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28/10/2021 20:21

POLITIQUE : «Je ferai de l'élection présidentielle un rendez-vous avec les femmes françaises», revendique Anne Hidalgo

Candidate du PS à l'élection présidentielle de 2022, Anne Hidalgo a fait une étape au sein d'un local du Secours Populaire à Chenôve en étant accueillie par le maire Thierry Falconnet. La socialiste dit comprendre la «liberté» de François Rebsamen, absent à Chenôve. La candidate a effectué un focus sur les métiers féminins de l'aide à la personne, «dévalorisés» bien qu'«essentiels».
Depuis sa longue séquence au Creusot du 17 septembre dernier qui avait pour thème l'industrie en général et la filière nucléaire en particulier (lire notre article), Anne Hidalgo a remporté la primaire socialiste le 14 octobre dernier. Elle a largement devancé son seul challenger, Stéphane Le Foll, avec 72,60% des voix des adhérents.

Ce jeudi 28 octobre 2021, la candidate a fait une brève étape dans l'agglomération dijonnaise pour, au sein de l'antenne locale du Secours Populaire Français, un temps d'échanges avec des personnes en situation de travail précaire.

Absence remarquée de François Rebsamen


Auparavant, la maire de Paris a été reçue pour un accueil républicain par le maire de Dijon à l'Hôtel de Ville suivi d'une rencontre à huis clos avec des militants de la section du Parti Socialiste de Dijon.

Le déplacement s'est poursuivi à quelques mètres de la séparation entre les communes de Dijon et de Chenôve, boulevard des Valendons, sans François Rebsamen (PS) cette fois.

De son côté, le maire de Dijon avait rendez-vous avec la ministre du Logement pour remettre le dernier tome de son rapport découlant de la mission confiée par le Premier ministre. Ce qu'il n'a pas manqué de communiquer sur les réseaux sociaux tout comme quand, la veille, François Rebsamen avait relayé le bon accueil réservé à Stéphane Le Foll (PS), venu dédicacer à Dijon son dernier livre (lire notre article).

«Avec François Rebsamen, il y a un lien d'amitié historique»


Anne Hidalgo n'en prend pas ombrage. La candidate garde la main tendue en direction du maire de Dijon tout en insistant sur le fait que le maire de Chenôve, lui, a signé l'appel des maires la poussant à se déclarer candidate.

«Avec François Rebsamen, il y a un lien d'amitié historique», déclare Anne Hidalgo à l'issue des échanges au local du Secours Populaire, «on a un échange. Je sais que François Rebsamen est profondément social-démocrate et on a besoin de lui, c'est sa famille historique et sa famille de cœur. C'est quelqu'un qui a une expérience, qui a une histoire, qui a aussi des choses à dire. Je comprends sa liberté. Je pense qu'elle est importante aussi pour nous toutes et nous tous».

Thierry Falconnet, «héros du quotidien»


«Quant à Thierry [Falconnet], c'est quelqu'un qui est aussi très important parce que, au-delà de son rôle de maire, il préside l'association des maires Villes et Banlieues», ajoute-t-elle. «Il porte aussi cette parole forte et cet engagement des élus qui sont sur des territoires, des quartiers politique de la ville».

«J'ai grandi aussi la Duchère, un quartier [de Lyon] qui ressemble beaucoup à [Chenôve]. Je sais combien c'est important d'avoir des élus qui sont les maires qui sont dans ces quartiers des héros du quotidien. Ce n'est pas facile. Je dis 'respect' quand je vois le travail que fait Thierry [Falconnet]. D'être soutenue par quelqu'un qui porte des valeurs avec autant d'énergie, d'abnégation, de sérieux, ça fait du bien. Thierry [Falconnet] fait partie de cette équipe solide. Michel [Neugnot] et beaucoup d'autres aussi», indique Anne Hildalgo.

