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16/11/2021 17:37

JUSTICE : Des avocats manifestent pour défendre le secret professionnel

Dans toute la France, des avocats se sont réunis pour défendre le secret professionnel et demander au ministre de la Justice la suppression d'un amendement du Sénat qui introduit une «ambiguïté». Ce mardi 16 novembre, une cinquantaine d'avocats se sont rassemblés devant la Cité judiciaire de Dijon à l'appel du bâtonnier Stéphane Creusvaux.
Le Sénat a poussé le gouvernement dans de beaux draps – des draps noirs comme la robe des avocats – en glissant un amendement au milieu de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Le 29 septembre dernier, les sénateurs ont adopté la dite loi en limitant le secret professionnel des avocats sous couvert de lutte contre la fraude fiscale.

Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, souhaitait étendre le secret de l'avocat aux activités de conseils – une demande du Conseil national des barreaux – contre l'avis du parquet national financier.

Les sénateurs, divisés sur la question, ont suivi le rapporteur Philippe Bonnecarrère (Union centriste) qui ne voulait pas créer de «paradis fiscalo-judiciaire français» en prévoyant une exception au secret professionnel en cas de fraude fiscale ou de corruption.


Un «danger» qui pèserait sur le secret professionnel


Aujourd'hui, ce sont les avocats qui sont vent debout et qui en appellent au gouvernement car, entre temps, le ton est monté entre le ministre de la Justice et le Conseil national des barreaux qui représente 70.000 avocats en France.

«Le secret professionnel ne peut pas être la variable d’ajustement d’une justice dépourvue de moyens pour lutter efficacement contre la délinquance financière», ont dénoncé de grands noms de la profession dans une tribune publiée par Le Monde (lire la tribune).

En réaction à l'amendement du Sénat, Éric Dupond-Moretti proposait soit que le gouvernement porte à son tour un «amendement de clarification», soit «aucun amendement», soit «un amendement de suppression totale» de l’article concerné. En sachant qu'à ce stade, toute modification du texte par le gouvernement nécessite l'aval des deux chambres.

Consultés par le CNB, les avocats se sont prononcés en faveur de la dernière option proposée par le garde des Sceaux, préférant, à tout prendre, une suppression complète : «l’article tel qu’il est rédigé fait peser plus de danger sur le secret professionnel qu’il n’améliore les choses», indique le CNB.

Dans ce contexte, les avocats étaient appelés à manifester partout en France ce mardi 16 novembre 2021 à 13 heures 30, moment où débutait l'examen à l'Assemblée nationale de la loi Dupond-Moretti, avant son retour au Sénat le 17 novembre.

«Ce secret ne bénéficie pas aux avocats mais aux citoyens, à la démocratie»


Ce mardi, à l'heure dite, une cinquantaine de robes noires sont rassemblées devant la Cité judiciaire de Dijon à l'appel du bâtonnier Stéphane Creusvaux face à «[des] atteintes graves au secret professionnel, évoquant une évidente atteinte aux principes démocratiques et à l’État de droit». À noter que le barreau de Dijon recense 350 avocats.

«Nos institutions se sont mobilisées», rappelle Stéphane Creusvaux en s'adressant aux avocats présents avant de lire un texte de la Conférence des bâtonniers (lire également la motion ci-dessous).

«Cette évolution suscite la plus totale désapprobation de la profession. Le secret ne peut être que plein et entier. Un secret partiel n’est plus un secret. Le secret de tous les échanges entre un avocat et son client est nécessaire dans une démocratie. Il est une des conditions de l’État de droit. Si ce qui est dit à l’avocat par son client peut être connu par quiconque, il n’y a plus de protection des libertés. La défense des personnes poursuivies devient impossible. Ce projet de texte pose des difficultés au niveau constitutionnel et européen. De nombreuses personnes contestent cette évolution, qui est un recul de l’État de droit. Ce secret ne bénéficie pas aux avocats mais aux citoyens, à la démocratie. La Conférence des bâtonniers rappelle que le bâtonnier est le garant du secret professionnel et qu'il doit intervenir pour le protéger dans toutes les perquisitions où il pourrait être en cause. Par ailleurs, la suppression du deuxièmement de l'article 56-1-2 du Code de la procédure pénale est nécessaire à l'effectivité du secret professionnel. La Conférence des bâtonniers demande donc avec la plus grande des fermetés que le gouvernement présente un amendement à l'Assemblée nationale à l'occasion du vote du texte qui interviendra ce jour afin que soit respecté pleinement le secret professionnel».

