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25/08/2022 05:54

POLITIQUE : Antoine Hoareau appelle le PS à «affirmer» le socialisme

Le secrétaire de la section de Dijon se rend à Blois pour les universités d'été du Parti socialiste dont il critique la direction nationale ayant signé l'accord de la NUPES sans vote des militants. «On n'est pas des forces d'appoint de Jean-Luc Mélenchon», a-t-il déclaré ce mardi 23 août.
Les universités d'été du Parti socialiste sont programmées à Blois du 26 au 28 août prochains. Elles sont précédées d'un séminaire de formation de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains, du 24 au 26 août.

Accompagné d'une quinzaine d'élus et de militants, Antoine Hoareau participe à ces deux événements. Il est secrétaire de la section Jean-Moulin du PS de Dijon, numéro deux de la fédération départementale et membre du conseil national du Parti socialiste.

Ce mardi 23 août 2022, le secrétaire de section a répondu aux questions d'Infos Dijon sur le début de la XVIème législature de l'Assemblée nationale et sur les rapports avec La France insoumise dans le cadre de l'accord national de la NUPES signé notamment par Olivier Faure, premier secrétaire du PS.


La NUPES tient «difficilement»


À l'Assemblée nationale, l'accord concernant la NUPES tient malgré quelques fissures apparues lors de l'installation des vice-présidences ou sur des sujets sensibles comme la demande de condamnation d'Israël pour « apartheid ». Qu'est-ce que cela inspire aux militants dijonnais du PS ?

«Ça tient... difficilement ! On l'a vu cet été au moment au moment de la session extraordinaire au parlement où il y a eu un certain nombre de votes de textes de loi qui n'ont pas été unitaires dans la NUPES et où certains des socialistes se sont distingués par rapport à des votes radicaux qui étaient proposés par La France insoumise notamment. Je crois que c'est effectivement une stratégie intéressante d'affirmation des socialistes. Je souhaite qu'elle soit poursuivie.»

«Le problème que l'on a connu aux élections législatives – et de la présidentielle qu'il ne faut pas oublier non plus –, c'est qu'à force de vouloir s'effacer depuis de nombreuses années derrière n'importe quel type de candidat – aux européennes, le PS s'était effacé derrière Raphaël Glucksmann, on l'a vu lors d'un certains nombre de prises de position de la direction du Parti socialiste de vouloir de manière permanente s'effacer –, on perd cette position de leader et, surtout, on ne porte pas ce que nous devrions être.»

«Dans cette nouvelle Assemblée nationale où il n'y a plus de majorité absolue, le fait qu'une partie des socialistes revendiquent une forme d'autonomie vis à vis de la NUPES et donc aient des votes qui soient distincts parce qu'ils considèrent que le compromis qui peut être trouvé avec la majorité et avec l'ensemble des autres groupes politiques va dans le bon sens est une bonne chose plutôt que d'être dans une opposition résolue et systématique comme le propose La France insoumise.»

«On n'est pas des forces d'appoint de Jean-Luc Mélenchon»


Historiquement, le PS avait l'habitude d'être majoritaire pour former des coalitions. Comment les militants dijonnais abordent le fait d'être des renforts des troupes de Jean-Luc Mélenchon, majoritaires dans la NUPES ?

«Historiquement, non, le PS n'a pas été toujours majoritaire. Il faut se souvenir que, dans les années 70, au moment de la fondation du Parti socialiste tel qu'on le connaît aujourd'hui, par François Mitterrand au congrès d’Épinay, le Parti socialiste était très loin derrière le Parti communiste. C'est parce que François Mitterrand a affirmé la position des socialistes et a défini le socialisme et a incarné le socialisme qu'il a réussi avec le programme commun – et tout le travail des années 1970 jusqu'à 1981 – à renverser la donne pour que le Parti socialiste devienne la première force politique de gauche.»

«Historiquement, c'est par l'affirmation, par l'explication et le travail de fond sur ce qu'est le socialisme et la social-démocratie, il y a eu cette dynamique qui a permis au Parti socialiste de devenir une force politique majeure au cours de la deuxième moitié du XXème siècle.»

«Aujourd'hui, effectivement, le Parti socialiste en est au 1,8% d'Anne Hidalgo à l'élection présidentielle. Pourquoi ? Parce que ça fait une dizaine d'années que le Parti socialiste ne travaille plus sur le fond. Il faut que nous réaffirmions ce qu'est le socialisme, ce qu'est la social-démocratie et ensuite porter ce qu'est la social-démocratie en France et en Europe. On n'est pas des forces d'appoint de Jean-Luc Mélenchon. (…) Il faudra que l'on trouve un leader pour incarner le socialisme français.»