Autour de la candidate, on retrouve effectivement Michel Neugnot, élu régional et secrétaire fédéral du PS pour la Côte-d'Or, Antoine Hoareau, élu municipal et secrétaire de la section de Dijon, ainsi qu'Océane Charret-Godard, élue à Dijon et à la Région Bourgogne-Franche-Comté, et plusieurs élus municipaux de Chenôve.

«Ce que j'ai eu, je veux le redonner»


«Cette candidature doit être la voix des quartiers populaires», déclare Thierry Falconnet en arrivant à l'antenne du Secours Populaire Français à Chenôve pour un temps d'échanges avec des habitants du quartier du Mail ainsi que des personnes occupant des emplois précaires et pourtant en «première ligne» lors des pires moments de l'épidémie de la Covid-19 : infirmière, aide à domicile, agent d'accueil dans un établissement de soins...

«Je sais combien c'est difficile de s'intégrer», déclare Anne Hidalgo, rappelant en préambule son parcours : naissance en Espagne, arrivée à l'âge de 10 ans en France, intégration, études tout en vivant dans une famille ayant «des problèmes de fins de mois». «Ce que j'ai eu, je veux le redonner», lance-t-elle en regrettant qu'il y ait «trop d'injustices» en France.

Une demande de pouvoir cumuler AAH et emploi


Les témoignages fusent pour évoquer dignement des emplois dont «le salaire ne suit pas». «On a entendu parler du plan Alzheimer mais finalement rien n'a changé, les aidants sont toujours aussi perdus», lance une aide à domicile ne comptant pas ses heures de travail pour une association.

Une femme en fauteuil roulant regrette que l'allocation aux adultes handicapés (AAH) soit «un coup considéré minima social, un coup non» et déplore «le fait qu'on ne peut pas cumuler quand on travaille avec l'AAH, ce qui accentue la vulnérabilité des personnes handicapées». Les discussions s'orientent sur la déconjugalisation de l'AAH : «on abrogerait», lance aussitôt la candidate.

Un homme touché par une maladie chronique invalidante évoque son expérience comme agent d'admission dans une clinique à Chenôve et regrette que son contrat n'ait pas été prolongé quand l'établissement a déménagé à Dijon dans un secteur pourtant desservi par le tram : «j'étais le vacataire le plus expérimenté des trois établissements». «Je vis au jour le jour, (…) avec 500 euros par mois», explique-t-il en attendant des vacations proposées sur une plateforme informatique.

«Il faut que le travail paye pour que l'on puisse en vivre dignement»


Thierry Falconnet explique que 37% de la commune vit avec moins de 1.000 euros par mois et s'insurge pour que soit assumée la notion de «pauvreté» face au vocable de «précarité», jugé trop «abstrait».

Une femme ayant fait des ménages dans les écoles de Chenôve évoque une retraite de 1.200 euros mensuels associée à une autorisation de découvert de sa banque : «autrement, je n'y arriverai pas».

«Ces cinq dernières années, on aurai pu croire que les choses allaient changer», réagit Anne Hidalgo, «en fait, on s'aperçoit que, pendant ces cinq ans, ça a été encore plus dur avec les plus fragiles et avec les plus pauvres»

«C'est ce qui nourrit un sentiment d'injustice, de colère ou de gens qui baissent les bras. (…) Vivre décemment, cela commence par le travail. Quand on a un travail, il faut que le travail paye pour que l'on puisse en vivre dignement. Ce qui n'est pas le cas et notamment pour les femmes », analuse la candidate.

«Vous êtes sur des métiers essentiels»


«Je suis une femme candidate à l'élection présidentielle. Je vous assure que j'en ferai un rendez-vous avec les femmes françaises et notamment sur les questions d'égalité. Il est totalement anormal qu'il y ait ces écarts de salaire entre les femmes et les hommes, déjà dans une même entreprise mais aussi dans les métiers. Les métiers féminins, parce que c'est féminin, c'est moins payé et c'est dévalorisé alors qu'en fait, vous êtes sur des métiers essentiels. La société ne pourrait pas tenir sans ce que vous faites les unes et les autres, sans s'occuper des plus fragiles et des personnes qui sont en situation de handicap ou qui ont eu des accidents de la vie. (…) Si le travail paye mieux, il y a moins besoin d'aides».

