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10/12/2023 17:28

MOBILITÉS : François Rebsamen lance «la bataille du rail» contre la SNCF

Les sujets liés aux TGV, TER et tramway ont été largement abordés lors de la réunion sur les projets de la Métropole de Dijon en 2024, ce mercredi 6 décembre. Le président de la collectivité a évoqué des «discussions âpres» avec le président de la SNCF concernant la liaison TGV Lille-Besançon.
Trois réunions pour un budget. À Dijon, Ouges et Talant, la Métropole de Dijon a programmé trois réunions d'information des citoyens concernant son budget primitif 2024 qui sera voté le 21 décembre prochain.

La première de ces réunions s'est tenue, ce mercredi 6 décembre 2023, dans la salle des États du palais des ducs de Bourgogne en présence de près de 250 personnes dont de nombreux élus dijonnais et plusieurs maires de communes de la Métropole.

Après un propos d'un peu plus d'une heure concernant effectivement le budget et les priorités de la collectivité, François Rebsamen (PS, FP), président de Dijon Métropole, a répondu durant 45 minutes aux interrogations de citoyens notamment sur les sujets de mobilités.


«Dijon s'est développée parce qu'on avait le chemin de fer»


«Dijon était historiquement une ville cheminote avec un réseau de voies ferrées très important dans les années 1850, au temps du développement du chemin de fer avec l'ingénieur Darcy et autres», rappelle François Rebsamen. «Dijon s'est développée parce qu'on avait le chemin de fer, c'est notre chance de toujours.»

«Il y a un réseau de transport dans la région important, où des efforts ont été fait en matière de TER, c'est indéniable. Ce que la Région n'a pas encore fait, (…) c'est qu'on devrait avoir autour de la capitale régionale – la seule Métropole (...) –, là où il y a des gares, des pôles multimodaux à 20 km de Dijon, à Is-sur-Tille, à Genlis, du côté de Sombernon (...), à Nuits-Saint-Georges, etc. Il pourrait y avoir également du covoiturage. Pourquoi pas (…) des vélos électriques !?», développe le président de la Métropole. «Il y a quand même entre 16 et 18 trains par jour entre Besançon et Dijon, c'est très bien.»

«L'aménagement du territoire écologique, c'est indispensable demain», reprend l'orateur, «j'appelle de mes vœux à ce qu'il y ait une réflexion commune, Métropole et Région, communautés urbaines aussi [NDLR : Besançon et Creusot-Montceau]».

« Si l'inflation continue », le ticket du réseau Divia à 1,40 euro augmentera


À une question sur une éventuelle gratuité dans les transports en commun métropolitain, «il y a un débat entre les autorités organisatrices des transports», répond François Rebsamen.

«Le maire de Montpellier a pris l'engagement de faire la gratuité des transports. Il a été élu là-dessus. (…) Je ne vois pas bien comment on pourrait se priver, nous ici, (…) de 20 millions [d'euros] de recettes. Ça nous permet encore d'avoir un ticket à 1,40 euro qui doit être un des cinq moins cher de France et on n'a pas profité de l'inflation pour l'augmenter. On va être obligé de le faire à un moment. Ça ne va pas rester à 1,40 euro tout le temps parce que l'inflation continue», indique tout d'abord le président de la collectivité.

À l'issue de la réunion, François Rebsamen précisera son propos : «avec une inflation à 7%, on a fait des efforts formidables pour maintenir à 1,40 euro. Il est toujours à 1,40 euro. Il n'y a aucune délibération qui envisage de l'augmenter mais si l'inflation continue, un jour, il augmentera, comme tout, comme le prix des journaux».

Vers la gratuité du réseau Divia le week-end pour les étudiants


«[Dijon] est une ville en développement, (…) on a 1.500 habitants supplémentaires par an – mais Montpellier accueille 20.000 nouveaux habitants chaque année !», souligne l'orateur. «Je crains que, si on fait [la gratuité], on ne pourrait pas entretenir, pas développer notre réseau de transport. Il faut entretenir et renouveler le matériel, préparer l'avenir. (…) Mais on a fait des avancées. (…) Les navettes de centre-ville, ce sont des transports gratuits. (…) Pour les étudiants, on a fait la gratuité en été, tous les-week-ends.»

Et de faire une annonce : «on va faire l'étude, on va voir ce que ça coûte. (…) Je crois que si on pouvait faire la gratuité pour les étudiants le week-end, ça serait quand même une belle avancée. Mais il faut que je calcule combien on va perdre de recettes malheureusement. Je pense que c'est attendu par les étudiants. (…) On va regarder ce que ça coûte et on va en reparler à la prochaine réunion».

«A contrario, ça nous permet d'avoir des politiques sociales tarifaires. Si tout est gratuit, il n'y a plus besoin d'avoir des politiques sociales tarifaires. Il faudrait tout remettre à plat», anticipe le socialiste.

