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27/05/2024 03:56

FIN DE VIE : L'aide à mourir vue comme une nouvelle «liberté individuelle»

Partisans comme opposants à l'aide à mourir ont pu s'exprimer, ce jeudi 23 mai, à Dijon, durant un débat riche et respectueux tandis que les députés Didier Martin et Didier Paris ont répondu aux principales interrogations en détaillant le processus envisagé par la loi.
Quelques jours avant le début de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, prévu ce lundi, les députés Didier Martin (REN), ancien radiologue, aujourd'hui membre de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, et Didier Paris (REN), ancien magistrat, aujourd'hui membre de la commission des lois, ont organisé, ce jeudi 23 mai 2024, à Dijon, une réunion-débat sur le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.

Didier Martin est rapporteur du premier titre du texte qui porte sur le renforcement des soins d'accompagnement et les droits des malades. Le second titre portant sur l'aide à mourir.


Une attente des associations qui militent «pour un droit à mourir dignement»


Comme l'expliquait Didier Martin, intervenant à l'Assemblée nationale, le 12 mars dernier, «ce texte répondra à l'attente des associations qui militent depuis longtemps pour un droit à mourir dignement» et «il répondra à l'attente d'une majorité de Français».

En amont du texte, des travaux ont été conduits au travers d'une saisine du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), de débats de la Convention citoyenne, d'une concertation conduite par la ministre Agnès Firmin-Le Bodo et la mise en place parmi les députés d'un groupe d'études conduit par Olivier Falorni. Didier Martin a également remis aux députés un rapport d'évaluation de la loi Claeys-Léonetti, rédigé avec sa collègue Caroline Fiat (LFI).

89% des Français approuveraient que les patients souffrant de maladies incurables soient autorisés à réaliser une injection létale


Le 13 mai dernier, l’IFOP a publié un sondage commandé par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) : «on note que la favorabilité des Français à la légalisation de l’euthanasie connaît quelques variations à travers les années, de 88% en 2001, elle atteint 96% en 2024, et est l’année où le taux d’''absolument favorable'' atteint son plus haut niveaux (55%), soit 4 points de plus qu’en 2023, et 17 points de plus qu’en 2001».

«Sur le recours au suicide assisté, c’est-à-dire l’autorisation pour les personnes souffrant de maladies incurables de s’administrer un produit létal sous la supervision d’un médecin, même constat. 89% des Français approuvent l’autorisation de cette pratique, dont 52% ''tout à fait''. Depuis 2017, ce chiffre reste stable, exprimant une favorabilité largement majoritaire au recours au suicide assisté à la demande du patient», ajoute l'IFOP.

Des mouvements religieux ou associatifs continuent de s'opposer à l'aide à mourir


Pour autant, des mouvements s'opposent au principe même de décider du moment de sa mort, notamment pour des questions religieuses. Les représentants des différents cultes monothéistes ont été auditionnés et continuent de contribuer au débat auprès de l'opinion publique.

Cette opposition est également portée par des associations dont la plus connue est Alliance Vita qui a organisé des tractages dans toute la France afin de sensibiliser les citoyens à ses arguments contre la loi (lire le communiqué).

À noter que plusieurs loges maçonniques ont été auditionnées lors des débats préparatoires, certaines étant favorables à la loi, d'autres opposées.

Un débat sémantique


Euthanasie, suicide assisté, aide à mourir... Le choix des mots pour caractériser l'acte à légaliser n'est pas seulement un débat sémantique. Ce choix renvoie aux acceptions portées historiquement par chaque terme et aux cultures des pays dans lequel l'acte est pratiqué.

Selon Didier Martin, la notion d'euthanasie est «souillée historiquement» en raison de la mise à mort d'handicapés pratiquée notamment dans l'Allemagne hitlérienne et en URSS. Dans ce contexte historique, le député social-libéral retient que l'euthanasie renvoie à une action subie contre son gré par la personne concernée et réalisée par un tiers.

