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02/08/2022 20:12

ÉCONOMIE CIRCULAIRE : Le compost des gendarmes amende les terrains des Restos du Coeur

Une partie des déchets alimentaires des résidents de la caserne Deflandre, à Dijon, devient du compost destiné à la production maraîchère. Ce mardi 2 août, le gendarme référent régional en matière de développement durable a effectué un point de situation sur cette expérimentation.
«Amender, verbe transitif : en agriculture, rendre plus fertile une terre». Par une démarche de réduction des déchets, les gendarmes de la caserne Deflandre, à Dijon, contribuent à amender une parcelle des Restos du Cœur où sont cultivés des fruits et des légumes.

Dans un premier temps, l'objectif est d'étendre la pratique parmi les résidents ainsi qu'aux services implantés dans la caserne. Au bout d'un an, en lien avec Dijon Métropole et l'ADEME, une évaluation sera conduite afin d'envisager la reproduction de la démarche par d'autres quartiers ou collectivités.

Ce mardi 1er août, le commandant Jérôme, référent développement durable pour la région de gendarmerie, a effectué un point de situation sur l'expérimentation ayant démarré le 8 novembre 2021 par la mise à disposition de sept bacs d'apport volontaire.

«Valoriser un déchet qui devient une véritable ressource»


En 2012, la loi a imposé aux gros producteurs de biodéchets de les trier à la source et de les valoriser. Les biodéchets sont principalement composés des épluchures de fruits et légumes et des restes alimentaires.

Au 1er janvier 2023, l'obligation sera étendue aux structures générant plus de trois tonnes de biodéchets par an (soit l'équivalent d'une centaine de repas par jour). Au 1er janvier 2024, toutes les entreprises seront concernées et les collectivités auront à proposer une collecte séparée ou une solution de valorisation organique.

Pour anticiper cette échéance, Dijon Métropole a répondu à un appel à projets «Généralisation du tri à la source des biodéchets» lancé par l'ADEME et a rejoint la proposition de la Gendarmerie nationale de conduire une expérimentation au niveau de la caserne Deflandre portant sur le compostage.

L’entreprise Alfacy a été retenue pour accompagner cette expérimentation. Spécialisée dans le compostage, Alfacy aide depuis 2015 les acteurs du territoire dijonnais à anticiper l'évolution de la réglementation. Selon l'entreprise, «cette filière s’inscrit dans une démarche de développement durable pour valoriser un déchet qui devient une véritable ressource».

Avec la solution proposée «en bout de champ», le compost est produit chez les partenaires agriculteurs qui peuvent l’utiliser de façon gratuite sur leurs cultures pour une fertilisation naturelle et locale, y compris pour ceux qui sont certifiés en agriculture biologique.

Déjà 8,1 tonnes de biodéchets orientés vers le compostage


«Ce n'est pas des déchets», insiste le commandant Jérôme ce mardi, «le compost qu'on produit alimente les parcelles maraîchères des Restos du Coeur pour faire des tomates bio qui vont dans les paniers des distribution». «C'est à la fois une démarche écologique, économique, sociale et solidaire. On est dans les valeurs de [la gendarmerie].»

La caserne Deflandre est constituée de 440 logements. Un restaurant collectif réalise 250 repas quotidiennement pour le déjeuner. Le site correspond donc à l'échelle d'un quartier ou d'un village.

À ce jour, 70 familles se sont engagées dans la démarche. Depuis novembre dernier, leur mobilisation a permis que 6,5 tonnes de biodéchets échappent à l'incinérateur. Concernant le restaurant collectif de la caserne, depuis juin, la quantité s'élève à 1,6 tonne.

Réduction des collectes d'ordures ménagères


«On est sur une démarche volontaire, (…) on a très peu d'erreurs de tri», s'enthousiasme le commandant Jérôme, «ça fait du super compost». Une petite fraction du compost est remise aux familles pour leurs jardinières aux fenêtres ou pour le potager de la caserne.

