
Le constructeur automobile a fait appel à une entreprise de Côte-d'Or pour développer un vélo utilitaire qui coche la plupart des cases de l'écoconception et du Made in France.

Le 22 septembre dernier, à Longvic, Thomas Coulbeaut, Geoffroy Roux de Bézieux et Frank Marotte ont salué «la
première initiative concrète de mobilités douces par Toyota en Europe».
Sous la marque Douze Cycles, l'entreprise côte-d'orienne Douze Factory produit un nouveau vélo-cargo biporteur électrique pour Toyota, le Cargo Verso, écoconçu et Made in France, vendu 6.190 euros.
Le premier constructeur automobile mondial se met ainsi aux mobilités douces. Le lien ? La décarbonation.
Le 22 septembre 2023, les représentants de Douze Factory et de Toyota France étaient présents à Longvic, en périphérie de Dijon, pour vanter les atouts de ce Cargo Verso, en quelque sorte le véhicule utilitaire en mode cycle, également capable de transporter de petits enfants avec une version équipée de ceintures de sécurité.
Douze Factory a investi 2 millions d'euros pour réaliser le Cargo Verso
Ingénieur en design industriel, Thomas Coulbeaut a fondé Douze Factory le 12 décembre 2012. Il en est le président-directeur général. Historiquement implantée à Ladoix-Serrigny, en périphérie de Beaune, l'entreprise compte désormais deux sites de production dans la zone industrielle de Longvic.
Douze Factory emploi 49 personnes. L'entreprise table sur un chiffre d'affaire de 9 millions d'euros en 2023 avec plus de 3.000 vélos vendus. Elle recrute «tous azimuts» des profils en mécanique, logistique, services commerciaux, finance ainsi qu'en recherche et développement.
L'entreprise conçoit des vélos-cargos sous la marque Douze Cycles ou pour d'autres marques. Elle fabrique et distribue la production de Douze Cycles dont les vélos sont distribués en Europe par 220 revendeurs, principalement en France, Belgique et Allemagne.
Pour réaliser le Cargo Verso commandé par Toyota, Douze Factory a investi 2 millions d'euros en 2022 dans une ligne de production flambant neuve installée dans un des bâtiments à Longvic dont l'entreprise est locataire.
Le premier Cargo Verso est sorti de l'usine début septembre dernier. Actuellement de 10 cycles par jour, assemblés à la main, la cadence doit prochainement monter en puissance pour atteindre 20 unités quotidiennes, soit 6.000 vélos par an.
Le marché du vélo est en plein boom
Après avoir eu recours à des cadres fabriqués à Taïwan, Douze Factory a cherché en 2020 des fournisseurs en France, compétitifs pour une production en série.
Il faut dire que le marché du vélo a explosé en dix ans. La France est passé de 46.000 cycles vendus en 2012 à 739.000 en 2022. Dans ce marché, les vélos-cargos profitent d'un effet d'entraînement et ont doublé les ventes entre 2021 et 2022 avec 33.000 unités écoulées cette année-là. En ce qui concernent les vélos électriques, ils représentent dorénavant 28% du volume et 61% de la valeur.
«Le Covid a provoqué une très forte demande pour le vélo-cargo»
«Le Covid a provoqué une très forte demande pour le vélo électrique et pour le vélo-cargo pour assurer les livraisons du dernier kilomètre», explique Thomas Coulbeaut. «Cela a créé une pénurie chez tous nos fournisseurs : on est passé de 3 mois de fabrication à 18 mois de délai pour obtenir des composantes, majoritairement fabriqués en Asie.»
Augmentation des matières premières, hausse des coûts de transport et taux de change défavorable avec l'euro finissent par rendre les vélos produits en Asie moins compétitifs.
Là, constatant également ce boom du vélo, Toyota se tourne vers Douze Factory – «référence française et européenne du vélo-cargo» – et lui demande de concevoir un cycle majoritairement produit en France.