La notion de suicide est également réfutée par Didier Paris, renvoyant au principe de s'ôter la vie sans l'intervention d'un tiers à la suite d'une décision individuelle. Cette approche permet aux soutiens des différents gouvernements des mandats d'Emmanuel Macron de mettre en avant les politiques de santé publique concernant la prévention du suicide.

D'où, au fil des débats, un choix qui s'est porté sur la notion d'aide à mourir pour souligner l'accompagnement médical et social autour de l'acte conduisant une personne touchée par une maladie incurable à mettre délibérément fin à ses jours.

Ce contenu sémantique rejaillit toutefois dans le débat qui accompagne l'examen de la loi puisque les opposants au texte choisissent généralement de communiquer principalement sur la notion d'euthanasie pour alerter l'opinion publique.

Le contexte d'une réflexion sociétale sur la fin de vie


Le débat prend place dans une réflexion sociétale plus générale sur la fin de vie considérée comme les moments précédant le décès d'une personne en raison de son état de santé.

Le gouvernement, à l'origine du projet de loi, a choisi d'aborder le sujet du renforcement des soins palliatifs – soins qui préviennent et soulagent les souffrances physiques, psychiques ou encore spirituelles d'un patient et répondent aux besoins de manière globale – concomitamment à celui de l'aide à mourir.

Dans l'opinion publique et parmi les soignants, cette articulation a fait naître l'idée qu'aide à mourir et soins palliatifs pouvaient être associés négativement, ce qui a généré des craintes concernant d'éventuelles motivations dévoyées du recours à l'aide à mourir.

Un débat riche et respectueux


Sous les voûtes du cellier de Clairvaux, Didier Martin prend le micro pour présenter le débat devant une petite centaine de personnes dont des élus de différentes tendances politiques : François Patriat (REN), sénateur de la Côte-d'Or, Emmanuelle Coint (LR), première vice-présidente du conseil départementale de la Côte-d'Or, Céline Vialet (LCOP), maire de Pasques et vice-présidente du Département, Françoise Tenenbaum (PS, FP), vice-présidente de Dijon Métropole, et Dominique Grimpret (Modem), maire d'Ahuy.

Parmi l'assistance, se trouvent également des représentants de l'ordre des médecins, de l'ordre des infirmiers, de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), de la fédération Jusqu'à la mort accompagner la vie (JALMALV) et de l'Union nationale de familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques (UNAFAM).

Après 20 minutes d'introduction par les deux députés, le débat riche et respectueux durera près de deux heures.

«La loi encadre la liberté individuelle»


«Les mentalités ont évolué», signale d'emblée Didier Martin, ce qui lui fait dire que «les Français sont prêts», au moins pour débattre d'un tel sujet, voire pour accueillir favorablement une loi.

«Fallait-il légiférer», demande Didier Paris alors qu'existent les lois Kouchner et Claeys-Leonetti sur les droits des malades et des personnes en fin de vie. Le député répond en évoquant une «évolution» vers «une aide à mourir» pour arriver à ce que «chacun d'entre nous doit savoir qu'à un moment crucial de sa vie, il aura une liberté personnelle, il aura un choix à opérer». «C'est sensiblement différent de la sédation profonde et continue qui fait que la personne meurt de manière naturelle – on l'accompagne sur les raisons naturelles qui font qu'elle meurt –, là la personne, à un moment donné de sa vie, prend une décision.»

«Le fil conducteur de cette loi, c'est qu'à chaque stade de la loi, c'est la volonté individuelle de la personne concernée qui va primer, quelle que soit l'intervention du collège de médecins ou du médecin qui doit prendre une décision d'accompagnement», insiste le député. «La loi encadre, de manière assez précise, la liberté individuelle. (…) C'est un droit de la liberté individuelle.»

Présentation du processus envisagé


Après avoir rappelé que les soins palliatifs bénéficieront de nouveaux financements au travers d'un plan de d'un milliard d'euros sur dix ans, Didier Martin aborde le sujet de l'aide à mourir en commençant par la définition des conditions d'accès puisqu'il ne s'agit pas d'un droit universel.