Abstention des socialistes lors du vote des lois sur le pouvoir d'achat


Un des premiers chantiers de la majorité présidentielle fut d'adopter un paquet de lois concernant le pouvoir d'achat des Français. Quelle lecture en faites-vous ?

«C'est des lois qui étaient absolument indispensables au regard de la situation social. Je pourrais parler de la situation sociale dijonnaise bien la connaître à travers le CCAS [NDLR : Antoine Hoareau est président du centre communal d'action sociale de Dijon]. Il était important d'avoir un paquet de mesures d'urgence.»

«Ce texte a été adopté à une très large majorité au parlement et les socialistes n'ont pas voté contre. Les socialistes se sont largement abstenus, pour une raison simple : il n'y avait pas de taxation des super-profits des entreprises pétrolières et entreprises gazières dans ce pacte pour le pouvoir d'achat et je pense que, pour une plus grande redistribution, il aurait fallu qu'il y ait une taxation des profits exceptionnels qui ont été réalisés. Je pense à Total en particulier avec les 16 milliards de bénéfices réalisés l'année dernière.»

«Les socialistes n'ont pas voté contre, contrairement aux Insoumis et aux écologistes qui ont préféré être dans l'opposition systématique.»

«Je n'ai pas reconnu la légitimité de la direction nationale à aller signer un accord avec La France insoumise»


Lors des législatives, vous aviez appelé à des candidatures dissidentes au premier tour face aux Insoumis. À présent, les Insoumis lancent une démarche qui se veut unitaire, à l'image de la NUPES. Les tensions se sont-elles apaisées au niveau local ?

«Je n'ai pas l'impression qu'il y ait eu beaucoup de tensions. Il y a du débat, c'est une bonne chose.»

«Oui, j'ai appelé à des candidatures dissidentes et je ne le regrette absolument pas. J'ai considéré que l'accord avec La France insoumise qui a été passé par la direction nationale du Parti socialiste n'était pas un accord légitime et, en plus, reniait une grande partie de ce que nous étions.»

«Je pense à des questions fondamentales comme la question européenne. Le fait d'écrire noir sur blanc, dans un programme politique, que nous serions pour l'insoumission aux traités européens est quelque chose qui me choque profondément et fait en sorte qu'il y a un reniement de toute l'histoire de la construction européenne portée notamment par la gauche française et les socialistes, par François Mitterrand, par Jacques Delors et par beaucoup d'autres.»

«Sur des questions de laïcité et de respect de la République : le positionnement des Insoumis aujourd'hui est un point de divergence assez fondamental.»

«Je n'ai pas reconnu la légitimité de la direction nationale à aller signer un accord avec La France insoumise sans débat des militants et sans vote des militants. C'est un vote qui a eu lieu en conseil national, qui n'a pas eu lieu dans toutes les sections.»

«J'entends ceux qui parlent de l'union de la gauche. Moi aussi, l'union de la gauche, c'est quelque chose qui m'est cher. Je pense que ça doit être fait sur des bases qui sont communes et partagées. En l’occurrence, ça n'a pas été le cas. Donc, il y a eu des candidatures dissidentes aux élections législatives avec des scores qui sont respectables sur les circonscriptions, tant en Côte-d'Or que dans les autres départements. (…) Il y a eu 80 candidatures dissidentes partout en France. Je pense à Carole Delga sur la région Occitanie où il y a eu beaucoup de candidatures dissidentes avec même des députés qui ont été élus.»

«Je prône le dialogue et à la rentrée, on continuera de dialoguer. Je rappelle qu'avec les écologistes, avec les radicaux de gauche, avec les communistes, nous nous étions réunis à plusieurs reprises pour commencer à discuter localement d'accords pour les élections législatives et il y a eu cet accord national qui nous a empêchés d'être dans cette dynamique locale avec aucun candidat socialiste investi par la NUPES, ce qui était pour moi, absolument impensable notamment au regard de notre position à Dijon.»

«Je suis avec beaucoup d'intérêt aussi le travail de Bernard Cazeneuve»


Vous mentionnez Carole Delga : est-ce une figure nationale du Parti socialiste que vous suivez ?