Jusque là, chaque semaine, trois collectes de déchets ménagers étaient effectuées dans la caserne : deux fois pour les bacs gris et une fois pour les bacs jaunes. À l'automne, il n'y aura plus qu'un ramassage des bacs gris par semaine suite à un diagnostic des «ambassadeurs du tri» de Dieze, délégataire du service public de collecte des ordures ménagères.

Alfacy assure la traçabilité du compost


Les bacs d'apport volontaire de 500 litres – soit 250 kg de biodéchets – sont relevés toutes les six semaines par Alfacy pour être vidés sur un espace dédié de la parcelle maraîchère. Située dans la ZAC Valmy, elle n'est qu'à quelques kilomètres de la caserne. Là, le compost est réalisé sous le contrôle de Cyril Casanova, autre cogérant d'Alfacy, qui assure la traçabilité.

Ainsi, la température est suivi en temps réel grâce à des sondes connectées sous les bâches pour répondre à la réglementation de la fabrication de compost, ce qui permettra ensuite un usage agricole professionnel.

Le compost est gratuit, le coût étant supporté par le producteur de déchets. Le commandant Jérôme signale que, à l'échelle de la caserne Deflandre, le coût est similaire à celui d'une collecte d'ordures ménagères pour incinération.

«On rejoint la thématique de l'autonomie alimentaire des agglomérations»


Avec cette solution en bout de champ, Alfacy se positionne entre le compostage citoyen et les plateformes industrielles. «L'idée est que cela retourne auprès des agriculteurs le plus rapidement possible», insiste Alice Casanova, cogérante d'Alfacy.

«On a traversé le Covid, il y a une sensibilité aux démarches de développement durable et de citoyenneté plus forte», constate-t-elle. «La prise de conscience, c'est que, derrière, ça part chez un agriculteur. Ça ramène une matière de qualité, qui appuie la fertilité des sols qui produisent en retour des aliments que l'on va manger.»

«On rejoint la thématique de l'autonomie alimentaire des agglomérations», souligne-t-elle, «l'enjeu étant de réussir à produire au plus près de chez nous».

Un amendement proche de l'humus de la forêt


«En agriculture conventionnelle, on a tendance à ramener des amendements chimiques», explique la cogérante Alfacy, «là, avec le compost, c'est un amendement complètement naturel qui est proche de l'humus que l'on pourrait trouver en forêt. Il va servir à nourrir la plante et à structurer le sol. Un sol trop lourd, trop argileux, va être alléger par l'apport de compost. Un sol léger, sableux, va retrouver du corps».

«Ce travail sur le retour de matière organique dans les sols agricoles est un enjeu majeur pour la production des prochaines années, surtout quand on est dans le cadre d'une agriculture conventionnelle», analyse-t-elle.

Diversité de la microbiologie des sols et stimulation des défenses naturelles de la plantes font également partie des bienfaits de l'apport en compost comme le signale Mathilde Duperrier, chargée de projet biodéchets pour Alfacy.

Du compost pour 10 tonnes de fruits et légumes par an


Responsable du chantier d'insertion des Restos du Cœur où s'activent quinze stagiaires, Javier de la Fuente se félicite de cet apport de compost pour la culture maraîchère.

Actuellement, les biodéchets de la caserne Deflandre permettent de réaliser la totalité du compost utilisé par le chantier d'insertion qui produit 10 tonnes de fruits et légumes dans une année avec des méthodes culturales s'inspirant de l'agriculture biologique. La production est destinée aux bénéficiaires des Restos du Cœur.

D'ici novembre prochain, la caserne de gendarmerie se dit prête à ouvrir les couvercles des bacs d'apport aux responsables de collectivités souhaitant s'informer sur la réduction des biodéchets avec la réalisation d'un compost «en bout de champ».

Jean-Christophe Tardivon