La ministre de l'ESS a ouvert la séance plénière des Journées de l’Économie autrement, ce vendredi 29 novembre, à Dijon. Selon Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, «l'économie sociale et solidaire est le cœur battant des territoires».
Véritable forum de l'économie sociale et solidaire, les Journées de l’Économie autrement proposent chaque année un espace de réflexion pour développer une alternative au libéralisme financier.
Organisé par le mensuel «Alternatives économiques», dont le siège social est à Dijon, l'événement est soutenu par la Ville de Dijon et la Région Bourgogne-Franche-Comté. En 2023, 3.200 participants ont été recensés.
L'économie sociale et solidaire représente environ 10% du PIB national ainsi que 14% des emplois et même parfois 25% en milieu rural. Le secteur comprend les associations, les coopératives, les mutuelles ou encore les entreprises d'insertion par l'activité économique.
Ouverture de la plénière par Marie-Agnès Poussier-Winsback
Ce vendredi 29 novembre 2024, Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre de l'ESS, s'est rendue à Dijon, pour ouvrir la séance plénière de la 9ème édition des Journées de l’Économie autrement dans la salle des États du palais des ducs de Bourgogne.
La ministre a été accueillie par Nathalie Koenders (PS), nouvelle maire de Dijon, Marie-Guite Dufay (PS), présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Patrick Chapuis (LR), vice-président du conseil départemental de la Côte-d'Or, et Paul Mourier, préfet de la Côte-d'Or. Ils ont été rejoints par la suite par François Rebsamen (PS, FP), président de la Métropole de Dijon.
Du RPR à Horizons
Née en 1967, à Nancy (Meurthe-et-Moselle), Marie-Agnès Poussier-Winsback a adhéré au RPR en 1989, suivant les évolutions du parti gaulliste en UMP puis Les Républicains. Élue conseillère régionale de Haute-Normandie en 1998, elle est devenue maire de Fécamp en 2014.
En 2021, elle a rejoint Horizons, le parti fondé par Édouard Philippe. Lors des élections législatives de 2022, elle a été élue députée de la Seine-Maritime. Elle a été réélue en 2024.
Le 21 septembre dernier, elle est entrée dans le gouvernement de Michel Barnier en tant que ministre déléguée chargée de l’Économie sociale et solidaire, de l’Intéressement et de la Participation. Créé en 1984, le ministère de l'ESS a connu plusieurs années sans titulaire, y compris durant la présidence d'Emmanuel Macron.
«La coopération, pilier d'un modèle économique plus équilibré et plus humain»
Première à prendre la parole devant près de 350 personnes, Nathalie Koenders fustige d'emblée le modèle de la «compétition, érigée en règle universelle, souvent au détriment de cette autre force, toute aussi fondamentale, la coopération».
«Oui à la croissance, oui au progrès et oui à une croissance sûre», préfère envisager la socialiste qui souhaite «redonner vie à la coopération» vue comme «pilier d'un modèle économique plus équilibré et plus humain».
«L'ESS prouve, au quotidien, que l'on peut entendre autrement», analyse Nathalie Koenders, «elle démontre que des projets économiques viables peuvent reposer sur des principes d'entraide, de partage et de respect». «Des coopératives, des mutuelles, des associations peuvent réussir justement parce qu'elles placent l'humain et le collectif avant le profit immédiat.»
Nathalie Koenders appelle à établir «un nouveau pacte économique et social»
Considérant qu'il y a «une urgence à un rééquilibrage», la maire de Dijon appelle l’État, les collectivités territoriales et les entreprises à prendre leur «part de responsabilité» dans le développement de l'ESS.
«Nous avons besoin d'un nouveau pacte économique et social, de rassemblement et d'ouverture à l'autre, un pacte qui repose sur des valeurs simples et puissantes : la dignité, la solidarité et la coopération», conclut-elle, «La France, et notamment nos territoires, peut être à l'avant-garde de ce changement. (...)Posons les bases d'un futur où compétition et coopération ne s'opposent plus mais se complètent, où la coopération devient une force motrice nouvelle. Notre société a profondément besoin de valeurs et d'attitudes positives, d'espoir et de cohésion, l'économie sociale et solidaire les incarnent.»
Selon Marie-Guite Dufay, «l'ESS est un modèle économique d'avenir»
«Nous faisons tous le constat que notre modèle de société est à bout de souffle, il épuise nos ressources, il favorise l'accaparement des richesses, il creuse les inégalités, il affaiblit nos démocraties, il délite les liens et la cohésion sociale qui nous unissent, il nous mène tout droit vers une impasse qui est celle de l'irréversibilité – les signaux sont clairs : dérèglement climatique, menaces sur la biodiversité, fracture sociale, montée des populismes qui alimentent l'obscurantisme et le repli identitaire –», juge Marie-Guite Dufay pour qui «changer de cap est impératif». «L'économie sociale et solidaire représente une voie – ce n'est pas la seule – que nous devons considérer comme un modèle économique d'avenir.»
Et la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté de se féliciter de voir des acteurs de l'ESS de toute la France réunis à Dijon planchant notamment sur les circuits courts, l'économie circulaire, le réemploi ou encore la lutte contre le gaspillage.
