
Le ministre du Logement a signé avec la Métropole de Dijon la première des conventions territorialisées destinées à relancer la production de logement social en 2024. «Nous avons besoin de souplesse pour retrouver le chemin de la construction», a revendiqué François Rebsamen, ce jeudi 9 novembre.

La toute première convention territorialisée pour le logement social a été signée entre le ministère du Logement et la Métropole de Dijon, ce jeudi 9 novembre 2023, à Dijon. Elle vise notamment à favoriser la construction de nouveaux logements sociaux.
Symboliquement, le contrat a été signé respectivement par Patrice Vergriete et François Rebsamen (PS, FP) au sommet de la Tour Elithis Arsenal, nouveau bâtiment à énergie positive offrant depuis son toit terrasse une vue d'ensemble sur l'agglomération dijonnaise.
Le logement, domaine réservé de la Fédération progressiste
Depuis que François Rebsamen a appelé à voter pour Emmanuel Macron dès le premier tour de la présidentielle de 2022, le secteur du logement apparaît comme un domaine réservé de la Fédération progressiste, parti fondé par le Dijonnais pour constituer une passerelle entre les sociaux-démocrates du PS et les sociaux-libéraux de Renaissance.
Se présentant volontiers comme un «maire bâtisseur», François Rebsamen s'est vu confier le soin de rédiger un rapport sur «la relance durable de la construction de logements», remis au Premier ministre Jean Castex, en septembre 2021.
Une fois Emmanuel Macron réélu, Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et membre de la Fédération progressiste, a été désigné ministre de la Ville et du Logement. Dijon et Chenôve ont figuré rapidement sur la carte de ses déplacements officiels (
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C'est un autre adhérent de la Fédération progressiste qui lui a succédé, le 20 juillet dernier : Patrice Vergriete, alors maire de Dunkerque (Nord). En revanche, le portefeuille a été scindé en deux : d'un côté, la politique du logement portée par le progressiste, de l'autre, la politique de la ville, confiée à Sabrina Agresti-Roubache, proche des Républicains des Bouches-du-Rhône.
Si François Rebsamen considère cette organisation plus «efficace» que la précédente – la politique de la ville s'étendant au-delà du champ de la construction –, on peut néanmoins supposer qu'il aurait préféré que le portefeuille de la Ville revienne également à un membre de la Fédération progressiste.
Découverte du quartier de l'Arsenal
Ce jeudi, Patrice Vergriete est accueilli par François Rebsamen sur le parvis de la Minoterie, au pied de la Tour Elithis Arsenal. Le président de la Métropole de Dijon est entouré notamment de Frédéric Carre, secrétaire général de la préfecture de la Côte-d'Or, Didier Martin (REN), député de la Côte-d'Or, Vincent Thomas, président de l'université de Bourgogne, de plusieurs élus locaux ainsi que de représentants de bailleurs sociaux et d'acteurs du secteur de l'immobilier.
Le quartier de l'Arsenal, ancienne friche militaire en cours de réhabilitation, est présenté au ministre.
Visite de terrain oblige, la déambulation débute par une interpellation à l'improviste effectuée par un habitant, au pied des «Villages d'or Turquoise», une résidence seniors sociale de CDC Habitat.
Avec une courtoisie teintée d'indignation, l'homme alerte sur «malfaçons» bâtimentaires et des problèmes de salubrité qu'il perçoit dans son nouveau lieu de vie. «Ce sont les personnes âgées qui en subissent les conséquences», proteste-t-il. Après avoir échangé quelques instants, François Rebsamen lui promet de reprendre prochainement contact pour se pencher sur les sujets évoqués.
La déambulation reprend agrémentée d'explications concernant notamment les maisons de ville «Belles Houses», la reconfiguration de la halle, la crèche Maison bleue, le jardin de l'Arsenal, la salle jeune public La Minoterie et enfin la Tour Elithis Arsenal.