Pour sa part, Céline Brey lit ensuite le communiqué du Syndicat des Avocats de France (lire ci-dessous).

Le secret professionnel des avocats, une «règle fondamentale»


Représentant la Ville de Dijon, Nadjoua Belhadef (PS), adjointe au maire, explique en marge des interventions que «les questions de justice nous interpellent tous les uns les autres».

«Il est important de faire respecter des règles fondamentales de secret professionnel, je crois que c'est valable pour beaucoup d'autres professions, et il est de notre devoir de garder nos acquis. Comme l'a souligné le bâtonnier, il existe des textes pour répondre à ces questions de fraude fiscale», poursuit l'adjointe qui soutient la démarche des avocats.

«La frontière entre le conseil et la défense est très ténue»


Alors que le rassemblement se termine, Stéphane Creusvaux renouvelle la demande que «l'ambiguïté de ce texte, d'une part, et puis l'atteinte portée au secret professionnel puissent être supprimées pour que le secret conserve sa portée pleine et entière».

«Par définition, la frontière entre le conseil, d'une part, et la défense, d'autre part, est très ténue. Vous avez nécessairement des dossiers où vous êtes sur les deux. (…) Cela ne concerne évidemment pas que les dossiers de fraude fiscale ou de blanchiment – comme on a voulu nous le présenter – très clairement, on pourra être en difficulté aussi sur les dossiers de droit commun qui pourraient faire aussi l'objet de ce texte», analyse le bâtonnier.

Encadré par la loi, la violation du secret professionnel peut entraîner des sanctions allant jusqu'à un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.

Jean-Christophe Tardivon


Communiqué du Syndicat des Avocats de France du 14 novembre 2021 :

MOTION SUR LE SECRET PROFESSIONNEL
PAS DE LEGITIME DEFENSE SANS LEGITIME CONSEIL

Lors de son arrivée au Gouvernement, le garde des Sceaux avait fait connaitre sa volonté de renforcer la protection législative du secret professionnel de l’avocat pour mettre fin aux atteintes répétées qu’il subissait.

Ce qu’il annonçait comme une reforme fondatrice s’achève en naufrage.

Si le texte adopte par la commission mixte paritaire contient certaines garanties au service de l’exercice de la défense, il sacrifie le secret dans l’exercice de la mission de conseil.

En certaines matières, et particulièrement économiques et financières, le projet prévoit que les conseils dispensés par l’avocat ne seront pas couverts par le secret.

L’inquiétude est d’autant plus grande que ces exceptions pourraient demain s’étendre a de nombreux domaines.

Plus grave encore, en toute matière, le secret ne pourra être oppose si les conseils de l’avocat ont permis, de façon non intentionnelle, la commission, la poursuite ou la dissimulation d’une infraction, et ce sans qu’il ne soit plus nécessaire qu’il soit lui-même personnellement mis en cause.

Ces restrictions sont d’autant plus inquiétantes que la Cour de cassation maintient une vision restrictive de la défense, considérant que toute activité antérieure a la mise en cause du justiciable relève du domaine du conseil.

Le SAF réuni en Congrès :
- réaffirme que les activités de conseil et de défense sont indissociables et qu’il n’existe qu’un seul secret professionnel ;
- réaffirme que le secret professionnel ne constitue pas un privilège au profit des avocats, mais une garantie au service des citoyens ;
- rappelle que le secret professionnel ne peut évidemment pas protéger l’avocat lui-même auteur ou complice d’une infraction ;
- réaffirme que le secret est la condition de l’indispensable confiance entre un avocat et son client, laquelle détermine l’effectivité de l’exercice de ses droits.

