«L'année 2024 pour le vigneron c’est une très mauvaise année, très difficile... Pour le vinificateur et plus tard le consommateur, je pense qu’on arrivera à sortir une bonne année en qualité.»
C’est dans une ambiance conviviale et passionnée, sur le stand de Dijon Métropole, que Jean-Luc Theuret, président des Vignerons du Bourgogne-Dijon, nous a accueillis pour parler du renouveau viticole de Dijon. Fort de son histoire et de son terroir unique, le vignoble dijonnais revient sur le devant de la scène sous l’impulsion d’une nouvelle génération de vignerons, prêts à faire revivre cet héritage précieux. Replantées récemment, les vignes de Dijon perpétuent une tradition millénaire, dont les origines remontent à l’Antiquité ! Si Dijon est souvent associée à la gastronomie, peu savent qu’au XVIIIe siècle, les vins de la ville rivalisaient en réputation avec ceux de Gevrey-Chambertin. Aujourd’hui, Jean-Luc et les vignerons locaux ambitionnent de restaurer cette notoriété, avec une appellation « Bourgogne-Dijon » en plein essor.
Mais 2024 n’a pas été un long fleuve tranquille. Après une année marquée par une météo capricieuse, entre pluies et mildiou, les vignerons n’ont pas eu la tâche facile. Pourtant, Jean-Luc garde le sourire et l’optimisme : si les quantités seront modestes, la qualité des raisins augure de belles surprises pour les amateurs de bons crus.
À la foire de Dijon, les Vignerons du Bourgogne-Dijon invitent tout le monde à découvrir le patrimoine unique de leur terroir. De la dégustation aux conférences, en passant par des expositions interactives et des démonstrations artisanales, l’espace « Dijon-Vigne » propose une immersion totale dans ce vignoble à l’identité singulière. Jean-Luc nous explique avec fierté comment les sous-sols variés, entre la roche typique de Corton et celle de Comblanchien, donnent aux vins de Dijon leur caractère.
L’arrivée de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin) à Dijon, couplée au rayonnement de la Cité de la Gastronomie, est pour lui une véritable aubaine. Ces initiatives renforcent l’exposition des vins locaux et permettent de montrer au monde la richesse et la diversité des crus bourguignons. Pour Jean-Luc, c’est une chance inestimable de valoriser les vins de Dijon et de les lier à la tradition gastronomique française, qui séduit de plus en plus d’amateurs curieux....
Jean-Luc Theuret
Président des vignerons de Bourgogne-Dijon
Pourquoi planter de la vigne sur la Métropole de Dijon ?
« Parce qu’il y a une très grande histoire viticole à Dijon qu’on a oubliée depuis 100 ans. On oublie sans doute, mais dès le cinquième siècle, on a des traces écrites du vin autour de Dijon, proprement dit, et avec des notions de qualité extrêmement importantes. Par exemple, si on est aujourd’hui sur des comparaisons, la valeur ou le prix des vins de Dijon (ça s’appelait comme ça, vins de Dijon) étaient équivalents ou supérieurs aux vins de Gevrey-Chambertin au 18e siècle, par exemple.
Un petit mot sur l’année 2024 ?
« Globalement, il y a deux angles de vue. Si on regarde l’angle de vue du vigneron, c’est une très mauvaise année, très difficile, compliquée, avec des rendements de raisins relativement peu abondants. Donc pour le professionnel proprement dit de la production du raisin, c’est une année très compliquée. Pour le vinificateur et plus tard le consommateur, je pense qu’on arrivera à sortir une bonne année en qualité. Très peu de quantité, mais une bonne année en qualité. »
De quelle manière êtes vous présents sur la foire de Dijon ?
« La présence sur la foire de Dijon, elle est à deux niveaux. Elle est sur le stand de Dijon Métropole où nous vendons du vin au verre et à la bouteille des différents vignerons du territoire. Il y en a en général deux différents par jour. Et on aura, du 8 au 11 novembre, un espace dit “Dijon-Vigne” où nous allons montrer l’ensemble de ce qui est, de ce qui se fait sur les cinq communes de Dijon : Daix, Talant, Plombières, Corcelles-les-Monts, et Dijon. Sur ces cinq communes-là, nous avons une démarche d’appellation Bourgogne-Dijon.