Là aussi, François Rebsamen précisera les étapes de la démarche : «je vais faire une étude pour savoir ce que ça nous coûte de mettre la gratuité pour les étudiants dans les transports le week-end. Avant, sur les 20 millions de recettes, je veux savoir ce que je vais perdre comme recettes. (…) Il faut que j'arrive à convaincre les autres maires de la Métropole».

Concernant la liaison TGV Lille-Dijon-Besançon, «le président de la SNCF ne veut rien entendre»


Le sujet inspirant décemment les participants, une troisième question concerne une nouvelle fois les mobilités : après les TER et les bus ou tramways, les dessertes TGV !

«Le président de la SNCF ne veut rien entendre», peste François Rebsamen à propos de sa demande de rétablir la liaison Mulhouse-Lille via Besançon, Dijon, Montbard, Marne-la-Vallée et Roissy-Charles de Gaulle (voir la pétition).

«On manque de TGV, Alstom n'a pas fourni assez de TGV, Alstom fournit surtout des TGV pour l'Italie et l'Espagne parce qu'ils les achètent plus chers et la SNCF n'en aura pas que cinq ou six cette année. Dans deux ou trois ans, ils vont avoir à nouveau des TGV», signale-t-il.

Une possibilité pour laquelle la SNCF réclamerait 12,4 millions d'euros par an


«Il y a une possibilité que la SNCF étudie : il y a 18 TGV qui font Lille-Montpellier chaque jour. (…) L'idée est de dire : le TGV qui part le matin de Lille  est double – deux TGV simple –, il y en a un qui se décroche à Roissy et fait Marne-la-Vallée – c'est des correspondances pour l'ouest de la France –, Montbard, Dijon, Besançon, pour Mulhouse, on verra», explique-t-il.

«Ça nous semblait intéressant (…) qu'on puisse l'aller-retour dans la journée entre Dijon et Lille. Quand Monsieur Farandou m'a présenté cette proposition, j'ai dit ''oui''», relate François Rebsamen [NDLR : Emmanuel Macron a nommé Jean-Pierre Farandou président du directoire de la SNCF en 2019 après avoir fait toute sa carrière, depuis 1981, au sein du groupe SNCF].

Et François Rebsamen de rapporter la teneur de leur discussion : «là, il me dit, ''ça va coûter à la Ville de Dijon 12,4 millions d'euros de fonctionnement chaque année. (…) Tous les TGV qui ne sont pas rentables, on va les faire payer maintenant''».

Un propos qui rejoint l'analyse des syndicats ferroviaires qu'ils ont notamment exposée dans leurs critiques de la libéralisation du secteur ferroviaire voulue par l'Union européenne et qui se manifeste notamment par leur opposition à l'ouverture à la concurrence des TER en Bourgogne-Franche-Comté (lire notre article).

«Si la SNCF ne bouge pas, il faudra bouger le directeur de la SNCF»


«On a commencé par prendre un bureau d'études pour estimer ce que cela pourrait coûter», poursuit le président de la Métropole de Dijon. «Au lieu de 12 millions [d'euros], on est à 6 millions [d'euros]. (…) Il entre dans le coût l'amortissement des futurs TGV, c'est des calculs incroyables. J'ai dit ''ok'', on ne le fera pas en 2024 parce que si on le fait en 2024, vu qu'il va y avoir des travaux sur la ligne entre le mois d'août et l'ouverture des journées de l'OIV, ils vont nous dire ''ça ne fonctionne pas'' parce que faut du temps pour réhabituer les gens à prendre le TGV, à aller à Lille ou de Dijon à Lille. Il y a encore des travaux à faire l'année prochaine, très lourds, sur le tunnel de Blaisy-Bas, etc. Donc ça va être dégradé l'année prochaine. S'il l'avait rétabli en 2024 – à condition qu'on trouve un accord financier –, je suis sûr qu'il aurait dit fin 2024 : ''voyez, ça ne fonctionne pas et donc on va le couper définitivement.»

«C'est une bataille ! C'est la bataille du rail que nous menons avec le soutien de tout le monde», résume le socialiste, en référence au film de de 1946 du réalisateur René Clément, exaltant la résistance des cheminots français durant l'Occupation. «Il y a eu 25.000 signatures, le monde économique, le ministre [des Transports] saisi, la Première ministre concernée. Je ne peux pas faire plus. Je ne lâche pas le président de la SNCF, que je connaissais bien, avec qui j'avais des relations amicales qui se sont fortement dégradées depuis. (…) C'est quand même une grande entreprise française qui fonctionne avec des crédits publics. Quand il veut faire du fret, il se tourne vers l’État. (…) On est en discussions, âpres, dures, et j'espère qu'on va l'emporter car c'est important pour la Métropole et autour.»

Preuve de ces relations «dégradées», le 23 novembre dernier, lors d'une session du conseil métropolitain, devant les élus, François Rebsamen avait déclaré après avoir réalisé un exposé similaire : «si la SNCF ne bouge pas, il faudra bouger le directeur de la SNCF».

Jean-Christophe Tardivon

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