«Ces conditions seront très précisément définies même s'il y a des discussions», assure-t-il. Avant l'examen en séance, les premiers amendements déposes en commission spéciale laissent effectivement augurer des débats pour définir soigneusement les termes soumis aux votes des législateurs.

Le député évoque alors le parcours que pourrait suivre un patient atteint par une maladie incurable : «c'est un patient qui s'adresse à un médecin mais ce médecin n'est pas tout seul, il prend des avis de façon collégiale et rend, dans un délai maximum de quinze jours, une réponse à ce patient, ce patient disposera de 48 heures pour réitérer sa volonté et, à partir de là, pourra être mis en processus dont le principe de base est une auto-administration de la substance létale. Se pose la question du patient qui n'est plus en capacité physique de s'auto-administrer la substance. Il est prévu que la personne concernée puisse avoir recours, soit à un soignant, soit une personne qu'il désigne et qui accepte de faire ce geste. (…) C'est une exception mondiale».

Didier Paris précise que «le médecin a l'obligation d'aller prendre des avis différents : un médecin spécialiste de la pathologie dont la personne souffre, l'avis des personnes qui l'accompagnent, c'est à dire un avis humain, pas strictement médical, nous n'obligerions pas nécessairement un examen physique immédiat . «Si le médecin n'est pas d'accord, il n'y a pas d'aide à mourir, on reste sur la catégorie des soins palliatifs. Si le médecin en est d'accord, il délivre une ordonnance avec un produit létal délivré par une pharmacie centrale spécialement désignée par arrêté ministériel, ce produit létal vaut pour une durée initialement fixée à trois mois et que la commission spéciale a porté à 12 mois. On verra le résultat final. (…) Sur cette base, un personnel de santé devra aller chercher le produit létal. Quel que soit l'endroit où les faits vont se dérouler – hôpital, EHPAD, domicile... – c'est la personne qui se l'administrera en présence de tiers dignes de confiance, de personnes de la famille, et de personnel médical, médecin ou infirmier. Soit elle est en capacité elle-même soit, et c'est un élément de discussion, le personnel médical l'aidera à l'administrer. Si la personne se l'administre elle-même, le personnel médical devra être à proximité pour intervenir, fera constat de la régularité du déroulement des opérations et gardera le résidu du produit létal pour le ramener à la pharmacie. Il y a un cheminement extrêmement précis a été fixé par le texte pour échapper à des déviations. Il y a une question médico-légale : il ne doit y avoir aucun doute sur l'autonomie de la pensée et sur la manière dont le processus complet a été administré dans la pleine sécurité qui détruirait sinon la portée du texte».

Est prévue la création d'un centre national qui recensera les actes réalisés et leurs conditions pour «une évaluation de l'application de la loi» ainsi que «des travaux de recherche sur le sujet de l'aide à mourir dont les motivations des patients».

«La loi doit s'accompagner d'une clause de conscience indiscutable»  


Un anesthésiste-réanimateur prend alors la parole «en son nom personnel de citoyen» pour témoigner de «la façon désastreuse dont on meurt en France». «La loi Claeys-Leonetti est très mal appliquée, il y a encore beaucoup d'acharnement thérapeutique, interdit par la loi Claeys-Leonetti. La sédation profonde et continue jusqu'au décès n'est pas suffisamment appliquée», analyse-t-il en appelant à impliquer «les infirmières, proches des patients».

Prenant l'exemple de patients souffrant de la maladie de Charcot – maladie neurodégénérative qui entraîne une paralysie progressive puis le décès du patient –, le soignant note que certains veulent aller «jusqu'au bout» tandis que d'autres «ne veulent absolument pas être réanimés» connaissant «une mort difficile». «Pour cette petite fraction de patients, il faut effectivement une solution.»

«Il faut voter la loi», estime le soignant mais «elle doit s'accompagner d'une clause de conscience indiscutable».

