
«La justice a fait la preuve qu'avec un peu plus, elle pouvait faire beaucoup mieux», a déclaré Olivier Caracotch dans un propos très revendicatif, tenu, ce jeudi 30 janvier, en présence du ministre Gérald Darmanin.

L'audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire de Dijon s'est tenue en présence du ministre de la Justice Gérald Darmanin, ce jeudi 30 janvier 2025 (
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Après l'ouverture de la séance par la présidente du tribunal Nathalie Poux (
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Le procureur, «funambule de la République»
D'emblée, Olivier Caracotch souligne les «injonctions contradictoires» venant de la société à l'égard du service public de la justice ainsi que la «noblesse» d'une responsabilité publique.
Sur le fil ainsi constitué, le magistrat du parquet se sent comme un «funambule de la République» : «il nous faut toujours apporter des réponses de plus en plus fermes aux actes de délinquance mais aussi veiller à la régulation carcérale et lutter contre un surencombrement des prisons toujours plus préoccupant, être de plus en plus rapide mais avec des services d'enquête qui peinent parfois à mobiliser des énergies suffisantes sur le judiciaire et avec des moyens qui font encore trop souvent défaut, chercher une vérité toujours plus complexe, technique, voire scientifique mais limiter drastiquement les frais de justice dans un contexte budgétaire qui nous y contraint, défendre les libertés individuelles comme la Constitution nous y oblige mais assurer l'efficacité de l'enquête et affirmer l'autorité de la puissance publique comme la situation sociale nous le demande».
«La réforme du statut du parquet est essentielle»
«Cette mission s'exerce dans un flou qui s'est épaissi, parfois à l'aveugle», déplore le parquetier. «La réforme du statut du parquet [est] essentielle : le magistrat du parquet français ne sait plus qui il est. Autorité judiciaire : oui ou non ? Quand la Cour de cassation dit oui, la Cour européenne des droits de l'Homme dit non, quand ce n'est pas l'inverse.»
«Une décision que nous prenons aujourd'hui sur la localisation du téléphone d'un trafiquant de stupéfiants pourra être remise en cause par un jugement rendu demain, dans un mois, dans un an. Jugement motivé sur ce statut du parquet et qui viendrait mettre à plat toute la procédure bâti à la suite d'acte d'investigation aujourd'hui mais rendu incertains par le manque de clarté de statut juridique de celui qui a pris la décision initiale», exemplifie-t-il.
Le poste de magistrat référent pour les stupéfiants est vacant
Tout en constatant le «soutien sans faille» de la cour d'appel, le parquet du tribunal judiciaire constate que 12% des postes sont vacants dont celui du magistrat référent pour les stupéfiants.
«Cette priorité de politique pénale absolue pourra-t-elle bénéficier d'un effectif stable et dédié ?» demande Olivier Caracotch s'adressant à Gérald Darmanin qui a annoncé que 100 magistrats supplémentaires seront recrutés dans toute la France pour lutter contre le narcotrafic.
«La justice a fait la preuve qu'avec un peu plus, elle pouvait faire beaucoup mieux»
Concernant le budget du ministère qui a été augmenté ces dernières années, «la justice a fait la preuve qu'avec un peu plus, elle pouvait faire beaucoup mieux».
En 2024, le parquet de Dijon a traité environ 30.000 dossiers dont 30% ont reçu une suite. En quatre ans, le nombre de jugements en correctionnelle rendus a augmenté de 25%, cela malgré le déploiement des alternatives pénales comme les procédures amiables.
Dans les cas d'actes de délinquance les plus importants, les déferrements devant le parquet avant jugement ont augmenté pour atteindre 30% des décisions correctionnelles contre 20% il y a quatre ans.
Près de 40% des détenus de la maison d'arrêt de Dijon sont impliqués dans un trafic de stupéfiants
En 2025, en lien avec la circulaire du ministère de la Justice du 27 janvier dernier et les attentes de la cour d'appel, les traitements du narcotrafic et des violences faites aux personnes seront prioritaires.
Et de rappeler que, lors de l'opération «Place nette XXL» menée à Dijon en mars 2024, un tiers des personnes placées en garde à vue relevaient d'infractions à la législation sur les stupéfiants (
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Depuis, «pas une journée ne s'est passée sans l'interpellation d'un vendeur de stupéfiants, d'une nourrice, d'un livreur, d'un guetteur, en zones urbaines comme en zones rurales», insiste le procureur de la République.
Fin 2024, 38,3% des détenus de la maison d'arrêt de Dijon étaient impliqués dans un trafic de stupéfiants. À mettre en perspective avec le fait que cette population de personnes incarcérées ne représente que 7% de la réponse pénale.
«La confiscation des avoirs des trafiquants est l'axe majeur de lutte»
En 2024, plus d'un million d'euros d'avoirs criminels ont été saisis dans la juridiction, trois fois plus qu'en 2023.
«La confiscation des avoirs des trafiquants est l'axe majeur de lutte que nous devons mener contre eux», remarque Olivier Caracotch, «c'est par là que leurs sont portés les coups les plus rudes». Objectif en 2025 : «intensifier les saisies pour que le trafic de stupéfiants ne paie plus».
«Soyez assuré de l'engagement sans faille du ministère public, ici comme ailleurs, dans les combats que vous entendez mener pour renforcer la justice de notre pays et restaurer la confiance en son action», conclut le procureur de la République en s'adressant directement au garde des Sceaux.
Jean-Christophe Tardivon



