
Ce mardi 3 juin, à Dijon, la ministre de la Ruralité a appelé à un effort collectif, équilibré et partagé entre l’État et les collectivités. Elle a aussi rappelé le rôle essentiel des élus, «les faiseurs de services du quotidien», comme elle aime les appeler.
C’est une intervention toute en lucidité qu’a livrée la ministre Françoise Gatel, lors d'une séquence micro-tendu à l'occasion de sa visite à Dijon ce mardi 3 juin, en appelant à la lucidité et à la reconnaissance des élus locaux. Face aux difficultés budgétaires et à l’épuisement croissant des maires, l’ancienne sénatrice a insisté : «Comme on dit chez moi, il y a des faiseurs de services du quotidien ». Une déclaration qui résonne comme un cri d’alerte sur la place cruciale, mais souvent méprisée, des communes et de leurs représentants.
Un pays de cigales face à l’heure des fourmis
« Cela fait plus de 50 ans que notre pays n’a pas connu l’équilibre budgétaire », rappelle Françoise Gatel avec une métaphore lourde de sens. Elle convoque La Fontaine pour illustrer la situation : « Nous avons vécu comme des cigales. Il est temps de devenir des fourmis. »
Dans une période marquée par la rigueur et le retour à la discipline des finances publiques, la ministre appelle à un effort collectif, équilibré et partagé entre l’État et les collectivités. La conférence des finances publiques, récemment lancée, vise ainsi à établir un dialogue durable avec les élus locaux, souvent aux avant-postes des réalités sociales.
Mais, comme elle le précise, il ne s’agit pas de pointer du doigt les collectivités : « Le gouvernement n’a jamais dit que les collectivités étaient de mauvais gestionnaires. Elles ont l’obligation d’un budget équilibré. »
Une crise silencieuse : 13 000 élus municipaux démissionnaires
Au-delà des chiffres, Françoise Gatel met des mots sur un mal profond : le découragement massif des élus. Depuis 2020, plus de 13 000 élus municipaux ont rendu leur écharpe. « On n’a jamais vu ça », dit-elle, visiblement préoccupée.
L’épuisement, selon elle, résulte d’un enchevêtrement de causes : la complexité croissante des démarches administratives, la difficulté de faire avancer les projets, une exigence de résultats immédiats de la part des citoyens-consommateurs, mais aussi un climat de violence verbale et physique de plus en plus pesant.
« On n’agresse pas seulement la personne de l’élu, on attaque ce qu’il incarne : l’autorité », déplore-t-elle. Une dérive démocratique qui, amplifiée par les réseaux sociaux, touche aussi les familles des élus. Une pression morale sourde mais constante.
Simplifier, reconnaître, protéger
Face à cette crise, la ministre veut agir. Un texte sur le statut de l’élu, voté au Sénat, sera prochainement examiné par l’Assemblée nationale. Il ne réglera pas tout, prévient-elle, mais marquera une étape symbolique forte : « affirmer la reconnaissance de la Nation pour l’engagement citoyen ».
Elle défend également une simplification des relations entre maires et services de l’État : « Un maire ne doit plus avoir plusieurs interlocuteurs, il en faut un : le préfet de département. » Objectif : remettre du souffle dans l’action publique locale.
« Des faiseurs » au service du quotidien
C’est sur une note plus incarnée que Françoise Gatel clôt son propos. « Chez moi, on parle de faiseurs », affirme-t-elle avec chaleur, en parlant des élus municipaux. Ceux qui, loin des projecteurs, assurent l’éclairage public, le ramassage des ordures, la vie culturelle et sportive, l’école du coin. Ceux qui, sans rien revendiquer, « fabriquent les services du quotidien ».
Elle partage l’anecdote d’une petite commune qui a donné le nom d’une salle de sport à une ancienne vice-championne olympique. Une manière de rappeler que c’est souvent « dans une salle de sport municipale, à 7 ou 8 ans », que se dessinent les destins. Et que la République se vit d’abord à l’échelle du village.
Conclusion : une République des maires à préserver
Avec des mots parfois sobres, parfois mordants, Françoise Gatel a lancé un plaidoyer puissant : pour la ruralité, pour l’équité budgétaire, mais surtout pour les maires. Ces « faiseurs » qui tiennent debout le pacte républicain, malgré les coups, malgré la fatigue.
Le défi est immense : maintenir vivante une démocratie de proximité, dans un pays qui semble parfois l’oublier.
« Fermez les yeux une minute et imaginez votre vie si la mairie est fermée », a-t-elle lancé. Une question qui mérite d’être méditée surtout à l’approche des prochaines échéances électorales...
Manon Bollery
Photographie Manon Bollery