«Bien sûr ! Carole Delga est une des responsable du Parti socialiste et il y en a d'autres. Je suis avec beaucoup d'intérêt aussi le travail de Bernard Cazeneuve. Je vais signer dans les jours à venir une tribune avec Bernard Cazeneuve. J'ai participé avec lui à un certain nombre de réunions durant l'été. Bernard Cazeneuve s'est mis en retrait du Parti socialiste suite à l'accord de la NUPES mais cela reste quelqu'un d'intéressant à écouter, qui porte une pensée politique particulièrement moderne au regard des enjeux actuels.»

«Carole Delga, Bernard Cazeneuve, Stéphane Le Foll, Michaël Delafosse sont des figures qui sont importantes dans le paysage de la gauche française.»

À Dijon, un programme «de gauche, sociale et européenne»


Au niveau national, le PS s'oppose à la politique d'Emmanuel Macron, François Rebsamen la soutient. Localement, vous êtes adjoint au maire de Dijon. Les militants se retrouvent-ils dans cette articulation ?

«François Rebsamen a effectivement appelé à voter Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle mais ce n'est pas pour autant qu'il a rejoint La République en marche ou le parti Renaissance. Il a toujours dit qu'il restait un homme de gauche.»

«Ce que je regarde, c'est les politiques publiques que l'on mène à Dijon. Nous avons une majorité avec une majorité de socialistes au sein du conseil municipal avec des alliés qui nous permettent d'avoir une très large majorité au sein du conseil municipal.»

«Ce qui compte, c'est le programme que nous menons. Le programme 'Dijon c'est capitale' que nous avons portés aux dernières élections municipales n'a pas bougé d'une virgule. Le programme de gauche, sociale et européenne que nous portons à Dijon est la base qui réunit la majorité municipale. (…) Nous continuons à agir pour les Dijonnais et, en particulier pour les Dijonnaises et les Dijonnais qui sont le plus dans le besoin.»

«Je rappelle que nous étions les seuls à porter un projet avec l'affirmation de la lutte contre la pauvreté comme une des priorités du mandat, cette priorité est maintenue tout comme l'adaptation de la ville au changement climatique et la lutte contre le changement climatique qui est la priorité des priorités du mandat. (…) Il n'y  aucune raison de s'inquiéter quant à l'unité de la majorité municipale.»

«Les votes des élections législatives n'ont fait que confirmer les votes précédents»


À Dijon, les voix de la NUPES se sont révélées majoritaires au second tour des législatives. Êtes-vous favorable à ce que le maire de Dijon tienne compte de ce facteur pour pondérer les délégations de l'exécutif à la rentrée ?

«Dijon est une ville de gauche, une ville de centre-gauche et Dijon l'a encore montré lors des élections législatives. Nous en avons déjà tenu compte depuis toujours puisque nous sommes une majorité de gauche, de centre-gauche et du centre.»

«Il peut y avoir des adaptations à la marge dans un exécutif municipal, c'est normal. Les votes des élections législatives n'ont fait que confirmer les votes précédents lors des élections locales, que ce soient les élections départementales, les élections régionales ou les élections municipales.»

«On n'a jamais eu autant besoin de la social-démocratie et du socialisme»


Pour Olivier Dussopt, la social-démocratie « n'indique plus de direction ». Quelle direction revendique cependant la section PS de Dijon : anticapitaliste, social-démocrate, progressiste, différentialiste, post-marxiste ?

«Déjà, Olivier Dussopt qui donne des leçons de gauche, ça me fait doucement rire. Il faut souvenir d'où vient ce monsieur : c'était un des frondeurs sous le quinquennat de François Hollande qui, aujourd'hui, est devenu un des porte-paroles d'Emmanuel Macron et qui va être celui qui, probablement, va porter la réforme des retraites au ministère du Travail dans les mois à venir.»

«Sur le fond, il explique que la social-démocratie n'existe plus et qu'il faut aller vers le progressisme. Je suis absolument en opposition avec ça.»

«La social-démocratie, c'est la régulation de l'économie de marché pour lutter contre les inégalités sociales. C'est faire en sorte que l’État adapte l'économie parce qu'on a la certitude que le marché tout seul ne peut pas se réguler et est générateur d'inégalités. (…) C'est une direction qui va dans le sens de la justice sociale. La social-démocratie n'a jamais été aussi d'actualité. On n'a jamais eu autant besoin de la social-démocratie et du socialisme qu'en ce moment avec ce néolibéralisme latent porté par Emmanuel Macron et par un certain nombre de ses soutiens.»

Le bilan de quarante années de décentralisation


À quoi servent ces séminaires et ces universités d'été ?

