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30/03/2022 13:44

IMMOBILIER : Le représentant des propriétaires fustige une «manipulation organisée sur les taxes foncières»

Quelques jours avant l'assemblée générale de l'UNPI Bourgogne-Franche-Comté, ce mardi 29 mars Jean Perrin commente pour Infos Dijon l'actualité de l'immobilier : hausse de la taxe foncière, pouvoir d'achat des retraités propriétaires, contraintes de Ma Prime Rénov' ou encore le nouveau DPE.
De nombreux Français aspirent à devenir propriétaires, au moins de leur résidence principale, mais ne semblent guère enclins à défendre les investisseurs locatifs individuels. La pierre est «désirée» mais «mal-aimée» selon Jean Perrin.

Ce mardi 29 mars 2022 à Dijon, le président de l'UNPI Bourgogne-Franche-Comté Dijon réagit à la vague de hausse des taux de taxe foncière de nombreuses collectivités qui suit l'impulsion donnée au niveau national avec la hausse des bases physique. Une augmentation qui peut atteindre 5% comme à Dijon, voire les dépasser dans d'autres communes.

57% de ménages propriétaires


En France, 57% des ménages sont propriétaires de leur résidence principale ou propriétaires-bailleurs. Dijon est en ligne avec cette statistique. Les résidents hors de Dijon possédant des biens immobiliers dans la capitale régionale seraient rares, environ 5% selon l'UNPI.

Les nouveaux logements sont acquis par des primo-accédants, des fonds de pension et des investisseurs immobiliers locaux «inquiets pour leur retraite».

L'UNPI Bourgogne-Franche-Comté Dijon recense 4.000 adhérents et 4.000 sympathisants, dont la moitié en Côte-d'Or. La cotisation est de 98 euros. Jean Perrin est le président régional depuis 1998 ; il a été président de l'UNPI nationale de 2004 à 2018 et reste membre du conseil d'administration.

Emmanuel Macron n'aimerait pas la pierre


Au lendemain d'un déplacement de campagne du président de la République sortant à Dijon, Jean Perrin commente le bilan du quinquennat en matière de fiscalité immobilière.

«Il n'aime pas la pierre», résume-t-il à propos d'Emmanuel Macron, «c'est un homme de la finance». Jean Perrin en veut pour preuve l'absence de bien immobilier dans son patrimoine personnel et voit là l'explication de la transformation en 2018 de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), déclenché quand un patrimoine immobilier non affecté à une activité professionnelle dépasse 1,3 million d'euros.

En 2013, l'ISF avait fait rentrer 4,39 milliards d'euros dans les caisses de l’État ; en 2019, l'IFI a rapporté 2,1 milliards d'euros.

«Les difficultés de l'immobilier»


«C'est le grand paradoxe, la pierre est désirée en France mais est mal-aimée dans l'état d'esprit. Tous les Français rêvent d'être propriétaires de leur appartement, de leur maison, d'une maison avec un jardin, ils veulent tous de la pierre. Les gens inquiets pour leur retraite veulent acheter un studio pour un complément de retraite. En même temps, de l'autre côté, on le voit avec l'évolution des taxes foncières, on dit qu'il faut taxer la pierre», analyse Jean Perrin.

«La clé d'explication, c'est que l'immobilier a sérieusement progressé, notamment en région parisienne parce que dans les campagnes ou les villes moyennes, ce n'est pas le cas. Tout le monde voit ces plus-values phénoménales et tout le monde envie cela», ajoute-t-il.

«L'immobilier est très dilué. Quand une commune augmente ses taxes foncières de 5%, c'est tous les petits propriétaires qui paient 5% de plus. Avec une entreprise, ce serait difficile. La pierre, ça se voit. Celui qui a un gros compte en banque, ça ne se voit pas. Celui qui a un bel immeuble haussmannien quelque part, on le voit, on le sait. Son immeuble, il ne peut pas le déplacer. S'il fait des travaux, on peut le retaxer. C'est les difficultés de l'immobilier», peste-t-il.

Un rendement locatif entre -1% et 1%


Parmi ces difficultés, le président de l'UNPI Bourgogne-Franche-Comté invite à prendre en compte tous les paramètres qui réduisent les revenus d'un investisseur locatif issus des loyers : impôt sur le revenu, contribution sociale généralisée, taxe foncière sur les propriétés bâties mais aussi charges de copropriété (seulement en partie récupérables auprès des locataires), travaux d'entretien du logement en lui-même sans oublier la mise aux normes liée à la transition énergétique.

L'UNPI calcule que, sur trente ans, en moyenne, les travaux d'un appartement de 70 m² représentent un budget de 1.000 euros par an.

