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30/09/2021 19:28

JUSTICE : Une réforme pour «sanctionner et mieux éduquer les mineurs délinquants, protéger la société»

Ce jeudi 30 septembre, jour même de l'entrée en application de la réforme du Code de justice pénale des mineurs portée par Éric Dupond-Moretti, le procureur de la République et le président du tribunal judiciaire de Dijon en ont décrypté les principaux enjeux.
«S'agissant des mineurs, la sanction sans éducation n'est qu'une machine à récidive», a déclaré dans un communiqué le ministre de l'Intérieur, Éric Dupond-Moretti, à propos d'une «réforme historique» visant à «rapprocher l'intervention judiciaire du passage à l'acte».

C'est un des principaux enjeu de la réforme de la justice pénale des mineurs qui entre en application ce jeudi 30 septembre 2021 : contraindre de juger la culpabilité d'un enfant délinquant en trois mois quand, auparavant, le délai pouvait atteindre trois ans.

«La Justice des mineurs se dote enfin d’un texte clair»


La justice des mineurs reposait sur une ordonnance prise au sortir de la Seconde Guerre mondiale par le général de Gaulle le 2 février 1945. Les modifications et ajouts s'étaient depuis empilés et le traitement judiciaire de l'enfance souffrait d'incohérences.

«Grâce à notre majorité, la Justice des mineurs se dote enfin d’un texte clair, de procédures modernisées qui permettront de sanctionner et de mieux éduquer les mineurs délinquants, et de protéger la société», a insisté Éric Dupond-Moretti.

Un jugement en deux temps dans une limite de douze mois


Le chantier était en cours depuis dix ans. Il aboutit au Code de la justice pénale des mineurs (CJPM). La principale mesure est la «césure» du jugement qui se fera en deux temps. Un premier jugement statuera sur la culpabilité en trois mois maximum. L'enfant et sa famille pourront prendre conscience de cette culpabilité et de la portée des actes commis. Les victimes pourront commencer à être indemnisées.

Un second jugement définira la sanction après une mise à l'épreuve éducative pouvant durer de six à neuf mois. Sous le contrôle du juge, le mineur sera pris en charge à l’aide d’une mesure éducative unique - incluant des modules réparation, insertion, santé et placement – s’adaptant au parcours du mineur et pouvant être prolongée jusqu’à ses 21 ans si besoin.

Ainsi en douze mois maximum, le jugement sur la sanction sera prononcé à l’issue de la mise à l’épreuve éducative. Le juge prendra en compte les faits commis mais également les progrès accomplis par le jeune et pourra prononcer des peines à vocation éducative (stages, travaux d’intérêt général).

Une réforme attendue «depuis longtemps»


Le jour même de sa mise en application, des représentants du ministère de la Justice ont décrypté la réforme à la Cité judiciaire de Dijon. Étaient présents Olivier Caracotch, procureur de la République de Dijon, Déborah Cosson, vice-procureure, Bruno Laplane, président du tribunal judiciaire de Dijon, et Jean-Philippe Michaud, directeur territorial de la Protection Judiciaire de la Jeunesse pour la Côte-d'Or et la Saône-et-Loire.

«Cette réforme du code de justice pénale des mineurs est attendue depuis longtemps», déclare d'emblée Bruno Laplane. Le président du tribunal rappelle que, dans l'esprit de l'ordonnance de 1945, la justice des mineurs a deux volets, pénal et civil. Il s'agit à la fois de punir le délinquant mais également de le protéger en établissant une primauté de l'approché éducative. En effet, un mineur délinquant peut lui-même relever de l'enfance en danger.

Bruno Laplane précise que les affaires criminelles ne sont pas concernées, elles sont jugées par la cour d'assise des mineurs.

Chaque année, des poursuites pénales concernant 400 enfants


En Côte-d'Or, en moyenne, chaque année ce sont 1.400 procédures pénales qui mettent en cause au moins un mineur (en dehors des contraventions simples) pour des crimes, des délits ou des contraventions graves (concernant des violences ou des dégradations).

Parmi ces procédures, 1.000 font l'objet d'un classement sans suite dont deux tiers opérés après une alternative aux poursuites (une mesure pour mettre en place une forme de sanction : réparation pénale, médiation, réparation de la victime, suivi d'un stage de citoyenneté...).

Les procédures pénales amènent les juges des enfants du département à diligenter plus de 300 poursuites concernant en cumulé plus de 400 mineurs chaque année.

