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28/11/2021 13:25

DIJON : Une «déferlante féministe» pour mettre fin aux violences sexistes et sexuelles

Au cours d'une déambulation qui s'est déroulée en chanson et dans le calme, les prises de parole ont notamment dénoncé la «transphobie» et la «putophobie». Une quinzaine de travailleurs du sexe venus de Besançon ont participé à cette marche rassemblant plus de 200 personnes ce samedi 27 novembre.
À l'appel du collectif féministe du 25-Novembre, une marche était organisée ce samedi 27 novembre 2021 dans les rues de Dijon dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Une manifestation nationale avait eu lieu le 21 novembre dernier à Paris, rassemblant 18.000 personnes selon la préfecture de police (50.000 selon le collectif Nous Toutes).

À Dijon, en 2019, ce sont près de 1.000 personnes qui avaient participé à une marche similaire suivie, en 2020, d'une «action pancartes» du fait de la crise sanitaire.

Manifestation non déclarée mais accompagnée par des policiers


Ce samedi, dans le contexte à la fois de l'épidémie de la Covid-19, du lancement des festivités de Noël et d'une arrivée marquée du froid, ce sont plus de 200 personnes qui se présentent place Darcy pour entamer la déambulation derrière la banderole annonçant «une déferlante féministe pour la fin des violences sexistes et sexuelles».

La veille, le préfet de la Côte-d'Or avait indiqué regretter que cette manifestation n'ait pas été déclarée afin de préparer un parcours concerté. De fait, la marche se déroulera dans le calme.

Seule la rue de la Préfecture, interdite à la manifestation pour ce samedi, sera bloquée par les policiers, obligeant à le cortège à passer deux fois par la rue Jean-Jacques-Rousseau, des policiers à vélo accompagnant les participants pour gérer la circulation.

En plus du collectif du 25-Novembre, on note la présence d'une quinzaine de travailleurs du sexe venus de Besançon sous la bannière «Putains dans l'âme», des syndicats CGT et Solidaires ainsi que de l'association étudiante FEBIA.

«Une manif festive pacifiste qui donne de l'énergie et du pouvoir»


Vers 14 heures 30, le cortège s'élance sans prise de parole – les déclarations politiques sont prévues d'être lues par thématiques particulières lors d'étapes sur le parcours – mais après un chant pour donner le ton d'«une manif festive pacifiste qui donne de l'énergie et du pouvoir».

Extraits : «écoutez l'bruit des pavés, voilà qu'arrivent les féministes, contr' les violents et les sexistes, (…) déjà dès l'enfance on nous sexualise, et sur notre corps, on n'a plus d'emprise, (…) si j'te dis non et bah c'est pas oui, les échanges c'est cool si c'est consenti, (…) agresseurs violeurs l'système vous protège, mais v'nez pas vous frotter à notre cortège».

Derrière la banderole de tête, les pancartes s'agitent : «non, c'est non», «à bas la putophobie», «le sexisme est partout, nous aussi», «délivrons-nous du mâle», «ta main sur mon corps, mon poing dans ta gueule», «solidarité avec les femmes voilées», «pour que nos vies ne soient plus classées sans suite», «mon corps, mon choix, stop violence».

Les prénoms de femmes victimes de meurtre par un conjoint ou un ex-conjoint – aussi appelé «féminicide» – sont aussi brandis, associés à leur âge. En 2021, à ce jour, on recense 100 femmes décédées dans ces circonstances (102 en 2020, 156 en 2019, 120 en 2018).

«Agresseur, violeur, c'est à toi d'avoir peur»


Les slogans fusent également : «le patriarcat ne tombera pas tout seul, organisons-nous pour lui piétiner la gueule», «pas de violeur dans nos quartier, pas de quartier pour les violeurs», «agresseur, violeur, c'est à toi d'avoir peur», «facho, macho, on aura ta peau», «nous sommes fortes, nous sommes fières, et féministes et radicales et en colères», «police nationale, milice patriarcale», «patron, patrie, patriarcat, même racine, même combat».

Après avoir longé le marché de Noël de la rue de la Liberté, la première halte se situe place du Bareuzai pour lire des extraits de «H24 - 24 heures dans la vie d’une femme», compilant les monologues de 24 écrivaines et porté à l'écran sur Arte par 24 comédiennes pour dénoncer les violences faites aux femmes.

Les revendications des travailleurs du sexe


Place Notre-Dame, la prise de parole dénoncent les agressions, vols, viols et meurtres de travailleurs du sexe. 1.230 signalements auraient été effectués en 2021.

L'intervenante déplore ne bénéficier d'«aucune protection de l’État» – hué par les manifestants – et des conditions de travail qui se sont aggravés depuis la loi de 2016 pour renforcer la lutte contre le système prostitutionnel qui pénalise les clients en leur infligeant une amende allant jusqu'à 1.500 euros.

Le délit de proxénétisme empêche les travailleurs du sexe de «[s]'auto-organiser, de [se] soutenir et de [se] protéger entre collègues, d'avoir une vie de famille, des enfants, une compagne ou un compagnon et aussi d'être locataire d'un appartement».

L'oratrice établit un lien direct entre «l'augmentation des violences» et cette loi : «l’État veut soi-disant nous protéger, nous statue en position de victimes de nos clients et proxénètes mais il n'a fait que nous rendre précaires, vulnérables et isolés».

Finalement, au nom des Putains dans l'âme, l'intervenante revendique «la liberté de proposer des prestations sexuelles tarifées à nos clients et nos clientes adultes», demande un cadre permettant de faire respecter par les clients les conditions posées par les travailleurs du sexe comme le port du préservatif et refuse «le harcèlement par la police».

«Les personnes trans sont rendues invisibles»


Place de la République, le discours concerne la transphobie, c'est à dire la discrimination et les violences à l'égard d'une personnes transgenre : «la transphobie tue, cette année 375 personnes trans et de genre non-conforme ont été assassinées dans le monde». Pour leur rendre hommage, la Journée mondiale du souvenir transgenre se tient le 20 novembre.

Le difficile décompte de ces drames en France ne permet pas d'établir une telle statistique à l'échelle du pays. En revanche, le collectif Trans Inter Comté déplore le suicide en 2021 d'Amélia ayant vécu à Besançon : «elle était trans, elle était une femme et nous l'aimions, n'en déplaise à tous les censeurs de la ville».

«Ne pas se reconnaître dans le genre que l'on nous a arbitrairement assigné à la naissance ne constitue pas en soi un problème. Ce qui pose problème aux personnes trans, c'est l'invisibilisation, la réduction au silence, les injonctions à rester dans le genre assignés, les blocages administratifs et médicaux, les coups, etc.», dénonce avec émotion la personne au micro. «Mises à la porte dans les milieux militants féministes, marginales dans les milieux LGBT, les personnes trans sont rendues invisibles. Mêmes les nôtres nous oublient».

Antifascisme et féminisme


En scandant «pas de féminisme sans les trans», les manifestants repartent en direction  du quartier des Antiquaires. En chemin, plusieurs collages sont effectués pour afficher notamment «protégez vos filles, éduquez vos fils».

En route depuis deux heures, le cortège a perdu des troupes. Une cinquantaine de personnes arrivent donc place du Théâtre vers 16 heures 30 pour le dernier discours, une harangue libertaire mettant l'accent sur la convergence entre antifascisme et féminisme dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle.

Jean-Christophe Tardivon