont également présentes. La plupart se montrent prudentes dans leur expression publique par  crainte pour la sécurité de leurs proches dans les pays en question.

«Mon pays est en guerre»


Originaire de Kiev, Kateryna Testori a la double nationalité, ukrainienne et française, elle vit en France depuis 2013 et travaille dans le secteur de l'esthétique.

«Je me sens mal, très mal. Mon pays est en guerre. C'est une guerre que l'on n'a pas demandé. Malheureusement, cela attaque de tous les côtés. (…) L'armée ukrainienne tient. (…) Je suis tout le temps au téléphone avec ma famille. À Kiev, ça s'est calmé un peu. À Odessa, ils entendent des explosions. (…) Ils sont tous en panique et savent pas ce qu'il faut faire. Ils restent chez eux et essaient de rester calme», témoigne-t-elle.

«No War. Laissez l'Ukraine tranquille», demande Kateryna Testori. «Il faut que Monsieur Poutine voit que tout le monde soutient l'Ukraine, que ça ne peut pas passer. Il ne peut pas faire ça.»

«Il faut être très vigilant sur l'information donnée»


Originaire de Kiev, Paiswia, 28 ans, étudiante en chimie à l'université de Bourgogne depuis 2017, a été «choquée» par la nouvelle. Sa famille semble actuellement «en sécurité». Paiswia a délaissé les réseaux sociaux pour se concentrer sur «les médias officiels» d'Ukraine pour éviter les fake news : «il faut être très vigilant sur l'information donnée».

«J'espère que l'Union européenne pourra agir plus fortement parce que les mesures qui ont été prises ne sont pas assez fortes, cela ne donne rien pour le moment. La Russie est plus forte que nous, maintenant, économiquement», analyse Paiswia.

«Il faut prendre bien attention que l'Ukraine est la frontière entre la Russie et l'Union européenne. Les prochains pays attaqués pourraient être les pays de l'Union européenne», alerte-t-elle.

Originaire de Biélorussie, Sophia, 19 ans, étudiante en Sciences politiques, exprime «une forte solidarité avec le peuple ukrainien qui vit ce moment terrible». Sophia n'a pas connaissance de manifestation d'opposant à la guerre en Biélorusse mais signale «une forte mobilisation de la diaspora».

«Où la Russie s'arrêtera-t-elle ?»


Ukrainienne, Alexandra, 19 ans, est étudiante à Science Po à Dijon. «Aujourd'hui, on fait face à une énorme crise : des tirs russes, des bombardements russes sur non seulement des bases militaires mais aussi sur des habitations ukrainiennes. J'ai de la famille qui est à Kiev, j'ai réussi à les joindre mais ça fait deux jours que je n'arrivais pas à les avoir au téléphone. C'était très compliqué parce qu'on vit dans un stress constant. Mes grands-parents n'ont pas pu aller retirer de l'argent, ils n'ont plus d'argent, ils sont excentrés, ils n'ont pas de ressources», témoigne-t-elle avec émotion.

«Il y a beaucoup de Russes qui sont contre la guerre», constate Alexandra, «on a vraiment l'impression que c'est la volonté d'un seul homme, Poutine, qui veut envahir. Les seules personnes qui sont avec Poutine, ce seraient peut-être les personnes âgées qui ont vécu l'époque communiste et qui parle de l'arrivée de l'Armée rouge à Kiev [NDLR : en novembre 1943, l'Armée rouge a repris la ville à la Wermacht alors que la population était traumatisée par les massacres de masse perpétrés par des commandos nazis]. Comment leur expliquer que la Russie n'est plus l'Armée rouge ?»

«La Russie ne semble pas du tout réagir aux sanctions qui ont été mises en place. Où la Russie s'arrêtera-t-elle ? Après l'Ukraine, est-ce que ce sera la Pologne ? Est-ce que ce sera la Hongrie ? Est-ce qu'ils vont arriver jusqu'aux portes de Berlin encore une fois ? [NDLR : en avril 1945, l'Armée rouge a livré à Berlin la dernière bataille terrestre de la Seconde Guerre mondiale]», s'inquiète Alexandra.

Le rassemblement de ce jeudi peut «donner de l'espoir», estime-t-elle. «Ça peut faire entendre à mes amis ukrainiens, à ma famille qu'on est là pour eux et, peut-être montrer au gouvernement que l'Ukraine est importante».

Un appel à «beaucoup plus de pressions»


L'étudiante en sciences politiques demande aux exécutifs français et européens «de meilleures négociations» avec «beaucoup plus de présence, beaucoup plus de pressions parce que Poutine est un dirigeant autoritaire et populiste ; les seules mesures qui vont le contraindre, ce sont les mesures fortes : l'arrêt complet d'échanges économiques ou une pression militaire. Je ne suis personne pour parler d'envoi de troupes, je suis contre la guerre.»

De nombreux débats, formels et informels, ont eu lieu sur le campus dijonnais de Science Po. Selon l'étudiante, des étudiants pro-Poutine et des enseignants pro-Russe ont pu exprimer leur point de vue.

Des échanges se tissent avec d'autres campus de Sciences Po comme celui de Reims, spécialisé sur les relations américaines. Au-delà de la nationalité ukrainienne, des jeunes étudiants d'Europe de l'est inscrits à Sciences Po nouent des contacts pour débattre de la situation.

«Russes et Poutine, il n'y a pas de signe égal»


De nationalité russe, Uliana, 18 ans, étudiante également au campus dijonnais de Sciences Po, a été «dégoûtée» par l'annonce des opérations militaires. «Je reçois des vidéos de mes amis qui manifestent à Moscou contre Poutine et contre la guerre, contre le ridicule de cette situation. (…) Il y a des gens de la police qui les tirent gentiment et les mettent dans des voitures et les amènent on ne sait pas où», ironise-t-elle. Des manifestations contre la guerre, réprimés par le régime, auraient également eu lieu à Sotchi, à Irkoutsk ou encore  à Saratov.