On va montrer le sol et le sous-sol des différentes communes, avec une particularité parce que sur ces cinq communes, on a à la fois du sous-sol proche de la Côte de Beaune, du type roche de Corton. Et une partie sur du sous-sol de type Comblanchien, donc plus proche de la Côte de Nuits. Donc nous avons un mariage sur ces communes, à la fois du sous-sol Dijon-Corton et du sous-sol Comblanchien.
La deuxième partie sera tournée autour de la partie végétale, parce que sur Dijon nous avons une particularité : c’est que nous avons beaucoup de vignes mères de greffons. C’est-à-dire, des vignes qui donnent des greffons, qui sont ensuite mises sur des porte-greffes et qui vont servir à faire la vigne de demain. Pas que Dijon, l’ensemble majoritairement de la Côte d’Or.
Le troisième point retracera l’histoire viticole de Dijon, sur des panneaux d’affichage, etc., avec la présence d’auteurs qui sont en train de terminer un livre sur le marché au vin de Dijon, qui était le principal marché au vin du Moyen Âge notamment.
Enfin, la quatrième partie tournera autour de la dégustation et des conférences sur les caractéristiques du vin de Dijon. »
Quel est votre regard sur l’arrivée de l’OIV à Dijon ?
« Globalement, c’est plus qu’un bon point, je parle pour les vins de la métropole, pour l’ensemble de la Bourgogne aussi, mais de loin. Mais pour les vins du Bourgogne-Dijon, c’est un point supplémentaire, parce qu’il y a un adage qui dit, “il n’y a pas de grand cru sans personne pour les vendre”. C’est-à-dire que globalement, la notion de force commerciale, de notoriété et de marketing est indissociable d’un grand cru. Si on est en total confidentiel, si personne ne connaît, ce ne sera jamais un grand cru. Et sur Dijon, nous avons la chance, au moment où nous replantons, d’avoir la possibilité de communiquer sur autre chose que la plante, le raisin et le vin. C’est toute cette partie gastronomique liée à la Cité de la Gastronomie, liée au climat, parce qu’il ne faut pas oublier que le centre-ville de Dijon fait partie intégrante des Climats de Bourgogne. L’OIV, la Cité de la Gastronomie, et le climat amènent un focus extrêmement important sur la communication et l’oenotourisme. Tout ça fait que c’est l’environnement du vin qui s’en trouve bonifié.
Est-ce que vous remarquez que les gens veulent s’intéresser au vin d’une manière plus approfondie ?
« Je pense qu’il y a deux regards qu’on peut avoir sur le vin. On peut avoir un regard de type hygiéniste, c’est-à-dire “tout ce qui est alcool n’est pas bon pour la santé donc il faut bannir l’alcool et comme dans le vin il y a de l’alcool, il faut bannir le vin”. Le deuxième regard, c’est de dire sous un aspect beaucoup plus culturel, que le vin fait partie intégrante de la gastronomie française et, à ce titre, les gens s’y intéressent particulièrement. Donc c’est bien différent entre le produit proprement dit et l’environnement dans lequel ce produit est consommé. Et je pense que oui, il y a de plus en plus de gens, d’ailleurs on le voit bien, il y a de plus en plus de gens qui cuisinent, et donc cette notion du vin lié à la culture française est pour moi quelque chose qui augmente, oui. »
Vous dites qu’il y a de plus en plus de monde qui cuisine, est-ce selon vous aussi un effet du confinement, où les gens se sont retrouvés chez eux ?
« Je pense que c’est difficile à dire. Certainement, c’était un effet un petit peu accélérateur, mais ce qui est le plus révélateur pour moi, c’est dans la place des médias et notamment télévisés, l’importance que ça a pris. Si on se remet 20 ans en arrière, il n’y avait pas toute cette communication qui était tournée autour de la cuisine. Donc la gastronomie et le vin ont encore de très belles années, et on espère à double titre : au titre de Français et au titre de producteur. »
Manon Bollery