Patrice Vergriete invite Elithis à Dunkerque
Dans l'appartement-témoin, Thierry Bièvre, président de l'entreprise d'ingénierie, présente les atouts de cette construction «zéro facture d'énergie» et «zéro énergie fossile» du fait de sa conception et de panneaux solaires photovoltaïques en toiture (
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Ingénieur de profil X-Ponts, Patrice Vergriete est sensible à l'argumentaire. «Venez à Dunkerque, vous avez du foncier qui vous attend», lance celui qui est également président de la communauté urbaine de Dunkerque, recensant plus de 190.000 habitants. Selon Thierry Bièvre, les équipes du groupe Elithis répondront favorablement à la main tendue.
Instauration de conventions territorialisées pour le logement social
Le 5 octobre dernier, à Nantes (Loire-Atlantique), en clôture du 83ème congrès de l'Union sociale pour l'habitat, organisme qui fédère les bailleurs sociaux de tout le pays, Patrice Vergriete a annoncé l'instauration de conventions territorialisées pour le logement social, d'une durée de trois ans.
Ces conventions affichent quatre objectifs : la production de logements sociaux et intermédiaires ; la rénovation du parc social existant, la mise en œuvre d'une politique de mobilité résidentielle dans le parc social ; le déploiement des personnels de proximité dans les immeubles ; et le développement des services aux locataires.
La première de ces conventions est donc signée avec la Métropole de Dijon. La collectivité s'engage ainsi à favoriser l'émergence de 4.800 logements sociaux de 2024 à 2026. «C'est la convention du volontarisme», réagit Patrice Vergriete, «nos concitoyens ont besoin de se loger».
Actualisé le 20 novembre 2023 :En marge du conseil municipal de Dijon, François Rebsamen a corrigé l'information apportée lors de la visite de Patrice Vergriete. Le plan local d'urbanisme de la Métropole de Dijon prévoit la construction de 4.800 logements de 2024 à 2026 dont 400 logements sociaux locatifs et 400 logements en accession abordable.
«Nous avons besoin de souplesse pour retrouver le chemin de la construction», revendique François Rebsamen
«Vous arrivez dans un territoire qui a la volonté de construire et de continuer à être bâtisseur», déclare François Rebsamen à l'adresse du ministre, «car nous savons les besoins de notre population, les attentes fortes qui existe pour toute catégorie de population». «Nous voulons construire une ville qui soit accessible pour tous, pour le plus grand nombre, y compris les gens les plus modestes.»
Et de rappeler qu'entre 2001 et 2019, la commune Dijon est passée de 11% à 20% de logements à loyer modéré, ce qui correspond à l'objectif fixé par la loi SRU dans la part de l'habitat.
«Si on sait faire de la mixité sociale dans nos villes, on peut avoir, tout à la fois, une population qui évolue en nombre et une ville qui rayonne», revendique le socialiste. «Nous avons besoin de souplesse pour permettre aux promoteurs, aux bailleurs de retrouver le chemin de la construction.»
Les Gilets jaunes, effet du modèle d'urbanisme de l'après-Guerre
«On ne peut offrir un logement décent, abordable aux Français qu'à partir du moment où on a des élus qui s'engagent, des maires, des présidents de Métropole qui ont compris qu'un territoire qui ne construisait plus est un territoire qui commençait déjà à mourir», enchaîne Patrice Vergriete.
«On est à un moment charnière de la façon dont on a pensé nos territoires urbains depuis maintenant 70 ans. On a construit des villes pour un pétrole pas cher. On a finit par faire sortir toute une partie de la population, en particulier les catégories populaires, les catégories moyennes des centralités, des agglomérations, de leur emploi en réalité. On a finit par développer des modèles de ville où il faut habiter à 50 km, 70 km, parfois 100 km de son emploi, laissant ainsi des personnes totalement dépendantes du prix de l'énergie, notamment du prix des carburants. Après, on s'étonne qu'ils aient pris un gilet jaune et qu'ils se soient mis sur les ronds-points», développe le ministre.