«Cela sert à se former, à travailler, à réfléchir et, surtout, à partager avec d'autres élus, d'autres militants, d'autres camarades venus d'autres fédération de France.»

«Au-delà de ces universités, j'espère que le congrès qui arrive à l'automne permettra aussi de débattre au fond.»

À quels ateliers allez-vous participer ?

«Nous allons travailler sur les quarante ans des lois de décentralisation, portées par Gaston Deferre en 1982, pour en faire une forme de bilan et, surtout, essayer de définir et tracer des perspectives sur l'organisation territoriale en France.»

«Il faut que l'on organise les échelons politiques locaux autour des bassins de vie»

Quel message allez-vous porter ?

«Sur la décentralisation, je vais porter le message qu'il faut que nous prenions enfin une position sur l'organisation administrative, politique, territoriale. Au cours de ces quarante dernières années, on a décentralisé, on a créé un certain nombre de nouveaux échelons politiques locaux. (…) Aujourd'hui, il est temps que nous prenions des positions pour réformer ce mille-feuille territorial.»

«Je porterai cette idée qu'il faut que l'on organise les échelons politiques locaux autour des bassins de vie. Cela pose la question des périmètres des intercommunalités, de la pertinence des Départements.»

Cela apparaît plus «techno» que politique, est-ce que cela peut parler aux citoyens ?

«Aujourd'hui, il y a une véritable défiance vis à vis des politiques, sauf les maires et les élus locaux parce que les capacités d'action à l'échelle locale ont un impact direct dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Quand on décide de faire un tram ou qu'on décide une centrale hydrogène qui permettra de limiter les émissions de gaz à effet de serre dans les transports en commun et donc d'améliorer la qualité de l'air, cela a un impact direct sur la vie quotidienne des gens.»

«Le problème, c'est qu'il y a un flou aujourd'hui sur qui fait quoi à l'échelle locale à force d'avoir transféré des compétences en additionnant les échelons en parallèle d'une politique de l’État qui continue aussi à assumer des compétences qui sont pourtant décentralisées sur les territoires avec la déconcentration.»

«C'est un vrai débat politique pour, au contraire, redonner de la lisibilité sur qui fait quoi à l'échelle locale et simplifier cette organisation politique locale pour, à la fois être plus efficace mais, aussi, pour que nos concitoyens s'y retrouvent plus.»

«On l'a vu au lors des élections départementales ou régionales où il y a un vrai flou artistique entre qui fait quoi au niveau du Département, de la Région, de la mairie. Il y a un vrai manque de lisibilité.»

«C'est un débat qui permettra à nos concitoyens de se réapproprier les sujets locaux et donc la politique au sens noble du terme.»

«On pourrait imaginer un conseil départemental avec des présidents d'intercommunalité»


Seriez-vous favorable à une élection au suffrage universel direct des présidents d'intercommunalités dont, notamment, de métropoles ?

«C'est déjà presque le cas puisque lors des élections municipales, il y a deux listes parallèles. Il y a une liste avec les candidats au conseil municipal et une liste avec les candidats au conseil communautaire. C'est déjà bien identifié. À terme, peut-être.»

«Si on rajoute une élection, pourquoi pas en enlever une autre ? Si on va vers le suffrage universel direct pour les conseillers métropolitains et présidents de conseil métropolitain, pourquoi est-ce qu'ils n'iraient pas siéger dans un conseil départemental ? On pourrait imaginer un conseil départemental avec des présidents d'intercommunalité plutôt que des conseillers départementaux.»

Donc, en quelque sorte, un conseiller territorial au niveau de l'intercommunalité et du Département ?

«C'est ça. Il y a une réflexion à avoir sur des échelons bien plus tournés autour des bassins de vie que vers des périmètres administratifs qui ont été dessinés à la Révolution française ou sous Napoléon. (…) On le voit avec l'aire urbaine de Dijon où on a besoin d'avoir un travail plus construit avec l'ensemble des intercommunalités qui forment le bassin de vie autour de Dijon et avec qui on a des échanges quotidiens en termes de flux de transports, d'alimentation, d'eau et d'énergie.»

Les prochains rendez-vous de la section dijonnaise du PS – qui revendique 150 adhérents – concerneront le bilan de l'action municipale deux ans après les dernières élections, suivi de la préparation du congrès du parti qui pourrait avoir lieu d'ici la fin de l'année.

Propos recueillis par Jean-Christophe Tardivon


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