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14/05/2025 19:51

FERROVIAIRE : «On vit tous les jours avec le collègue qui est mort dans la brigade», confie un agent de SNCF Réseau

«SUD Rail a décidé de rendre public ce qui se passe derrière les murs», a déclaré le délégué du personnel Pascal Dufraigne, ce mercredi 14 mai, à Dijon. Quatorze mois après la mort d'un agent de maintenance à la suite d'un accident du travail, ses collègues vivent avec «une épée de Damoclès au-dessus de la tête».
Les cheminots de Dijon sont hantés par le souvenir de l'accident du travail mortel survenu à leur collègue, le 11 mars 2024. Depuis, les agents de maintenance de la brigade de Dijon se rendent au travail en craignant d'être la prochaine victime. Ce mercredi 14 mai 2025, Pascal Dufraigne, animateur de la section Réseau du syndicat SUD-Rail Dijon, a organisé une conférence de presse pour dénoncer la situation.

Le 11 mars en question, autour de 23 heures 30, un agent de maintenance de SNCF Réseau mourrait dans une collision avec un train de marchandises en gare de Dijon-Ville (lire notre article). «Il y a de plus en plus de morts sur les chantiers de nuit», alertait alors Pascal Dufraigne (lire notre article).

«On se dit qu'on peut crever, ils n'en ont rien à faire»


«L'enquête de l'inspecteur du travail ne serait pas terminée», relate Pascal Dufraigne qui estime que «la direction fait un blocus». En fonction de quoi, «SUD Rail a décidé de rendre public ce qui se passe derrière les murs et la réalité de ce que les collègues vivent au quotidien».

«Ça fait un an qu'ils ont perdu leur collègue, ils savent que ça va leur arriver à eux aussi», déclare avec gravité le délégué du personnel qui se fait le porte-parole des agents de maintenance des voies. «Un an après, il n'y a rien de fait. (…) L'entreprise est responsable de la sécurité de ses salariés.»

Selon le syndicaliste, de nouvelles procédures ont été documentées par SNCF Réseau, résumées par le titre «les dix règles qui sauvent» : «il y a des coups de bombe de peinture au sol pour faire des garages, des barrières de coupées mais 95% de ce qui reste est à l'état de projet».

«La direction fait comme si rien ne s'était passé», proteste-t-il. «Des collègues ont demandé à changer de brigade ou de métier» mais, finalement, personne n'a été muté. «On set dit qu'on peut crever, il n'en ont rien à faire.»

«Les collègues ne veulent pas des procédures mais des gens pour travailler en sécurité»


«Quand on va au travail le matin, on doit faire son boulot pour gagner sa croûte, on n'est pas là pour risquer sa vie», martèle Pascal Dufraigne, «c'est peut-être le pire de mourir au travail». «Le collègue qui est décédé de nuit avait fait grève quelques temps auparavant pour dénoncer la dangerosité du travail de nuit (…) et il est mort de nuit.»

«On vit avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête», confirme un agent de maintenance souhaitant rester anonyme. «On vit tous les jours avec le collègue qui est mort dans la brigade, il est mort juste là.»

«Les collègues ne veulent pas des procédures mais des gens pour travailler en sécurité», poursuit le délégué de SUD Rail, «à la SNCF, il y a des personnels sur un chantier et autant qui vigilent». «Il faut suffisamment d'annonceurs et la direction ne veut pas mettre le nombre de moyens humains [NDLR : Les annonceurs sont ces agents des voies qui se positionnent pour surveiller l'arrivée éventuelle d'un train].»

«Il faut faire circuler les trains à tout prix», déplore Pascal Dufraigne


«Il y a vingt ans, il y avait deux fois plus de trains et ils arrivaient à faire le travail en sécurité», se souvient Pascal Dufraigne, «la direction leur a enlevé cette possibilité là parce qu'il faut faire circuler les trains à tout prix». «Maintenant, c'est entre deux trains, c'est tout le temps speed.»

Le délégué de SUD Rail déplore les conséquences de la réorganisation effectuée au sein du groupe SNCF avec notamment des changements dans le management des agents de maintenance : «les collègues se retrouvent livrés à eux-mêmes, sans interlocuteur direct pour poser les problèmes».

Selon le syndicaliste, les personnels se retrouvent devant des dilemmes : «soit démissionner, soit accepter d'être limite». «Quand on va bosser qu'on peut se faire taper par un train. (…) Avec la pression au travail, des collègues ont eu des problèmes de santé. Tout ça est nié par la direction.»

Les agents de maintenance demandent la fin du travail de nuit

 
À l'initiative de SUD Rail, en écho aux propos entendus auprès des personnels, une rencontre a été organisée, le 11 avril dernier, avec des représentants de la direction territoriale de SNCF Réseau en Bourgogne-Franche-Comté.

La principale revendication des agents de maintenance est «interdire le travail de nuit» et d'instaurer des périodes dites de «blanc travaux» sans circulation de train.

Les personnels ont également suggéré qu'un cadre de l'entreprise vienne passer avec eux «quinze jours pour montrer les vrais problèmes».

Dans le détail, SUD Rail demande des recrutements pour permettre d'affecter le nombre de personnels prévu par les procédures aux postes d'annonceur, des contacts entre agents de maintenance et aiguilleurs, de la formation à la «conscience des dangers ferroviaires», y compris pour les personnels des entreprises de sous-traitance.

En retour, le délégué du personnel a noté «les promesses de la direction» qui envisagerait de plancher sur la gestion de la circulation des trains «durant le second semestre 2025» ainsi que de travailler sur la vitesse des trains pour la diminuer dans les secteurs d'intervention, ce qui permettrait de faire varier le nombre recommandé d'annonceurs.

Les personnels de SNCF Réseau et des sous-traitants travaillent de façon imbriquée


D'après Pascal Dufraigne, dix services du territoire dijonnais se sentent concernés. Cela représente théoriquement une centaine d'agents qui travaillent à l'équipement, sur les caténaires, à l'entretien des appareillages et des aiguillages, aux services de nuit et à l'entretien des voies.

«Le nombre d'agents de la brigade voie de Dijon a été divisé par deux en vingt ans alors que le périmètre s'est étendu», déplore le délégué du personnel.
 
Aujourd'hui, les personnels de SNCF Réseau et des sous-traitants travaillent de façon imbriquée avec pourtant des niveaux d'expérience disparates. Le syndicaliste prend l'exemple de l'accident du travail qui a tué l'employé d'un prestataire de SNCF Réseau près de la gare de Toulon, dans la nuit du 21 au 22 janvier derniers.

«La connaissance du secteur où vous travaillez est fondamentale», assène le délégué du personnel, «il faut savoir sur chaque voie dans quel sens ça circule».

Selon SUD Rail, la recherche de la productivité conduit à «des conditions de travail dégradées»


«La réorganisation de la SNCF a conduit à la dégradation des conditions de travail, qui conduit à des situations de plus en plus dangereuses et qui conduisent à des morts», charge Pascal Dufraigne. «Quand on veut accroître la productivité et faire de plus en plus d'argent, la direction sait qu'elle les met dans des conditions dégradées. La direction se couvre et rajoute des procédures de sécurité.»

«Chez SUD Rail, on se dit que quand on ne peut plus faire confiance à la direction pour veiller à sa santé, il va falloir qu'on s'en occupe nous-mêmes», conclut le délégué du personnel.

Actualisé le 15 mai 2025 :

Contactée par Infos Dijon, la direction territoriale de SNCF Réseau en Bourgogne-Franche-Comte ne souhaite pas s'exprimer à ce sujet.

Jean-Christophe Tardivon



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