> Vie locale > Vie locale
01/06/2024 18:31

ENVIRONNEMENT : «Il y a déjà des crises reliées au changement climatique», alertent les Amis de la Terre

Une cinquantaine de personnes ont participé à l'assemblée générale de la fédération nationale des Amis de la Terre qui s'est tenue à Dijon, ce samedi 1er juin. «On privilégie les actions symboliques», a expliqué Khaled Gaiji, président de la fédération.
Avec 170 adhérents, la Côte-d'Or constitue la plus importante association locale des Amis de la Terre France. Ce samedi 1er juin 2024, à Dijon, la fédération nationale tenait son assemblée générale à l'invitation de l'association locale.

En dehors de la partie statutaire, le programme de la journée comportait une découverte du Quartier libre des Lentillères, «seule ZAD urbaine de France» telle que décrite par le ministère de l'Intérieur, ce qui a attiré l'attention de nombreux activistes.

Protéger l'Homme et l'environnement


Forte de 4.300 adhérents, la Fédération des Amis de la Terre – France représente nationalement le mouvement Friends of the Earth International. Elle a été créée en 1970 pour protéger l'Homme et l'environnement et, à cette fin, pour «changer le système».

«Les Amis de la Terre militent pour une transition vers des sociétés soutenables au Nord comme au Sud», explique l'association, «notre approche intègre à la fois des problématiques sociales, économiques et environnementales». «Les campagnes des Amis de la Terre exposent les mécanismes économiques et politiques à l’origine du dérèglement climatique, du pillage des ressources naturelles et de l’aggravation des inégalités.»

«Ce qu'il y a de bien avec l'écologie, c'est que c'est quelque chose qui se pratique au quotidien et le fait de rentrer dans des pratiques environnementales, même le petit écogeste de réduire ses déchets, on prend conscience du système qu'il y a derrière», ajoute Khaled Gaiji, président de la fédération nationale. «J'invite les personnes à rentrer dans des organisations environnementales, les Amis de la Terres et d'autres, parce c'est des choses qui ne sont pas visibles et on a besoin que les citoyennes et citoyens mettent ça en visibilité. (…) En plus, c'est pas triste, on s'amuse bien, on rencontre de nouvelles personnes.»

Les Amis de la Terre Côte-d'Or recrutent


L'association côte-d'orienne a connu jusqu'à 300 adhérents avant la crise sanitaire. En 2024, elle compte aller au-delà de ses 170 adhérents actuels, se fixant un objectif de 250 cartes en fin d'année, de façon à renouveler en 2025 l'agrément préfectoral d'association de protection de l'environnement.

Pour faire connaître le mouvement, Stéphane Dupas, président local, organise régulièrement des actions visibles dans l'espace public et prépare actuellement une exposition sur le thème de la pratique du vélo à Dijon sous la forme de portraits photographiques de cyclistes (des candidats sont recherchés).

La fédération a investi pour «fortifier le réseau local»


En marge de l'assemblée générale, à laquelle une cinquantaine de personnes ont participé, Khaled Gaiji a répondu aux questions d'Infos Dijon.

Comment évoluent les Amis de la Terre depuis la crise sanitaire ?

«La structure se porte plutôt assez bien parce qu'au niveau de nos adhérents, est est en bonne pente. On est une fédération avec des groupes locaux et le problème que l'on rencontre, c'est que, en fait, les groupes locaux étaient très dynamiques, ils bougeaient bien et n'avaient pas besoin justement de cette fédération qui soit impliquée au niveau local. Mais, depuis la crise sanitaire et les confinement, il y a une atomisation des relations sociales est un peu partout : le développement du numérique, des visios... Ce qui fait que les capacités d'organisation des associations sont affaiblies. Donc, on a investi : on a embauché une chargée d'animation de réseau. On essaie de plus répondre aux besoins du local. (…) L'idée est  de fortifier le réseau local.»

De nouvelles structures apparaissent, comme Extinction Rebellion, est-ce qu'elles vous concurrencent ou est-ce qu'elle servent de marchepied ?