Pour les enfants malades, «des espaces régionaux de recherche en soins palliatifs pédiatriques»


Un conseiller municipal des Verts à Fontaine-lès-Dijon s'exprime lui aussi, «à titre personnel» et indique avoir dirigé équipe de recherche universitaire en lien avec des gériatres.

Tout en saluant l'examen de la loi, le témoin interroge les députés sur l'âge des personnes concernées ainsi que sur la situation de patients n'étant pas à même de s'auto-administrer une substance mortelle.

«Il y a eu débat, le texte, c'est être âgé de 18 ans et plus», répond le député, écartant les situations des enfants. «Pour les enfants malades, il y a une volonté dans le plan décennal de développer les espaces régionaux de recherche en soins palliatifs pédiatriques qui vont être existants dans toutes les régions.»

«Personne ne décidera à la place de quiconque de s'il va mourir», réagit-il en insistant sur «le principe du discernement répété jusqu'à la dernière seconde pour s'administrer la substance létale».

Didier Martin précise que la loi concerne «toute personne qui rentre dans cette définition : un pronostic estimé à court et moyen terme ou une trajectoire de fin de vie où la mort est probable».

Les bénévoles de JALMALV s'interrogent


Une représentante de Jusqu'à la mort accompagner la vie (JALMALV) – structure qui porte un regard critique sur la loi – rappelle que les visites de patients par des bénévoles se placent dans le cadre des soins palliatifs.

Elle alerte sur «la situation des personnes pouvant se sentir comme étant une charge» et insiste sur le fait que «l'accompagnement n'est pas un soin, c'est une relation».

La militante associative s'interroge donc sur les implications de la nouvelle loi pour les bénévoles : «qu'une personne dise que c'est compliqué pour elle et qu'elle voudrait que cela cesse ou qu’elle voudrait encore vivre quelque chose, on sait faire». «Si on nous demandait d'être présent à ce moment, là, nous y avons réfléchi, ça ne nous poserait pas de problème avec deux limites : le geste – un bénévolat ne pourra jamais faire ça – et que, dans des établissements comme EHPAD, la personne qu'on va appeler uniquement pour être présente à ce moment-là, ça sera laissé à l'appréciation de chaque bénévole en fonction de ces convictions personnelles.»

Didier Martin s'accorde sur «le rôle des bénévoles» ainsi que des aidants parmi les familles tandis que Didier Paris souligne que «la loi prévoit la place des bénévoles, ce n'est pas si fréquent».

«À l'ADMD, on n'est pas des donneurs de mort»


La représentante départementale de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) – structure favorable à la loi – fait part de la situation d'un homme de 74 ans eu recours aux dispositions existantes en Belgique. Né infirme moteur cérébral, il aurait pu vivre «encore des années» mais avec ses muscles se rétrécissaient et «il souffrait de plus en plus».

«Quand il a fait son dernier voyage en Belgique, il était entouré par sa famille et des proches», souligne la militante associative. «Depuis qu'il avait appris allait être aidé, il avait repoussé l'ultimatum de son dernier jour d'un an et demi», note-t-elle tout en signalant que, quand il est parti, «il n'en pouvait plus». «Il n'était pas proche de la mort, il ne voulait pas mourir mais il refusait la survie dans laquelle il était, c'est à dire avec des souffrances physiques et psychologiques insupportable. (…) C'était un militant de la vie, pas un militant de la mort. À l'ADMD, on n'est pas des donneurs de mort.»

En écho, Didier Martin signale que la Côte-d'Or dispose d'une unité de soins palliatifs avec même une équipe mobile. «Bien qu'on leur propose ces soins palliatifs, ce sont des patients qui vont aujourd'hui en Suisse ou en Belgique», réagit-il. «Tout le monde n'a pas cette faculté physique et financière.»

Un «recours» possible en cas de réponse négative du médecin


Un infirmier en retraite considère que le fait d'avoir rédigé une seule loi avec deux volets est «une erreur». Le témoin demande également s'il sera possible d'avoir «un recours».