«J'ai peur parce que j'ai des proches qui sont en Ukraine aussi. (…) Ce n'est pas juste un pays voisin avec qui on partage des frontières. C'est des vies qu'on partage. (…) Si on coupe le [système bancaire] Swift, j'aurai des difficultés à rester en France parce que je ne pourrais pas être financée par mes parents. J'ai un visa étudiant qui va expirer bientôt. Je ne sais pas si je vais pouvoir le renouveler», indique-t-elle.

«Russes et Poutine, il n'y a pas de signe égal. Toutes les sanctions qui vont suivre, je pense que c'est juste (…) mais ça touche le peuple qui ne s'est jamais prononcé pour, ça fait des années qu'on ne se prononce pas pour prendre des décisions comme ça», tient-elle à rappeler.

«Dénoncer l'agression que la Russie a fait sur l'Ukraine de façon très très brutale»


Catherine Hervieu (EELV), conseillère municipale à Dijon et conseillère départementale de la Côte-d'Or, est une des premières à brandir une pancarte, entourée de membres du comité de soutien à Yannick Jadot, candidat à la présidentielle et député européen (lire notre article).

«Nous sommes là pour dénoncer l'agression que la Russie a fait sur l'Ukraine de façon très très brutale qui remet en question le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, qui remet en question le processus de paix qui se construit péniblement, on le sait, mais dans la durée, en Europe et qui remet en question le processus démocratique en Ukraine», explique l'élue écologiste.

«L'objectif est de montrer notre solidarité au peuple ukrainien, qu'il ne se sente pas tout seul. On sait aussi que la façon dont l'Union européenne peut réagir n'est pas simple, il y a beaucoup de complexité, mais c'est toujours les civils qui trinquent, malheureusement, dans ces conflits. (…) Montrer aussi à nos dirigeants que l'on veut qu'ils créent les conditions, autant faire que ce peut, pour une paix, trouver une solution de sortie par le haut dans ce rapport de forces qu'établit Vladimir Poutine», développe-t-elle.

«Il faut anticiper la sortie des hydrocarbures», selon Catherine Hervieu


«Il y a un projet qui est construit par Vladimir Poutine lui-même petit à petit et qui n'est pas forcément compréhensible par l'ensemble de la sphère internationale, même de l'ONU, et que le décryptage des intentions de Vladimir Poutine n'ont pas été aisé ces derniers temps. Très peu de chefs militaires pensaient qu'il allait franchir le Rubicon, si je puis dire, cette nuit. Après, on se remémore, on met tout cela en perspective avec certains discours, avec certaines choses qu'ils avaient dites ces dernières années, mais aussi avec son discours, qui contenait tout finalement, de lundi. La grandeur de la Russie... La Russie des tsars... On est dans des choses complètement anachroniques», ajoute Catherine Hervieu.

«Cela fait des années que l'on dit qu'il faut anticiper la sortie des hydrocarbures, de l'énergie fossile, le gaz en fait partie. (…) Lutter contre le gaspillage, décentraliser la production d'énergie, la confier aux Régions, au plus où l'on en a les besoins, c'était une façon d'anticiper la crise de l'accès à l'énergie et la crise qui est générée par les tensions autour de l'énergie donc qui pouvaient déboucher sur des guerres. C'est malheureusement ce qui semble être en court», argumente l'écologiste.

«Vladimir Poutine, dictateur qui agresse un peuple libre», selon François Rebsamen


«C'est bien que, ici à Dijon et partout en France, les citoyens français se rassemblement pour dire tout à la fois leur réprobation la plus totale de l'agression dont est victime l'Ukraine, en violation de toutes les règles internationale, avec un président Poutine qui a enregistré sa déclaration deux jours avant, qui s'est comporté comme un manipulateur», réagit à son tour François Rebsamen (PS), maire de Dijon, qui insiste sur l'importance de dire «toute la solidarité à l'égard du peuple ukrainien sauvagement agressé aujourd'hui».

«Cet acte de guerre, que l'Europe n'avait pas connu depuis très longtemps, menace l'équilibre de la paix. Seul l'équilibre de la diplomatie peut aujourd'hui arrêter cela le plus vite possible, c'est ce que nous souhaitons, par des sanctions comme jamais la Russie n'en a connues», analyse le socialiste.

«J'étais la semaine à Sciences Po pour faire un débat avec des jeunes issus des pays d'Europe centrale et orientale. Ils sont atterrés par le comportement quasi paranoïaque de Vladimir Poutine, dictateur qui agresse un peuple libre. L'Ukraine est une démocratie. On ne peut pas laisser les démocraties se faire attaquer comme ça par un dictateur. C'est un acte terrible pour l'Europe. Il faut que l'Europe puisse réagir le plus fermement possible par des sanctions économiques», développe François Rebsamen qui nourrit également «des inquiétudes» concernant les «répercussions mondiales».

Alors que la nuit tombe, les participants au rassemblement continuent d'échanger dans le calme. La façade du palais des ducs de Bourgogne, siège de la mairie, apparaît alors éclairée de bleu et de jaune, les couleurs du drapeau de l'Ukraine.

Actualisé :


Le lendemain, ce vendredi 25 février 2022, la Ville de Dijon prolongera son témoignage de solidarité en pavoisant la façade de la mairie de drapeaux ukrainiens, aux côtés des drapeaux français et européen.

Jean-Christophe Tardivon