«La création de structures dans le mouvement de l'écologie, il y en a toujours eues. Nous, on est une fédération qui a plus de de 50 ans ; on a toujours su s'adapter à ce genre de situation. Donc Extinction rébellion ou des mouvements ne sont pas en concurrence avec nous, nous sommes en complémentarité. Ça ne touche pas le même public quand on regarde le profil des personnes qui sont dedans c'est. C'est des mouvements, des collectifs ; nous sommes une association avec un squelettes complètement différent, un parcours militant complètement différent et une activité pas complètement différente, mais on se complète quand même. On travaille ensemble et, justement, il y a des actions qu'on a menées avec Extinction Rebellion qui nous ont beaucoup aidés à réussir nos objectifs politiques dans l'association.»

L'enjeu de l'empreinte environnementale des importations


Parmi les alertes environnementales que vous soulevez, les bonnes nouvelles sont sont rares. Il y en a quand même une sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre pour la France en 2023. Est-ce une satisfaction pour vous. ?

«Quand il y a une baisse des émissions de gaz à effet de serre, c'est quand même une bonne nouvelle, il faut quand même le reconnaître. Cependant, ce n'est pas quelque chose de suffisant parce qu'en fait, une bonne partie des émission de gaz effets de serre de la France ne sont pas sur le territoire même.»

«On a une économie mondialisée de nos jours avec beaucoup d'importations donc, quand on regarde l'activité de la France notamment en termes d'empreinte carbone, si on regarde, en fait, les émissions des gaz à effet de serre qui sont reliées à ce qu'on nous on consomme, à ce qui est produit à l'étranger, le bilan n'est pas positif. Tout dépend du scope : local, national ou ailleurs. Quand on importe ce qui est ailleurs, on importe, en fait, les émissions de gaz à effet de serre avec. Donc, par rapport à ça, ce n'est pas suffisant.»

«Déjà, le transport en lui-même est une empreinte environnementale qui est énorme et il y a des produits comme pour le textile qui viennent de pays en Asie aussi avec des conditions de travail terribles. Du coup, ce n'est pas qu'une question environnementale.»

Les Amis de la Terre privilégient les «actions symboliques»


Parmi les méthodes des activistes pour alerter la population, la résistance civile s'est développée ces dernières années, avec notamment des interventions dans des musées. Les Français ne semblent pas sensibles à ces méthodes puisque les sondages évoquent environ 80% de rejet. Est-ce contre-productif ?

«Les Amis de la Terre ne font pas ce genre d'actions (…) On a défendu des activistes parce qu'il faut comprendre pourquoi les gens en arrivent à ça. Cette alerte est compréhensible et elle est importante.»

«Néanmoins, en ce qui nous concerne [les Amis de la Terre], on essaie toujours de faire attention à ce que nos actions ne soient pas contre-productives et n'amènent pas un effet de réactance qui amène à attirer l'attention plus sur le type d'action que sur le fond recherché.»

«Quand on mène une action, c'est pour attirer l'attention, bien sûr,  mais (…) c'est le message qui compte et on veut pas que les gens regardent le doigt mais regarde bien la Lune.»

Que privilégiez-vous ?

«On privilégie les actions symboliques. On a un ''couteau suisse'' en termes d'actions qui est assez énorme. On parle aussi bien des sensibilisations, dont les groupes locaux, mais aussi parfois des actions spectaculaires et symboliques parce qu'en fait, il y a des symboles dans la société et si on les touche, on attire l'attention.»

«Le problème que l'on a avec la question environnementale, c'est que les gens ne se sentent pas touchés par cela aujourd'hui. (…) On est dans une situation de crise économique et d'inflation, mais, pour autant, il ne faut pas perdre de vue ce qui se passera demain et après-demain parce que ça nous revient comme un boomerang dans la tête.»

«Dans les crises actuelles, il y a déjà des crises reliées au changement climatique. C'est des choses que l'on essaie de mettre en visibilité donc cette face un peu immergée de l'iceberg. Pour ça, on fait des actions symboliques, non-violentes, de désobéissance civile. On ne rentrera jamais sur un terrain d'action violente ou d'agression. On restera toujours sur un type d'action qui va perturber un peu le système mais qui va quand même plutôt insister sur le fond du message et de ne pas se tromper de lutte.»