«Deux lois, oui, mais les mêmes situations : on est bien devant des patients, quel que soit leur âge, qui rentrent dans les derniers jours de leur vie, au sens temporel, il y a cette trajectoire pour les personnes qui décident de ne plus vivre parce qu'elles souffrent», répond Didier Martin. «Il y aura un recours possible en cas de réponse négative [du médecin]», ajoute le député.

Un renforcement des soins palliatifs avant le vote de la loi


«Les soins palliatifs ne doivent pas être une alternative à l'aide à mourir», alerte un cancérologue qui défend la pratique des soins palliatifs en pointant toutefois les besoins en ressources humaines.

Le soignant considère certains amendements concernant des conditions d'éligibilité «un peu flous».

«On aura des moyens pour renforcer les soins palliatifs» assure Didier Martin, «avant même d'avoir terminé le vote de la loi et son application.»

Une maison d'accompagnement par département


Interrogés sur les maisons d'accompagnement, les députés expliquent que le fonctionnement de ces nouvelles structures sera financé par la Sécurité sociale. Les maisons d'accompagnement sont prévues pour répondre aux personnes qui ne relèvent pas de l'hospitalisation et qui ne peuvent pas rester à domicile pour autant. Elles proposeront aussi des lieux de répit pour les aidants.

La stratégie décennale prévoit une maison d'accompagnement par département.

«Ce n'est pas un soin, on est après le soin»


«L'aide à mourir, c'est le partage d'une finitude sur le fait que la médecine est au bout de sa science et que le patient se sente au bout de sa vie», indique Didier Martin, se référant à un philosophe auditionné. «Ce n'est pas un soin, on est après le soin. (…) C'est un acte. (…) C'est une forme de secours lorsque la mort est inévitable pour ne pas prolonger les douleurs.»

«Il faudrait simplifier les procédures»


Une auxiliaire de vie livre un émouvant témoignage sur la situation à laquelle elle a été confrontée professionnellement auprès d'«une personne qui voulait mourir à domicile» et qui «est partie dans d'affreuses douleurs».

Le médecin traitant indisponible, le 15 qui refuse d'appréhender l'urgence de la situation, SOS Médecins qui vient trois fois avant de prescrire un traitement aidant à dormir, l'équipe mobile de la Mirandière qui n'a pas pu intervenir... Enfin joint, le médecin traitant demande l'intervention d'un infirmier d'une structure d'hospitalisation à domicile qui a pu poser une perfusion de morphine. Peu après, cette personne est décédée.

«Pendant cinq jours, c'était horrible», témoigne l'auxiliaire de vie, «j'ai été la dernière à lui tenir la main, à son dernier souffle, je ne suis pas formée pour ça». «Il faudrait simplifier les procédures», demande-t-elle sobrement.

La «grande solitude» des infirmières à domicile


Le témoignage fait réagir une infirmière à domicile qui explique, très digne, que «les fins de vie, c'est notre lot. On est bien seule, en général, c'est le week-end. On vous donne une prescription, on vous dit ''allez-y, faites-le''. J'aimerais qu'on respecte la clause de conscience de l'infirmière.»

«La clause de conscience sera pour tous les soignants», répond Didier Martin.

Une pharmacienne d'officine regrette que «les pharmaciens n'aient pas été intégrés aux réflexions sur l'objection de conscience». Ce à quoi Didier Martin répond que l'ordre des pharmaciens a choisi de ne pas introduire de clause de conscience dans son code de déontologie «de façon à ne pas juger de l'opportunité de la prescription». Les pharmaciens d'hôpitaux qui prépareront la substance létale feront exception à ce sujet.

Les députés entendent les craintes d'Alliance Vita


Un bénévole d'Alliance Vita – structure opposée à la loi –, lui-même victime d'un accident de voiture ayant entraîné un traumatisme cérébral, s'offusque du «fait de donner le droit de mourir comme ça» et dit craindre «une injonction de partir» notamment pour «les gens pauvres, malades et en fin de vie».

