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26/02/2022 20:18

GÉOPOLITIQUE : «L'Ukraine est l'airbag de l'Europe !»

«Nos soldats se battent aussi pour la paix en France», a lancé Yulya Messmer, Ukrainienne vivant en Bourgogne-Franche-Comté, à l'origine du rassemblent de ce samedi 26 février dans la capitale régionale. «Les habitants défendent leur pays et défendent la démocratie», a abondé François Rebsamen, maire de Dijon.
Au troisième jour de l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes de Vladimir Poutine, les manifestations de solidarité à la population ukrainienne se multiplient de part le monde.

Après un premier rassemblement à l'initiative de personnalités dijonnaises dès le 24 février et comptant de nombreux étudiants (lire notre article), des membres de la diaspora ukrainienne en Bourgogne-Franche-Comté ont organisé une manifestation ce samedi 26 février 2022, place de la Libération à Dijon. Une action déclarée auprès de la préfecture de la Côte-d'Or. La veille un rassemblement similaire a eu lieu à Besançon.


Plus de deux cents personnes, dont de nombreux Ukrainiens, se sont retrouvées devant l'Hôtel de Ville de Dijon où le drapeau de l'Ukraine pavoisait la façade aux côtés des drapeaux français et européen. François Rebsamen (PS), maire de Dijon, accompagné de plusieurs conseillers municipaux PS et Modem de la majorité, a rejoint le rassemblement et s'est brièvement exprimé. Quelques conseillers LR et Horizons de l'opposition municipale étaient également présents.

En 2014, l'«annexion illégale» de la Crimée


Originaire de Crimée, Yulya Messmer est Ukrainienne, elle vit en France depuis 2007 et habite Besançon où elle a une activité commerciale. Yulya Messmer indique que sa famille a dû subir une expropriation en Crimée pour ne pas avoir choisi la nationalité russe après l'annexion du territoire par la Fédération de Russie. Elle a également de la famille à Kiev et dans d'autres villes.

À l'époque moderne, la Crimée, péninsule qui s'avance dans la mer Noire, a été cédée aux Russes par les Turcs à la fin du XVIIIème siècle. La ville de Sébastopol fut fondée par l'impératrice Catherine II en 1783. À la Révolution bolchévique, la Crimée entra dans le giron de l'URSS.

À la dislocation de l'empire soviétique, la Crimée se déclara indépendante en 1992 mais rejoignit l'Ukraine dans le cadre d'un accord d'autonomie, reconnu par la Russie en 1997. Sébastopol jouissant d'un statut spécial.

En 2014, la Crimée proclama une nouvelle fois son indépendance et se rapprocha de la Russie du fait d'une importante population russophone. Le rattachement à la Russie ne fut pas reconnu par l'ONU. Considérant qu'il s'agissait d'une «annexion illégale», l'Union européenne décida alors de sanctions à l'encontre de la Russie.

«Fermer le ciel» et «fermer le SWIFT»


«La situation s'aggrave de plus en plus, tous les jours», indique Yulya Messmer à partir des informations que ses proches lui communiquent par téléphone. «Bien sûr, c'était choquant, maintenant, on essaie de se mobiliser sur place et aussi à l'extérieur de l'Ukraine.»

La diaspora ukrainienne demande à la France et à l'Union européenne de «fermer le ciel» et de «fermer le SWIFT» et à l'OTAN d'intervenir en Ukraine. C'est à dire une intervention militaire aérienne et un blocus financier.

«Ma famille est dans l'armée, la résistance. Le message qu'ils envoient à la France, c'est une participation. On va gagner si l'OTAN ferme le ciel», insiste-t-elle.

«Deuxième message : ce n'est pas notre guerre, c'est la Troisième Guerre mondiale qui a commencé», analyse-t-elle. Le propos reviendra plusieurs fois dans les prises de parole en considérant que l'invasion de l'Ukraine ne serait qu'une étape dans la politique d'expansion de la Russie conduite par Vladimir Poutine.