«Ce que font les Amis de la Terre à Dijon sont plutôt des actions intelligentes. Quand on mène une action, on réfléchit toujours à ce qu'on fait et aux conséquences qui sont reliées à ça.»

«On redéveloppe des mobilisations territorialisées»


Concernant la place des groupes locaux par rapport au niveau fédéral quand vous menez une action symbolique nationale, préférez-vous que les groupes locaux viennent à Paris pour faire masse ou bien déclinent l'action localement ?

«On fait les deux. La France est un pays très jacobin. On a quand même une vision stratégique avec Paris donc quand on fait quelque chose à Paris, ça ruisselle un peu partout et les médias en parle parce que les médias nationaux sont à Paris.»

«Cependant, depuis un certain nombre d'années, on redéveloppe des mobilisations territorialisées. Par exemple, sur la surproduction, nous avons une campagne contre ce qu'on appelle la fast fashion, la célèbre la mode jetable ou mode éphémère, où on a de grosses entreprises comme Shein donc le modèle économique est en ligne avec du textile très polluant, très émetteur de gaz à effet de serre, un modèle qui génère aussi du chômage. Nous avons mis en place des actions décentralisée dans toute la France et ça a assez bien marché.»

«Il n'y a pas que les médias nationaux. La presse quotidienne régionale sont les médias les plus lus de France. Beaucoup d'ONG l'oublie. C'est stratégiquement très puissant.»

«Avec le développement de l'Internet, il y a des personnes qui ne regardent même plus les médias nationaux mais, quand ça se passe devant eux, ce n'est pas la même chose.»

«Aujourd'hui justement, au sein de notre assemblée fédérale, nous avons une discussion sur notre stratégie : comment on va agir ensemble pour les trois années futures. On a bien inscrit que l'on va faire de plus en plus des mobilisations de ce type-là pour agir localement au sein de nos groupes locaux et faire en sorte que nos campagnes nationales soient bien reliées au niveau local par des actions concrètes.»

«Quelque chose qui est décidé au niveau européen a un effet environnemental qui est très puissant»


Un échelon encore au-dessus : qu'attendez-vous des élections européennes ?

«On attend que la question écologique soit bien prise au sérieux par les parlementaires et par les citoyennes et les citoyens qui votent. Cependant, nous n'avons pas de consigne de vote. Nous sommes apartisans.»

«On a attend quand même un sursaut qui amène que les revendications que l'on porte soient bien relayées. Il y a beaucoup de choses qui se font au niveau européen. Je sais que ce n'est pas l'élection favorite des Françaises et des Français pourtant c'est celle qui est la plus décisive parce que quelque chose qui est décidé au niveau européen a un effet environnemental qui est très puissant.»

«On fait beaucoup de plaidoyer. Quand on va voir le gouvernement, quand on parle avec les élus nationaux et locaux, ils disent parfois que c'est au niveau européen que ça se décide et là on a un frein.»

«Si on n'envoie pas un maximum donc de personnes qui portent nos revendications, ça ne marche pas. Donc, on invite à un maximum de personnes qui nous écoutent à aller voter parce que, si elles ne le font pas, c'est le pire qui passera.»

À propos de plaidoyer, certains élus prônent que les critères les lobbys soient appliqués aux ONG. Êtes-vous prêts à une transparence de ce type ?

«On est transparent déjà ! On différence le lobbying et le plaidoyer. On n'avance jamais caché, on est complètement transparent. Appliquer les mêmes consignes ne nous pose pas de problème, c'est ce que l'on revendique depuis très longtemps.»

«Le problème, c'est que les multinationales, les entreprises qui ont des intérêts privés sur ces questions environnementales, elles avancent souvent cachées, masquées, de façon souterraine et on aucun problème justement avec des lois qui amènent plus de transparence.»

Propos recueillis par
Jean-Christophe Tardivon