Ce jeudi 9 mai, les ministres Olivia Grégoire et Fadila Khattabi se sont intéressées à l'activité de la startup dijonnaise. L'algorithme de Toolib permet d'ajuster l'équipement d'une chambre d'hôtel aux besoins spécifiques d'un voyageur handicapé ou en perte d'autonomie.
Fondée en 2018, Toolib facilite les voyages des personnes en situation de handicap ou connaissant des difficultés d'autonomie qui peuvent être transitoires comme celles que vivent certaines femmes enceintes, par exemple.
Ce jeudi 9 mai 2024, cette startup de l'ESS a reçu la visite d'Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, et de Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées.
Accompagnées de François Patriat (REN), sénateur de la Côte-d'Or, et de Philippe Frei (REN), député de la Côte-d'Or, François Deseille (Modem), adjoint au maire de Dijon, et Laurent Baumann (REN), président du bureau départemental de Renaissance en Côte-d'Or, les deux membres du gouvernement étaient présentes à Dijon pour une action militante dans le cadre de la campagne des élections européennes.
Un lancement soutenu par des fonds européens
De 2017 à 2020, Toolib a reçu 230.000 du fonds social européen issu du volet «lutter contre la pauvreté et promouvoir l'inclusion» afin de soutenir son développement.
Agrée d'entreprise solidaire d'utilité sociale (ESUS), Toolib emploie 15 personnes et a réalisé un chiffre d'affaire avoisinant 50.000 euros en 2022.
Hébergée à son démarrage dans un incubateur, la startup occupe désormais des locaux dédiés, rue de la Liberté, qui s'étendent sur 200 m². Les bureaux accueillent les développeurs, les personnels administratifs et le service client.
«C'est un crédit pour nous d'avoir eu la chance d'être accompagnés par l'Europe», explique Guillaume Boulaton, président de Toolib et ingénieur informaticien, en montrant les logos de l'Union européenne qui restent affichés dans les bureaux. «C'est une façon de dire que l'Europe croit en nous, l’État croit en nous par diverses actions.»
Toolib «bluffe» Olivia Grégoire
Confronté aux difficultés pratiques connues par une personne de sa famille devenue paraplégique suite à un accident, notamment pour partir en voyage à l'étranger, Guillaume Boulaton a eu l'idée de «créer une plateforme |numérique], au départ pour les personnes en situation de handicap mais élargie aux personnes en perte d'autonomie, qui ait en son sein une intelligence artificielle».
«Aujourd'hui, grâce au numérique, on peut avoir des mini-ergothérapeutes intelligents», précise l'entrepreneur, «l'algorithme permet de poser les bonnes questions, non-intrusives, non-stigmatisantes, pour comprendre les besoins spécifiques de la personne». «Les labels ont une limite, ils essaient de répondre à tout le monde en même temps. Or, il y a autant de handicaps que de personnes handicapées, autant de pertes d'autonomie que de personnes en perte d'autonomie.»
Selon son fondateur, l'entreprise ne connaît à ce jour aucun concurrent rivalisant avec son algorithme.
«J'ai énormément d'admiration pour ce que vous faites, ça me bluffe», réagit Olivia Grégoire en évoquant la douloureuse expérience d'un membre de sa famille en voyage à l'étranger.
Toolid aide «des milliers de personnes à voyager, à partir en formation, en vacances»
La startup a démarré son activité en commercialisant du matériel d'équipement ou de loisirs ainsi qu'en mettant en relation ses clients avec des gérants de logements de vacances adaptés et des loueurs de véhicules adaptés.
Chemin faisant, l'entreprise a pris contact avec des chaînes d'hôtellerie internationales qui ont envisagé d'intégrer à leur processus de réservation le savoir-faire de Toolib pour comprendre les besoins spécifiques d'une personne.
Les équipes ont donc développé Toolib Partner, une version B to B de leur algorithme. «On propose, via une plateforme en ligne, aux hôteliers d'interconnecter leur site. (...) Ce produit aide des milliers de personnes à voyager, à partir en formation, en vacances», souligne Guillaume Boulaton.
Des contacts ont donc été pris notamment avec la marque Pullman du groupe Accor ou encore les représentants des hôteliers de Lourdes (Hautes-Pyrénées).
Toolib a développé également un partenariat avec les télé-ergothérapeutes du réseau Merci Julie, avec la plateforme de location de véhicules aménagés entre particuliers Wheeliz pou encore avec Harmonie Medical Service.