Craintes concernant Tchernobyl


Yulya Messmer dit craindre des explosions au niveau des gazoducs traversant l'Ukraine – «l'Europe va rester sans gaz» – et des explosions au niveau de la centrale nucléaire désaffectée de Tchernobyl, située en Ukraine sur un territoire dont l'armée russe aurait pris le contrôle.

Le 26 avril 1986, la fusion du cœur du réacteur nucléaire n°4 a conduit à la catastrophe de Tchernobyl. Les ruines resteront radioactives pendant des dizaines de milliers d'années. Pour contenir la radioactivité, un premier sarcophage a été rapidement construit en 1986. Sous celui-ci, le cœur serait toujours actif.

En 2016, un second sarcophage, l'Arche de Tchernobyl, a été réalisé sous la maîtrise d'ouvrage de deux entreprises françaises, Vinci et Bouygues, avec un financement international s'élevant à 1,4 milliard d'euros.

«Merci à tous les Français qui nous supportent»


«Toutes les villes sont bombardées, sans exception», déclare une intervenante prenant la parole au milieu du rassemblement. «Il y a beaucoup de morts parmi les civils, les enfants aussi. (…) Il faut que les peuples, tous les peuples, aussi le peuple russe, se lèvent et qu'ils disent 'non' à cette guerre maudite».

«Nos familles sont dans les bombardements. (…) Malheureusement, elles n'arrivent pas à partir», poursuit une autre intervenante. «Tout ce que vous dit Poutine qu'on est néonazi, ce n'est pas vrai. (…) Notre président, il est à Kiev, il est avec les armées.» Un propos très applaudit.

«La guerre est à nos portes, aujourd'hui Poutine menace l'Europe. Qui sera le prochain ? La Géorgie ? La Moldavie ? L'Europe doit endosser ses responsabilités. (…) Je demande une unité avec le peuple ukrainien, qui est un peuple fort», lance un homme très ému.

«Toutes nos familles vivent un vrai cauchemar. On demande aux alliés de soutenir notre pays, pas seulement avec des mots mais avec les actes. Le plus important, c'est les actes militaires. Ce qu'on a besoin, c'est protéger notre ciel contre les avions, les bombardements, parce que les militaires terrestres sont assez forts en Ukraine», martèle un autre homme.

«Mes amis de Kiev qui habitent le centre-ville se cachent dans les forêts avec les enfants. Il n'y a pas de chauffage, il n'y a pas d'eau chaude, il n'y a pas de toilettes», témoigne une femme. «Les enfants pleurent avec chaque sirène. Les enfants sont traumatisés avec les sons des sirènes, avec les sons de la guerre. Je veux juste dire merci  à tous les Français qui nous supportent. Vive la France ! Vive l'Ukraine !»

«Ma famille est à côté de Lviv, c'est plus tranquille que Kiev. (…) Nous sommes ici pour crier, pour sauver notre pays, pour sauver le monde entier parce que la guerre est déjà là», alerte une intervenante qui incite à recourir aux médias sociaux et à signer les pétitions. «Poutine, il déteste l'Ukraine, il déteste la démocratie, (…) il n'écoute personne. (…) Ce n'est pas notre guerre, c'est la guerre pour tous.» Une autre personne renvoie à son tour vers le site supportukraine.co pour faire des dons.

«La vie ici est belle. J'espère qu'on ne va jamais comprendre [NDLR : connaître] ce qui se passe là-bas. Ce n'est pas possible d'expliquer avec les mots ce qu'ils vivent là-bas», déclare une autre intervenante. «Je veux dire merci pour la population ukrainienne.»

«Nos soldats se battent aussi pour la paix en France»


Le salut national ukrainien ponctue les interventions : «Slava Ukraini ! Heroiam slava !» («Gloire à l'Ukraine ! Gloire aux héros !»). Popularisé durant la guerre d'indépendance de 1917 à 1921, l'expression a été assimilée au nazisme par l'URSS. Ce que réfutent les Ukrainiens. Résonne également l'hymne national «Chtche ne vmerla Ukraïna» («L’Ukraine n’est pas encore morte»).