«Une réponse plus rapide et plus personnalisée»


Selon Olivier Caracotch, la réforme du CJPM permet de «passer d'une logique du traitement de la procédure à une logique du traitement de la situation du mineur» car «on change le mode de traitement pour apporter une réponse qui sera plus rapide et plus personnalisée et plus rapide pour la victime».

Pour préparer l'application de cette réforme concernant les crimes et délits à compter du 30 septembre, les acteurs de la justice ont dû conduire un travail de résorption des stocks de procédures en cours de janvier à juin derniers. 146 dossiers ont été réorientés avec le renfort d'un juge et d'un greffier placés.

Accompagnement d'un avocat sans exception


Pour sa part, Déborah Cosson insiste sur le fait que le CJPM prévoit qu'un enfant n'est capable de discernement qu'à partir de 13 ans. C'est à dire qu'il n'y a pas de réponse pénale possible pour un mineur de 13 ans, ce qui amène à un classement sans suite.

En revanche, une exception est prévue : le code introduit la possibilité de renverser cette présomption d'absence de discernement par le biais d'actes d'enquête (comme une expertise psychologique, une déclaration des parents...).

Autre nouveauté : un mineur qui est entendu hors garde à vue devra obligatoirement être assisté d'un avocat. «C'était la règle, il y avait des exceptions, elles ne sont plus aujourd'hui possible. (…) C'est un grand changement pour nous et les avocats», signale la vice-procureure.

Une continuité des acteurs de la procédure


Dans le cadre de la nouvelle architecture du jugement, il est souhaité que le juge des enfants qui va se pencher sur la situation d'un mineur soit toujours le même tout au long de la procédure. Idem pour l'avocat, les parquetiers et les éducateurs. Des juges d'instruction et des juges des libertés et de la détention seront spécialement chargés des affaires des mineurs. «Le mineur n'est pas un délinquant comme les autres», insiste Déborah Cosson.

La vice-procureure reconnaît «des efforts d'organisation très importants» pour appliquer cette réforme quand Bruno Laplante évoque un véritable «challenge» alors que «cette exigence fait sens en termes de qualité de la réponse pénale des mineurs». Pour cela, le parquet recourt à de nouveaux outils informatiques pour piloter les audiences.

«Le travail éducatif est mené à partir de l'audience de culpabilité jusqu'à l'audience de sanction»


Du point de vue de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la réforme du CJPM «réaffirme le primat de l'éducatif». En Côte-d'Or, la PJJ s'appuie sur le secteur public (avec des établissements gérés par des fonctionnaires de la justice) et sur le secteur associatif (l'Acodège gérant deux établissements : un service éducatif et un centre éducatif renforcé).

«Le travail éducatif est mené à partir de l'audience de culpabilité jusqu'à l'audience de sanction. Si le mineur a investi cette mise à l'épreuve éducative, le juge en tient compte», explique Jean-Philippe Michaud.

Le directeur de la PJJ insiste sur l'accompagnement aux soins – comme dans le cas d'addiction – permis par les différents modules de la mesure éducative judiciaire : insertion, réparation, santé, placement.

Contrairement à l'ordonnance de 1945 qui ne permettait de proposer une mesure de travail d'intérêt général (TIG) qu'à l'issue du jugement, le CJPM prévoit de pouvoir proposer une mesure de composition pénale sous la forme d'un travail non rémunéré (TNR). Cela pour que «le mineur fasse bien le lien entre le délit et la réponse qui a été apportée».

Jean-Christophe Tardivon

Chiffres clés de la justice des mineurs en Côte-d'Or
Effectif de fonctionnaires et d'agents :
4 juges des enfants
5 greffiers et un agent de secrétariat
2 parquetiers des mineurs
122 agents de la PJJ dont :
70 éducateurs
9 psychologues
2 assistants de service social
5 professeurs techniques
Activité civile et pénale :
Au tribunal judiciaire, 80% des audiences concernent des mineurs en danger, 20% des mineurs délinquants.
Dans les services éducatifs sont activés des mesures d'investigations civiles et pénales (469 MJIE et 146 RRSE), des mesures de milieu ouvert pénales (file active de 225 jeunes suivis), un dispositif de placement pouvant accueillir 30 mineurs dans un cadre pénal sécurisant et une Unité Éducative d'Activités de jour pouvant accueillir 24 mineurs sur des ateliers dont un restaurant pédagogique.

Le détail de la réforme et des exemples concrets dans le dossier du ministère de la Justice