En conséquence, le SAF appelle les consoeurs et confrères a se rassembler devant les cours et les tribunaux le 16 novembre a 13h30 et a rejoindre, le lendemain, la manifestation organisée devant le Sénat a 13h30.

Communiqué de la Conférence des bâtonniers du 15 novembre 2021 :

MOTION SUR LE SECRET PROFESSIONNEL DE L’AVOCAT
 
L’Ordre des avocats de DIJON, son bâtonnier  Stéphane CREUSVAUX, suites aux oppositions manifestées par la Conférence des bâtonniers :
 
Connaissance  prise  du  projet  de  loi  pour  la  confiance  dans  l’institution  judiciaire  issu  de  la  Commission  mixte paritaire et de l’accord intervenu au sujet notamment du secret professionnel de l’avocat, projet qui a pour effet de rendre ce secret inopposable en certaines matières,
 
FAIT  PART  DE  SA  PLUS  TOTALE  DESAPROBATION  quant  à  cette  réduction  totalement  injustifiée  du  secret professionnel de l’avocat dont l’unicité, qui concerne la défense et le conseil, résulte déjà de l’article 66-5 de la loi n° 71- 1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme des professions judiciaires et juridiques, et permet à  la  République  française  d’honorer ses engagements  internationaux en  se  conformant  aux  principes  de  la Convention européenne de sauvegarde des libertés et droits fondamentaux tels qu’interprétés par les juridictions nationales et européennes,  
 
REFUSE que le secret professionnel de l’avocat, dont les bâtonniers sont aussi les garants, puisse faire l’objet de négociation dans une société démocratique car il en constitue l’un des piliers en garantissant  la  suprématie  de l’Etat de droit sur l’Etat de police,
 
S’INQUIETE  de  la  dégradation  des  libertés  publiques  et  des  droits  fondamentaux  qui  va  nécessairement  en découler,
 
RAPPELLE que le secret professionnel de l’avocat, que celui-ci ne détient jamais pour lui-même mais au regard de son rôle dans une société démocratique, ne saurait connaître une exception aussi intolérable qu’injustifiée pour l’activité de conseil en matière fiscale et en matière de délits financiers, alors que cette exception est actuellement envisagée par le gouvernement et le législateur, et ce, même si l’avocat n’a pas participé à la commission des infractions poursuivies à l’encontre de son mandant,
 
S’INSURGE  contre  le  compromis  issu  de  la  Commission  mixte  paritaire  qui  opère, en l’état de la rédaction de l’article 56-1-2, 1° du code de procédure pénale, une confusion inacceptable entre d’une part les pièces d’un justiciable susceptibles de faire l’objet d’une saisie dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une information, parce que non couvertes par le secret professionnel de l’avocat, et, d’autre part, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères, à l’exception pour ces dernières de celles revêtues de la mention « officielle », les notes d’entretien, les agendas, cahiers de messages téléphoniques, et plus largement, toutes les pièces du dossier qui sont couvertes par le secret professionnel prévu et garanti par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 précitée,
 
CONSTATE  avec effarement l’aberration juridique que ce même projet de texte vise à créer en son 2°, pour l’avocat, par l’avènement d’une situation de complicité non intentionnelle de celui-ci permettant d’exclure le secret professionnel,
 
ALERTE sur le fait que, par cette rédaction imprudente, les autorités de poursuite pourront, sur la seule existence d’une enquête en matière fiscale ou en matière de délit financier, saisir à l’occasion de perquisitions, la totalité des pièces  de  son  dossier  et,  sur  la  seule  allégation  de  l’existence  de  ces  mêmes  délits,  procéder  à  l’écoute téléphonique du cabinet d’avocat et à la saisie de tous ses outils numériques, sans que pour autant il puisse être fait grief à l’avocat d’une quelconque participation aux faits reprochés à son mandant,
 
DEMANDE  instamment  et  solennellement  au  gouvernement,  en  application  de  l’article  45,  alinéa  3  de  la Constitution, de présenter un amendement de suppression des dispositions précitées afin de rétablir la lettre et l’esprit du texte initial visant à garantir le secret professionnel de l’avocat tant en matière de défense que de conseil.




















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