«La guerre en Ukraine est à la porte de l'Europe. Je veux passer le message au président français, à Monsieur Macron, que nous tous les Ukrainiens partout en France, et même les Ukrainiens en Ukraine, on demande une seule chose : envoyez, s'il vous plaît, des militaires en Ukraine, protégez notre ciel», insiste une autre intervenante.

«On va envoyer les photos aux soldats ukrainiens, ça va les encourager», conclut Yulya Messmer. «Poutine utilise énormément le budget russe pour l'information. (…) Leur population vit dans un autre monde de fausses informations. Les Ukrainiens me demandent tous les jours 'qu'est-ce qu'ils pensent en France de cette situation ?' (…) Faites attention avec l'information. (…) Poutine essaie de voir jusqu'où il peut aller. Aujourd'hui, c'est l'Ukraine, demain ce peut être la Pologne. (…) Ensuite, ça va être les pays baltes. Aidez-nous, nos soldats se battent aussi pour la paix en France. Aujourd'hui, l'Ukraine, c'est l'airbag de l'Europe ! C'est la dernière douane qu'il peut passer. Il cherche la ligne rouge. Il faut lui montrer que la ligne rouge, ça se termine chez nous, en Ukraine ! Aidez l'Ukraine si vous ne voulez pas que la guerre viennent ici, en France.»

«L'ensemble de la population dijonnaise est à vos côtés»


Le mégaphone arrive jusqu'à François Rebsamen (PS). «L'ensemble de la municipalité, l'ensemble de la population dijonnaise est à vos côtés», lance le maire de Dijon. «Nous comprenons la souffrance du peuple ukrainien, nous savons ce qui se passe sur place. Nous savons qu'un dictateur paranoïaque s'est attaqué à un pays libre. Ce pays est un pays démocratique et, aujourd'hui, les habitants défendent leur pays et défendent la démocratie. Nous sommes à vos côtés évidemment dans ce combat extrêmement difficile, qui risque d'être long et qui menace l'ensemble des démocraties européennes.» Des «Vive la démocratie» ponctuent son intervention.

Également président de Cités unies France, une association qui regroupe des collectivités territoriales françaises engagées dans l’action internationale, François Rebsamen a signé ce même jour une déclaration condamnant «les multiples attaques et violations de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de l'Ukraine».

Cités unies France incite les «gouvernements locaux russes» à «interpeller le gouvernement de la Fédération de Russie à respecter tous les traités internationaux» (lire le communiqué). 

«Condamnation sans réserve du régime de Poutine»


S'exprimant au nom des associations de défense des droits humains, Paul Garrigues, président de la section de Dijon de la Ligue des Droits de l'Homme, fait part de «toute notre solidarité avec le peuple ukrainien» et «notre condamnation sans réserve et sans nuance du régime de Poutine et de l'agression russe».

«C'est la suite d'un certain nombre d'agressions d'un régime criminel. Rappelons-nous la Géorgie, la Tchétchénie, la Crimée, l'intervention en Syrie, les mercenaires en Afrique», analyse Paul Garrigues. «Quand nous défendons l'Ukraine aujourd'hui, c'est un devoir humain élémentaire mais c'est aussi la défense des libertés et des droits humains dans le monde, c'est aussi la défense de nos libertés.»

Prochaine création d'une association


Actuellement, les contacts entre Ukrainiens de Bourgogne-Franche-Comté sont informels. Yulya Messmer estime que mille personnes environ auraient la nationalité ukrainienne dans la région.

La création d'une association serait en préparation pour réagir au conflit et envisager un accompagnement humanitaire d'éventuels réfugiés accueillis en Bourgogne-Franche-Comté. Une association que pourrait soutenir la Ville de Dijon, comme l'indique François Rebsamen aux personnes rassemblées : «si vous avez besoin de quoi que ce soit, la municipalité vous accueillera».

Jean-Christophe Tardivon












































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