Geoffroy Roux de Bézieux entre alors au capital pour apporter des fonds complémentaires via la holding d'investissement Notus Technologies et la SAS Cargos & Cie.
«On ne peut pas réindustrialiser à deux fois plus cher»
«Le cahier des charges était de concevoir une nouvelle génération de vélos-cargos basés sur les expériences et retours des utilisateurs que nous avions depuis une dizaine d'années, de produire en France de manière compétitive et d'écoconcevoir nos vélos», résume Thomas Coulbeaut.
«Il faut faire différemment de ce que font très bien les Asiatiques», explique l'entrepreneur en présentant l'exemple du cadre : «un cadre de vélo fabriqué en tubes est composé de beaucoup de pièces qu'il faut préparer individuellement et assembler avec de nombreuses soudures, c'est beaucoup de temps et de main-d’œuvre, donc il faut un cadre moulé, ce qui nécessite d'investir dans l'outillage».
«On peut imaginer un surcoût de 10-15% mais on ne peut pas réindustrialiser à deux fois plus cher», commente Geoffroy Roux de Bézieux.
«La première chose a été d'identifier de nouveaux procédés industriels permettant de mettre en forme et d'assurer les fonctionnalités dont on a besoin : moulage, thermoformage, injection...», se souvient Thomas Coulbeaut.
Une douzaine de partenaires aident à fabriquer les principales parties du Cargo Verso : fonderie et usinage d'aluminium recyclé réalisés près de Villefranche-sur-Saône (Rhône), capots en plastique recyclé injectés à Chalon-sur-Saône, pièces en aluminium extrudées à Châteauroux (Indre) ou encore peintures thermolaquées à Couchey.
Des opérations de pré-assemblages sont effectuées notamment à la maison d'arrêt de Dijon et par les travailleurs des ateliers adaptés de PROMUT.
«On est vraiment dans l'économie circulaire»
L'ADEME a accompagné l'entreprise pour mesurer l'impact environnemental des approvisionnements ainsi que de la chaîne logistique. Pour l'expédition, une structure scindée en deux a été retenue afin de faciliter le conditionnement dans un carton.
Une partie de l'aluminium provient du recyclage de Toyota Yaris et, en fin de vie, le cadre du vélo pourra lui aussi être recyclé. «On est vraiment dans l'économie circulaire», s'enthousiasme Geoffroy Roux de Bézieux.
Toyota est actionnaire de Yamaha Motor qui possède, près de Saint-Quentin (Aisne), une usine fabriquant des moteurs de mobylette et fabriquera prochainement les moteurs de Cargo Verso. La batterie, elle, restera Made in Japan.
Le vélo est conçu pour être réparable. Ainsi, il est possible de changer le moteur électrique si des innovations apparaissent.
Tout comme la Yaris, une fois le moteur réalisé à Saint-Quentin, le Cargo Verso pourra prétendre au label Origine France valorisant les produits composés, en valeur, de plus de 50% de pièces fabriqués en France.
«L’État français a contribué à cette réindustrialisation»
«Je suis entrepreneur dans un certain nombre de domaines, dont les vélos», rappelle Geoffroy Roux de Bézieux. «[Thomas Coulbeaut] a toujours fait des produits très innovants. Il a été l'inventeur de la direction par câbles qui a été très largement copiée mais jamais égalée par la plupart des grandes marques. (…) Il a aussi été l'inventeur du vélo en deux parties», expose-t-il pour justifier son intérêt pour Douze Cycles.
«L’État français, à travers l'ADEME, même s'il met un peu de temps à réagir, a contribué à cette réindustrialisation», signale celui qui fut le président du MEDEF national. «C'est un retour du Made in France.»
«La grande affaire de l'automobile, c'est la décarbonation»
«Faire des vélos-cargos, (…) pour un constructeur automobile, c'est un nouveau champ d'action qui est totalement inconnu», reconnaît Frank Marotte, PDG de Toyota France. «C'est à la fois ambitieux et extrêmement complexe à mettre en œuvre. On a essayé de le faire de la manière la plus professionnelle possible parce que, quand on s'appelle Toyota, on a des obligations de clients-utilisateurs.»