«Bienheureux le propriétaire quand il lui reste un à deux mois de loyer en net dans sa poche à la fin de l'année», résume Jean Perrin.

L'UNPI estime que le rendement net d'un investissement immobilier locatif oscille aujourd'hui entre -1% - «ça coûte de l'argent» - et +1%.

Du côté de la valeur du bien, la plus-value est aléatoire en fonction de l'évolution du marché localement. «Il y a des villes où elle est belle et il y a des villes où il n'y a pas de plus-value», signale Jean Perrin.

Face à ces difficultés, l'immobilier continue de présenter certains avantages. Sauf guerre, «l'immobilier est toujours là», considère le président régional de l'UNPI, «même s'il y a une grosse crise économique, le capital est moins exposé ; l'immobilier est moins risqué, moins exposé que l'argent».

«Des négociations entre les locataires et les propriétaires du fait du marché»


Alors que l'inflation repart, au moins de façon transitoire, les investissements locatifs apparaissent relativement préservés puisque les propriétaires peuvent faire évoluer les loyers selon l'indice de référence des loyers (IRL) basé sur l'inflation.

Pour autant, dans le contexte d'une ville moyenne, Jean Perrin renvoie une fois encore à la propre évolution du marché locatif local en lien avec les revenus disponibles des candidats locataires – en intégrant le coût de l'énergie – ainsi qu'avec leurs aspirations en termes de confort.

Les appartements défraîchis ou situés au quatrième étage sans ascenseur pourraient difficilement appliquer l'IRL : «il y a des négociations entre les locataires et les propriétaires du fait du marché qui peut amener des baisses de loyers. Si vous avez un bon locataire, vous n'êtes pas obligé d'appliquer la révision des loyers. Quand on remet en location, on est au prix du marché».

Jean Perrin se souvient qu'à la fin du XXème siècle, un studio dijonnais pouvait être loué 2.000 francs quand il est loué aujourd'hui 350 euros (soit l'équivalent de 2.296 francs en 2022 mais l'équivalent de 3.032 francs en 2000, compte-tenu de l'inflation). «Sans compter que, aujourd'hui, quelqu'un aurait un studio dans le même état que ceux qu'il louait il y a 25 ans, il ne le louerait plus du tout.»

«La fiscalité locale des taxes foncières va augmenter entre 5 et 10%»


Concernant la taxe foncière, l’État établit la valeur locative d'un bien immobilier à partir de 25 critères puis définit une base physique en divisant la valeur locative par deux. Les collectivités appliquent alors un taux à cette base physique.

Chaque année l’État fait varier la valeur des bases qui peut stagner – +0,2% en 2021 – sans diminuer. En 2022, une augmentation des bases physiques de 3,4% a été votée par les parlementaires avec l’argument de tenir compte de l'évolution des dotations aux collectivités pour éviter aux communes d'augmenter elles-mêmes.

«C'est une année très élevée», commente Jean Perrin qui se dit «révolté» en évoquant une «manipulation organisée sur les taxes foncières». «Aujourd'hui, en France, la fiscalité locale des taxe foncière va augmenter entre 5 et 10%», synthétise-t-il. La taxe foncière moyenne étant d'environ 1.300 euros par an, la hausse représente environ 100 euros.

«Des gens vont toucher 100 euros de prime inflation et dont la taxe foncière va augmenter de 100 euros. (…) L’État fait le généreux mais il donne moins d'argent aux communes et les communes en prennent plus aux propriétaires fonciers», fulmine Jean Perrin. «C'est qu'une catégorie qui paie. Vous n'empêcherez pas les propriétaires de penser que la suppression de la taxe d'habitation, qui était payée par tout le monde, est en train de retomber en prise en charge par les propriétaires puisque les communes disant avoir un choc de recettes. (…) Les communes n'ont plus que les propriétaires à taxer.»

L'UNPI rappelle que la taxe foncière sur les propriétés bâties a été transférée des Régions aux Départements puis des Départements aux intercommunalités – dont les Métropoles – et aux communes.

«C'est du pouvoir d'achat en moins pour les propriétaires»


Le 24 mars dernier, la Métropole de Dijon a plus que doublé son taux de taxe foncière en le fixant à 1,41% (contre 0,612% précédemment).

«François Rebsamen a tenu son engagement qu'il nous avait signifié», salue néanmoins Jean Perrin puisque la Ville de Dijon n'a pas fait évoluer son taux communal.

Cependant, en prenant en compte l'évolution des bases et la hausse du taux métropolitain, cela représente une augmentation de 5% de la taxe foncière des propriétaires dijonnais, soit, selon la collectivité, une augmentation moyenne de 14 euros.

