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28/01/2022 03:28

MOBILITÉS : «La présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté participe à la balkanisation du réseau ferroviaire national»

Près de 400 personnes ont manifesté à Dijon pour contester l'ouverture à la concurrence des TER en Bourgogne-Franche-Comté et demander à la majorité régionale une «politique cohérente» d'organisation des transports afin de «réussir une véritable transition énergétique, au centre de laquelle doit se trouver le rail public».
Une intersyndicale manifestait ce jeudi 27 janvier 2022 devant le siège du conseil régional Bourgogne-Franche-Comté à Dijon pour exprimer son opposition à l'ouverture à la concurrence des TER.

La CGT Cheminots, l'UNSA Ferroviaire, la CFDT FGTE Cheminots et Solidaires-Sud Rail ont rassemblé près de 400 personnes dans le calme même si la circulation des tramways a été un brièvement perturbée.

À l'intérieur du bâtiment, les élus régionaux étaient réunis en assemblée plénière alors que figurait à l'ordre du jour la préparation de la collectivité à la fin du monopole de la SNCF sur le service aux voyageurs.

Voulue par la Commission européenne puis transposée en France, la libéralisation du marché des TER connaîtra un premier jalon en 2023 pour une mise en pratique pour les voyageurs à partir du 1er janvier 2026.

Les manifestants ont contesté le principe même de cette libéralisation et ont demandé à ce que la collectivité abroge la convention en cours avec la SNCF pour contourner l'échéance de 2023 et enjamber celle de 2026 afin de maintenir le monopole de l'entreprise publique jusqu'à 2032 au moins.

Pour autant, dans l'après-midi, les élus régionaux ont adopté la démarche «Rail 2026» par 55 voix sur 100. Les élus du Parti Communiste et les élus du Rassemblement National ayant voté contre.

«La politique actuelle nous renvoie plus de cent ans en arrière»


La manifestation ressemblait donc à un baround d'honneur de l'intersyndicale. Reçus par Marie-Guite Dufay et Michel Neugnot le 18 janvier dernier, les représentants des syndicats ont de nouveau été entendus durant une suspension de séance ce jeudi par des représentants de la majorité, socialistes, écologiste et communistes. Les élus communistes furent d'ailleurs les seuls à rejoindre ostensiblement la manifestation.

Au nom de l'intersyndicale, Jean-Christophe Gossart, secrétaire général du Secteur Fédéral CGT des Cheminots de la région de Dijon, a pris la parole au pied du bâtiment de la Région pour rappeler les arguments de défense du monopole de la SNCF en tant qu'entreprise publique et de contestation d'un recours à des sociétés privées.

«Les outils publics que sont les grandes entreprises nationales – comme la SNCF – doivent servir le tissu économique sur notre territoire et ainsi développer l'emploi et répondre aux besoins de l'intérêt générale. La politique actuelle nous renvoie plus de cent ans en arrière, au temps des compagnies privées», harangua le syndicaliste.

«La bataille que nous menons depuis le début des années 90 contre la directive européenne 91/440 qui imposait la logique de concurrence dans notre secteur doit s'amplifier et ce dans la durée pour mettre en échec la concurrence. La concurrence, on connaît dans le secteur de l'énergie, des activités postales et télécommunications et bien d'autres secteurs d'activité encore. Les même recettes partout : éclatement des entreprises, suppressions d'emplois, gel des salaires, polyvalence des métiers, sacrifices permanents demandés aux salariés pour rester compétitifs. L'ouverture des marchés à la concurrence, privatisation de GDF et ouverture au capital d'EDF devaient, selon leurs défenseurs, faire baisser les tarifs. Les consommateurs, années après années, constate le contraire de ces promesses», a-t-il poursuivi.

Le militant de la CGT a eu beau jeu de considérer comme «paradoxale» la demande de Yannick Jadot (EELV), candidat écologiste à la présidentielle, de «renationaliser EDF» [NDLR : dont 16% du capital est ouvert au secteur privé depuis 2005] tandis que le groupe écologiste de la Région Bourgogne-Franche-Comté s'apprêtait à soutenir la démarche d'ouverture à la concurrence des lignes de TER.

«L'argent public doit servir à répondre à un intérêt général»


Selon Jean-Christophe Gossart, «produire un train, le faire circuler, dans des conditions de sécurité, fiabilité, confort, régularité, nécessite une synergie entre tous les acteurs et les métiers du ferroviaire».

L'orateur a remis en question le fait de confier la billettique à un prestataire de service et a, comme certains élus régionaux dont les Marcheurs, interrogé à distance l'exécutif sur les conditions de répartition des activités de maintenance. Le fait qu'un des plus grands technicentres de maintenance lourdes de trains ou de métros soit situé dans la région, près de Nevers, focalise évidemment les inquiétudes des représentants syndicaux régionaux sur le sujet.

«En procédant de la sorte, la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté participe à la balkanisation du réseau [ferroviaire] national et rentre dans une logique mortifère qui exclut les complémentarités, les synergies, les mutualisations et de nombreux usagers», a analysé Jean-Christophe Gossart. «Elle s'éloigne donc d'une politique cohérente, coordonnée, en matière de transports. Pourtant indispensable pour réussir une véritable transition énergétique, au centre de laquelle doit se trouver le rail public, à la condition que l’État engage un grand plan de financement pour moderniser le réseau et développer les activités de service public, répondant ainsi aux besoins croissants en matière de transport ferroviaire de qualité.»

«Nous continuerons de nous opposer à l'ouverture à la concurrence des activités de service public», a martelé le porte-parole de l'intersyndicale, «celle-ci, prélude aux futurs privatisations, c'est toujours traduite globalement par des régressions sociales, l'augmentation des tarifs et des surcoûts pour la collectivité».

«L'argent public doit servir à répondre à un intérêt général, à répondre aux besoins sociaux du plus grand nombre et non à des intérêts particuliers et non à rémunérer des actionnaires», scanda-t-il.

La délégation syndicale a finalement rejoint les manifestants alors que chacun campait sur ses positions. Le rassemblement se dispersa dans le calme en milieu de journée. La plupart des participants ont rejoint la manifestation interprofessionelle du même jour revendiquant de une augmentation des rémunérations (lire notre article).

Jean-Christophe Tardivon

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