Un «ISF climatique»


Interrogées sur des propositions précises, Anne Hidalgo évoque un «retour de l'ISF» sous la forme d'un «ISF climatique» dédié à «la transition sociale de notre économie» et une baisse des taxes sur les carburants dont un alignement de la TVA à 5,5% pendant «cette situation exceptionnelle» en mentionnant «des stations services autour de Paris à deux euros le litre».

«Je suis très très écolo», enchaîne-t-elle, «mais l'écologie ce n'est pas faire payer aux plus pauvres, ou aux classes moyennes, ou aux plus modestes, le prix de la transition écologique. L'écologie, on doit tous y aller sinon ça va être des conflits, on a déjà vu avec les Gilets jaunes ce que faisaient trois centimes de l'augmentation de l'essence».

Alors que la fin de la production de véhicules individuels à moteur thermique est annoncée pour 2030, «il faut que l'on aide aussi toutes les familles qui ne peuvent pas aujourd'hui s'acheter une voiture électrique».

Les critères de revenus conduisent aux «ghettos»


Une habitante du quartier du Mail entend dénoncer «la politique des bailleurs sociaux» qui fonde l'accès des HLM selon de stricts critères de revenus conduisant à créer des «ghettos» et nuisant à la «mixité sociale» : «on vous demande ce que vous gagnez et dès que vous dépassez un petit seuil de cent euros, vous partez».

Là encore, la candidate mobilise en réponse son expérience de maire de Paris :  «je me suis battue pour maintenir dans le parc social, des gens qui étaient sortis parce qu'ils étaient à la limite, qui devenaient même de petits retraités (…) de la fonction publique. Ils n'avaient plus le droit d'habiter dans ces logements-là mais n'avaient pas du tout les moyens de se loger même en location dans le privé. (…) Le gouvernement a refusé de me suivre».

«Porter une politique beaucoup plus juste socialement»


«Je suis une femme de gauche, j'ai beaucoup manifesté mais je pense qu'il faut que l'on donne des espaces pour que les gens puissent se parler plutôt que de s'engueuler. Je crois à la démocratie», répond Anne Hidalgo à une participant qui l'interroge sur un éventuel retour des Gilets Jaunes. La candidate évoque alors l'école et la santé comme sujet pouvant «rassembler les Français».

«Je pense avoir une légitimité et j'irai jusqu'au bout», martèle la candidate entourée de micros qui cible alors les médias : «les médias font, pour un certain nombre d'entre eux du bon travail, mais, quand même, pour une grande partie d'entre eux quelque chose qui n'est pas honnête vis à vis des Françaises et des Français. Ils ne parlent pas de leur vie, ils ne parlent pas des vrais enjeux. En revanche, ils nous bassinent toute la journée sur Monsieur Z et Madame Marine».

Dans ce contexte, Anne Hidalgo revendique une parole «forte» et «responsable» : «ce n'est pas un show télévisé, ce n'est pas de la télé-réalité. C'est la vraie vie qui est en train de se jouer, c'est l'avenir de notre pays».

Et de déclarer finalement : «c'est aussi à nous, femmes et hommes de gauche, de porter une politique qui soit une politique beaucoup plus juste socialement et qui parte des réalités que vivent les Françaises et les Français. (…) Si on ne s'intéressent pas à nos fragilités et aux plus vulnérables, rien ne peut marcher donc c'est vers eux qu'il faut qu'on aille et que l'on puisse évidemment accéder toutes et tous à une meilleure qualité de vie».

Jean-Christophe Tardivon