Jean Perrin alerte donc sur la situation de propriétaires en prenant l'exemple d'habitants du quartier résidentiel des Bourroches qui ont «des retraites modestes» : «ça va devenir difficile de rester chez eux si on continue avec des progressions comme ça, ils vont connaître de grosses difficultés financières, ils ne pourront plus garder leur maison».

Le président régional de l'UNPI prend également l'exemple de Chevigny-Saint-Sauveur votant ce même mardi une augmentation de 1,67 point de son taux communal : «les propriétaires Chevignois vont payer 7,5% d'impôts en plus».

«L'UNPI est contre une augmentation des taux des collectivités précisément parce que l’État a revalorisé les bases. (…) C'est du pouvoir d'achat en moins pour les propriétaires. (…) On ne peut pas demander d'améliorer la qualité du parc locatif pour diminuer les charges des locataires et taxer les propriétaires», revendique le président régional.

«La transition énergétique est indispensable pour notre société»


«À l'UNPI, on est favorable à la rénovation thermique des logements, on veut accompagner la transition énergétique qui est indispensable pour notre société mais on veut le faire dans de bonnes conditions et à un rythme supportable», prend soin de déclarer Jean Perrin en abordant le dispositif gouvernemental Ma Prime Rénov'.

«L’État tergiverse sur les aides et bouscule le calendrier», ajoute-t-il ensuite pour entamer une critique en règle du niveau d'aide et des modalités d'application.

L'UNPI estime le coût moyen de rénovation énergétique à 40.000 euros environ pour extirper un logement de 70 m² d'un statut de « passoire thermique ». Selon l'UNPI, l'objectif de 80.000 «passoires thermiques» rénovées seraient loin d'être atteint avec 2.500 dossiers en France en 2021.

«Les primes sont de quelques milliers d'euros et, en plus, d'une complexité phénoménale», déplore Jean Perrin, «l’État met des contraintes qui découragent les investisseurs». «Si c'est vraiment une urgence nationale, il faut donner des primes à tout le monde. (..) On est favorable mais on voudrait de la simplicité, de la fluidité et de l'égalité.»

«Des millions de logements vont être sortis du marché»


Autre dossier brûlant pour les adhérents de l'UNPI, le diagnostic de performance énergétique (DPE), dont une nouvelle version a été mise en place le 1er juillet 2021, qui vient évaluer la rénovation énergétique.

Pour les bailleurs, les loyers des logements classés F et G sont gelés. A priori, il ne sera plus possible de relouer les logements consommant plus de 450 kWh/m² à partir de 2023, les logements classés G à partir de 2025, les logements classés F à partir de 2028, les logements classés E à partir de 2034.

«Les objectifs de consommation sont très élevés et on ne pourra pas les atteindre», alerte Jean Perrin, «il va y avoir des millions de logements qui vont être sortis du marché».

L'UNPI anticipe l'émergence de foncières spécialisées sur la rénovation de passoires thermiques : «ça va bouleverser le marché ». «C'est ce que Macron voulait, je ne sais pas si les locataires seront gagnants», glisse Jean Perrin.

«Les propriétaires sont des contribuables dociles avec l'appui du peuple»


L'association demande donc «un DPE fiable» ainsi que «de la clarté et du temps» en mettant en balance les émissions de gaz à effet de serre au regard des émissions mondiale : «le logement en France à une part de 0,3%, si on améliore la performance des logements de 30%, tout ce qu'on fait pour la transition énergétique, ça fait 0,1% de la pollution de la planète. Est-ce que le fait de prendre une année de plus pour y arriver, c'est un drame ?».

Le président régional de l'UNPI en fait un sujet politique : «les élus locaux peuvent avoir un peu de pouvoir sur l'immobilier dans leurs villes mais ils ont quel sur les avions et les paquebots ? Rien, zéro. S'ils veulent montrer qu'ils sont actifs, la plus forte activité qu'ils peuvent avoir c'est sur le bâti et plus sur le logement que sur les entreprises. (…) [Les propriétaires] sont des contribuables dociles avec l'appui du peuple, tout ceux qui sont locataires ne pleurent pas quand les propriétaires paient».

Le prochain rendez-vous de l'UNPI régionale sera le 9 avril 2022 avec l'assemblée générale. Après la venue en 2021 d'un enseignant de l'université de Bourgogne pour une intervention sur le changement climatique contribuant à sensibiliser les adhérents, une conférence portera cette année sur le DPE et les améliorations potentielles de cet outil.

Jean-Christophe Tardivon

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