«Les acteurs de l'ESS (…) comblent bien souvent des besoins que, ni la puissance publique, ni les entreprises lucratives ne peuvent satisfaire», relève la socialiste. «Au défi des inégalités, l'économie sociale et solidaire s'engage avec force en faveur de l'utilité sociale et territoriale, plaçant les hommes et les femmes et leurs besoins au cœur de ces priorités. Au défi démocratique, l'ESS propose une autre vision : celle d'une gouvernance horizontale, participative, inclusive au sein des entreprises. Aux liens qui se délitent, l'ESS privilégie l'innovation sociale dans un esprit de coopération et d'audace collective.»
Au détour de son propos, la présidente de la Région ponctue son plaidoyer en glissant que «la Région continuera d'être à vos côtés» et en citant différents d'accompagnement proposés par la collectivité au secteur de l'ESS.
Selon Marie-Guite Dufay, «le changement ne peut pas venir que du haut, mais qu'il se construit dans une démarche de coopération au niveau local, en proximité». «L'économie sociale et solidaire est le cœur battant des territoires. C'est une économie à taille humaine qui répond aux besoins de proximité des habitants.»
Les priorités de Marie-Agnès Poussier-Winsback pour l'ESS
«Nos modèles économiques et sociaux sont de plus en plus interrogés», constate Marie-Agnès Poussier-Winsback qui, elle aussi, se félicite de voir dans l'événement un «espace de réflexion et de débat». «Ces Journées incarnent une ambition, celle d'élever le niveau du débat public, d'interroger nos certitudes et, surtout d'imaginer des solutions concrètes pour une société plus juste, plus durable et plus humaine.»
«Dans un monde trop souvent polarisé entre une économie exclusivement libérale et des modèles étatiques centralisés, il s'agit de trouver cette troisième voie», analyse la ministre, «une économie enracinée dans la dignité humaine, dans la justice sociale et dans le partage équitable des fruits d'une production d'une richesse efficace».
Le choix du Premier ministre de conserver un ministère de l'ESS représente «une conviction forte» : «l'économie n'est pas une fin en soi mais peut être un outil au service du développement humain et du bien commun». «Nous voulons soutenir ce secteur», martèle la ministre.
Au gré de son action publique, Marie-Agnès Poussier-Winsback compte insister sur la généralisation des dispositifs de partage de la valeur dans les TPE-PME – avec au moins un dispositif à mettre en place à partir du 1er janvier 2025 –, et, de façon plus générale, l'encouragement de l'actionnariat salarié, le développement de la responsabilité sociétale des entreprises ainsi que celui de la finance éthique.
Des étudiants qui s'impliquent dans des coopératives de master
Après cette intervention, sans temps de questions/réponses, la ministre enchaîne par la rencontre avec près de 60 étudiants dans une salle voisine. Sont là des représentants des masters de Sciences Po Bordeaux, de l'université Paris VIII ou encore de l'université de Marne-la-Vallée.
«C'est vous qui allez faire l'ESS demain», lance Marie-Agnès Poussier-Winsback pour ouvrir les échanges, «vous êtes audacieux d'avoir choisi ce secteur d'études».
Au sujet de l'avenir du secteur de l'ESS, la ministre que «la voix de la France est attendue» au niveau de l'Union européenne quand aura été établie la stratégie nationale, d'ici fin 2025.
Comme on crée des juniors entreprises dans les écoles de commerce, certains ont créé des «coopératives étudiantes» pour développer un projet économique, ce qui est encore rare dans l'enseignement supérieur. Les échanges se focalisent donc sur le fonctionnement de ces entreprises.
À Bordeaux, l'une d'entre se donne une «mission de conseil» destiné aux acteurs de l'ESS de Nouvelle Aquitaine. À Marne-la-Vallée, l'objectif est de créer une bière en partenariat avec un brasseur local.
En dépit de ces exemples présentés avec enthousiasme, quand la ministre demande si certains étudiants se projettent en tant qu'entrepreneurs à l'avenir, aucune main ne se lève dans la salle.
De l'impact du budget 2025 sur le secteur de l'ESS
Au moment de l'ouverture de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (UDES) – en quelque sorte le «syndicat patronal» de l'ESS – a alerté sur un potentiel «péril» du secteur (
retrouver le communiqué).
Interrogée par
Infos Dijon, Marie-Agnès Poussier-Winsback indique, sans surprise, «ne pas partager» l'analyse de l'UDES : «je ne vois pas en quoi le budget 2025 à une influence».
Et de prendre pour exemple le secteur de l'aide à la personne : «je ne comprends pas le lien qu'ils font avec le budget, (…) c'est peut-être lié à l'organisation du modèle parce qu'on a des contrats aidés».
«Là-dessus, nous avons des assurances, tous les contrats qui fonctionnent seront conservés, ceux qui ne fonctionnent pas seront arrêtés», pointe-t-elle.
La ministre rappelle également que la version du budget 2025 arrivée au Sénat intègre un amendement prévoyant d'augmenter de 10 millions d'euros les crédits alloués par le ministère pour le financement des têtes de réseaux de l'ESS et l’action des collectivités territoriales en faveur du développement de l’ESS.
En regard, les mesures de «redressement» des comptes publics – dont la «contribution» demandée aux collectivités locales – impliqueraient des réductions budgétaires estimées par l'UDES à 8,3 milliards d'euros, soit potentiellement la perte induite de 186.000 emplois dans le secteur de l'ESS.
Jean-Christophe Tardivon