Tout en comprenant les craintes émises, les deux députés réfutent l'éventualité d'une telle application de la loi.

«C'est l'équilibre entre la solidarité et la liberté de choix qui doit nous guider pour rédiger le texte», envisage Didier Martin, «nous sommes dans un pays où la protection sociale est extraordinaire».

Une attestation médicale pour confirmer le discernement d'handicapés mentaux


Pour sa part, Emmanuelle Coint alerte sur la question de l'avis éclairé des handicapés mentaux et demande le nombre de situations potentielles.

«J'ai fait retirer le mot ''psychiatrique'', j'ai préféré la rédaction ''toute maladie qui altère le discernement''», explique alors Didier Martin, «dans le cas d'un patient qui aurait un handicap mental ou psychique, je ne vois pas d'autre solution que d'obtenir, de la part du psychiatre, une attestation comme quoi que le patient ne présente pas de signe qui pourrait faire croire qu'il a un discernement altéré». «Il faudra s'appuyer sur un avis médical.»

L'aide à mourir pourrait représenter autour de 3% des décès


«Si on règle la question de la souffrance, y aura t il tant de situations que ça ?» enchaîne Emmanuelle Coint.

Selon un cancérologue présent, «en présence de soins palliatifs, l'aide à mourir représente très peu de cas».

«Nous savons que les euthanasies clandestines existent», réagit Didier Martin. En fonction de quoi, en se référant à l'expérience de la Belgique et des Pays-Bas, vingt ans après l'instauration de leurs dispositions, le député estime qu'entre 2,5% et 3,8% des décès relèvent de personnes se tournant vers une aide à mourir. La France recense au total 630.000 décès par an.

Attention à «la société de performance»


Un représentant de l'association Traces de vie, dont les bénévoles écrivent la biographie de patients, alerte sur «le travail à faire auprès des fratries».

La responsable du Pôle de gérontologie et d'innovation régionale déplore un contexte de «société de performance» où «on parle des personnes âgées comme des personnes qui coûtent très cher». Cependant, elle approuve «les moyens à la hauteur des besoins pour les soins palliatifs».

Le délégué régional de l'Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM) appelle à prendre en compte les spécificités «des personnes qui ont une relation complexe à la réalité».

La recherche de l'expression du discernement exclut la prise en compte de directives anticipées


Des participants interrogent les députés sur la portée des directives anticipées tandis que Françoise Tenenbaum sensibilise au fait que les préventions des patients au regard de leur pathologie peuvent varier dans le temps.

Toujours est-il que les députés rejettent la pris en compte des directives anticipées dans le cadre d'une aide à mourir, considérant qu'elles ne portent pas sur le même sujet : «les directives anticipées s'appliquent quand on n'a plus d'expression possible».

Tandis que Françoise Tenenbaum relaie des craintes de gériatres, le débat évolue sur les situations de personnes touchées par une maladie neurodégénérative, dont la maladie d'Alzheimer, et leur contexte familial. Les discussions prennent même un tour poignant.

Ainsi, une sage-femme qui se félicite de «l'avancée» de la loi, «attendue depuis des années», s'interroge sur «l'annonce d'une maladie incurable» : «et si on ne veut pas aller jusqu'à un état très dégradé ?»

«Je n'entre pas en EHPAD si je suis diagnostiqué Alzheimer», exprime un participant.

«Nous écartons le principe de l'aide à mourir à des personnes atteintes d'Alzheimer», tente d'expliquer Didier Martin quand l'état de santé s'est dégradé au-delà des premiers symptômes, «le texte n'inclut pas ce type de pathologie, nous ne nous référons pas à des directives anticipées antérieures».

Le propos entraîne le départ de quelques personnes de la salle dont une qui fond en larmes. Une attitude révélatrice d'un autre sujet de société problématique au sein de bien des familles.

Jean-Christophe Tardivon

L'aide à mourir s'articule avec le renforcement des soins palliatifs
































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