Le ministre du Logement recherche des «alliés» parmi les maires
«Le but du jeu est de repenser nos villes, la façon dont on doit concevoir l'avenir du logement pour nos habitants. Cela passera nécessairement par une politique du logement beaucoup plus ambitieuse, beaucoup plus fortes à l'intérieur des murs de nos territoires urbains», poursuit Patrice Vergriete. «C'est quelque chose qui dépasse le logement social ; cela s'adresse finalement à toutes les catégories de logements.»
En fonction de quoi, le gouvernement cherche des «alliés» auprès de maires favorables à «la production de logements (…) à proximité des services et des emplois». D'où ces conventions territorialisées.
Favoriser les déménagements à l'intérieur du parc HLM
En France, parmi les 2,4 millions demandeurs d'un logement social, un tiers résidant déjà dans le parc social. À Dijon, on compte près de 10.000 demandes dont 4.000 résidents du parc social.
Le ministre insiste donc sur «la mobilité» interne au parc HLM : «il y a des bailleurs sociaux exemplaires en matière de politique de mobilité, qui savent accompagner les personnes parfois en sous-occupation, qui savent leur proposer proposant des logements plus petits et moins chers, qui savent même parfois payer le déménagement».
En clair, alors que de certains locataires de logements sociaux restent en place malgré une évolution favorable de leurs revenus – au prix d'un surloyer –, le ministre envisage plutôt des déménagements en fonction de l'évolution de la composition du ménage.
«On a un certain nombre de nos concitoyens qui vivent dans des logements sociaux qui ne sont plus adaptés à la taille du ménage. Tout simplement : on a une personne seule qui peut se retrouver dans un T3, finalement privant une famille d'un logement social qui est en attente», explique le progressiste.
En matière de services aux locataires, notamment dans les quartiers relevant de la politique de la ville, Patrice Vergriete fait sienne une ancienne démarche de la socialiste Marie-Noëlle Lienemann qui souhaitait instaurer «un gardien pour cent logements». «La mixité sociale, la capacité à vivre ensemble, c'est aussi ce personnel de proximité.»
«Il faut sortir les logements»
«La priorité, c'est de débloquer les opérations», pointe le ministre. «On connaît une crise de la production du logement majeure. (…) Il y a une crise macroéconomique, il y a l'inflation. (…) Il faut s'adapter. L’État a encore du reliquat de financement, il reste du [Fonds national d’aide à la pierre], il doit être mobilisé d'ici la fin de l'année. (…) Il faut sortir les logements. On ne va pas attendre deux ans que le prix du foncier baisse. (...) On va essayer de revoir les équilibres des opérations. On va déroger. On va mettre des moyens. C'est du volontarisme politique.»
Par ailleurs, alors que le nombre d'étudiants augmente notamment à Dijon, le ministère de Logement s'associe au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche pour déployer prochainement «un plan pour le logement étudiant» afin de «redonner la capacité à nos jeunes de pouvoir étudier dignement».
Une approche «territoire par territoire»
Toutefois, le membre du gouvernement se refuse à toute approche nationale en termes de quantité de logements, prenant ses distances face à la demande de l'Union sociale de l'habitat qui revendique la construction annuelle de 200.000 logements à loyer modéré.
Plutôt que de donner un objectif, qui pourrait être critiqué faute d'avoir été atteint, comme ce fut le cas ces dernières années, le ministre du Logement préfère dorénavant envisager la situation «territoire par territoire» : «il faut construire là où il y a des nécessités – la métropole dijonnaise en est un bon exemple – et rénover là où il y a déjà du bâti».
Une approche qui pourrait favoriser les dynamiques démographiques en cours et,
in fine, accentuer le phénomène de métropolisation pourtant décrié par les Gilets jaunes.
Jean-Christophe Tardivon


















