Vers des chambres adaptables en 48 heures
Parallèlement au vieillissement de la population française, Toolib s'oriente vers l'adaptabilité temporaire des chambres d'hôtels pour aller au-delà du nombre actuel de chambres déjà adaptées aux personnes à mobilité réduite.
«Dans tous les hôtels, globalement, quasiment toutes les chambres sont accessibles», note Guillaume Boulaton, «vu qu'on fournit du matériel, l'algorithme peut dire à l'hôtelier que telle personne a besoin d'une potence de lit ou une barre de maintien ventousée mais dans une chambre luxe avec vue sur la piscine, pas dans la chambre PMR, on va livrer le matériel sous 48 heures».
Un partenariat avec Accor et sa Smart Room
«Cela se rapproche de la stratégie d'Accord», relèvement effectivement Olivia Grégoire qui a échangé récemment avec Sébastien Bazin, PDG du groupe hôtelier qui a développé la
Smart Room, proposant, selon le groupe, «des ''chambres intelligentes" avec des lits à hauteur réglable, un éclairage au sol et des douches à parois amovibles et à jets réglables».
«On ne peut pas savoir à quel point ça peut être usant, et parfois stigmatisant, tant qu'on n'a pas partagé vraiment la vie quotidienne d'une personne handicapée. On n'a pas accès aux belles chambres. Il y a des chambres pour les handis, toujours un peu moins bien assez médicalisées jusqu'à présent. (…) La Smart Room est une chambre normale, ça joue sur le moral», commente Olivia Grégoire avec l'approbation de Fadila Khattabi.
«L'algorithme va savoir vers quelle chambre orienter puisqu'il connaît la taille des seuils, des portes d'entrée, des espaces de circulation, etc. Dans la perte d'autonomie, certaines adaptations vont être problématiques pour d'autres. Si on prend l'exemple des toilettes, si elles sont rehaussées, c'est bien pour une personne âgée, ça peut être problématique pour une personne en fauteuil», développe Guillaume Boulaton. «C'est là où il faut une intelligence, à laquelle on n'avait pas accès avant le numérique.»
«Chaque adaptation compte», poursuit-il, «chaque petite adaptation sera prise en compte par l'algorithme». «Le numérique apporte une granularité qui permet de gravir la montagne [de l'accessibilité] marche par marche.»
Une potentielle jeune pousse de la Travel Tech
Au gré des échanges, la ministre du Tourisme suggère à l'entrepreneur de candidater pour rejoindre le réseau
France Travel Tech, le volet voyage de l'écosystème de la
French Tech, dont les tout premiers lauréats bénéficiant de fonds issus de France 2030 ont été annoncés le 24 octobre dernier.
«L'objectif de 2025, c'est l'internationalisation», ajoute le président de Toolib, «des investisseurs sont entrés au capital». «On peut avoir un impact, on en est sûr.»
«Changer la vie» des personnes ayant perdu en autonomie
«On compte sur les Jeux paralympiques, non seulement pour changer le regard, mais surtout pour changer la vie après-Jeux», réagit Fadila Khattabi. «Dans 20 ans, nous serons 4 millions de personnes dépendantes. Il y a un énorme défi à relever en matière d'accessibilité et de société inclusive.»
Une inclusion qui est à la peine dans le secteur de l'hôtellerie-restauration malgré la création d'un fonds doté de 300 millions d'euros sur cinq ans pour accompagner la mise en accessibilité des établissement recevant du public (ERP de catégorie 5 dont les hôtels, bars, restaurants et commerces de proximité).
Selon le gouvernement, près d’un million d’ERP ne seraient pas à jour de leurs obligations en matière d’accueil de personnes à mobilité réduite, ce qu'avait dénoncé Fadila Khattabi en visite à la Foire internationale et gastronomique de Dijon, le 2 novembre dernier (lire notre article).
Olivia Grégoire envisage des «sanctions» à l'encontre des établissements non-accessibles
La loi sur l'accessibilité datant de 20 ans, les associations représentant les personnes en situation de handicap pressent le gouvernement d'en arriver à des sanctions à l'encontre des entreprises.
«Depuis 20 ans, il y a des gens qui galèrent pour rentrer dans leur pharmacie», s'offusque Oliva Grégoire, «c'est un vrai sujet de société». «Si ça ne décolle pas, dans l'année qui vient, on passera à la sanction.»
Jean-Christophe Tardivon