«La grande affaire de toute la société aujourd'hui et de l'automobile en général, c'est la décarbonation», explique-t-il, «sur ce sujet, Toyota a été précurseur bien avant qu'on en parle, qu'on le réglemente, qu'on le pénalise, quand on a lancé la Prius, il y a 25 ans».
«Pour décarboner, notre ambition, c'est explorer tous les champs d'action, à la fois technologique et produit», poursuit Frank Marotte, d'où, avec le Cargo Verso, «la première initiative concrète de mobilités douces par Toyota en Europe».
«La France a la volonté d'être très en avance sur la décarbonation, on a jugé qu'il était très important pour Toyota de participer à cela», ajoute le PDG de Toyota France. «La mobilité douce s'inscrit complètement dans un portefeuille produits que l'on souhaite élargir toujours au service de tous les nouveaux usages qui se développent.»
Un vélo utilitaire vendu dans les concessions Toyota
Le Cargo Verso sera proposé à la vente à 6.190 euros dans les 300 concessions automobiles Toyota en France. Les 1.200 conseillers commerciaux ont été formés sur le produit avant l'arrivée du nouveau cycle.
«On a une volonté stratégique très forte de professionnaliser cette partie-là du business vélo», indique Frank Marotte, «il s'agit de proposer à des professionnels, qui réparent leurs vélos une fois par mois pour les usages les plus intensifs, une infrastructure et un niveau de service qui doivent être tout à fait comparable à ce qu'on peut faire pour la gestion des flottes automobiles».
Les perspectives commerciales laissent supposer que 70% des ventes concerneront des professionnels et 30% des particuliers. Le constructeur automobile compte sur ses clients actuels d'utilitaire pour s'intéresser aux vélos-cargos, arguant d'«un gain de temps et de productivité» dans les déplacements et stationnements.
Entre la commande en concession et la livraison, Toyota assure que le délai est d'une semaine. Les accessoires pour le cycliste seront également proposés en concession.
Les acheteurs pourront accéder aux offres de financement de Toyota ainsi qu'au programme «Beyond Zero Academy» proposant gratuitement une demi-journée de formation à l'écoconduite et à la sécurité routière.
La possibilité de transporter trois enfants
Côté technique, le Cargo Verso est long de 2,75 m, il pèse 45 kg, il est prévu pour un cycliste affichant jusqu'à 100 kg sur la balance et mesurant entre 1,55 et 1,95 mètre.
Il est équipé de la direction par câbles, inventée par le fondateur de Douze Factory, qui présente une grande maniabilité. Son centre de gravité est «le plus bas de sa catégorie» pour favoriser la stabilité.
L'antivol est de série ainsi que les pneus Schwalbe Pick-up, spécifiques aux vélos-cargos, et les freins hydrauliques Tektro M750 à 4 pistons.
La vitesse maximale du moteur électrique Yamaha PW-X3 de 250 W est de 25 km/h. La capacité de la batterie est de 500 Wh. Amovible, elle se recharge en 4 heures sur une prise domestique. Toyota revendique une autonomie de 100 km.
Le plateau supporte 100 kg et le porte-bagages 25 kg. Le Cargo Verso est proposé avec un plancher simple, un plancher pour sangler deux caisses de 40x60 cm, une boîte de transport de 270 litres avec un
hard top en option, ou encore une caisse de transport avec des ceintures de sécurité trois points ou deux points et avec une protection contre la pluie en option.
Du côté de Toyota, on assure notamment qu'il est possible de transporter simultanément deux enfants dans la partie cargo et un autre enfant sur le porte-bagages.
Jean-Christophe Tardivon







































