> Vie locale > Vie locale
26/08/2022 05:49

POLITIQUE : «L'écologie n'est pas qu'une affaire d'écolos urbains», déclare Catherine Hervieu

«Si on laisse les territoires ruraux au Rassemblement national, on n'y arrivera pas», a analysé l'élue écologiste ce mercredi 24 août, au moment de participer aux universités d'été d'Europe Écologie Les Verts.
Les universités d'été d'Europe Écologie Les Verts se tiennent à Grenoble du 25 au 27 août. Elles ont été précédées de trois journées de formation pour les élus.

Accompagnée d'une dizaine d'élus et de militants de Côte-d'Or, Catherine Hervieu participe à ces événements. La Dijonnaise est présidente de la Fédération des élus Verts et écologistes et, depuis juin dernier, est membre du bureau exécutif d'EELV, l'instance dont Julien Bayou est le secrétaire national.

Ce mercredi 24 août 2022, celle qui était candidate à l'élection législative sur la deuxième circonscription de la Côte-d'Or a répondu aux questions d'Infos Dijon sur le début de la XVIème législature de l'Assemblée nationale et sur la démarche des écologistes dans l'opposition tant au conseil municipal de Dijon qu'au conseil départemental de la Côte-d'Or.

«Les députés écologistes ne perdent pas de temps à aller faire le buzz»


À l'Assemblée nationale, l'accord concernant la NUPES tient malgré quelques fissures apparues lors de l'installation des vice-présidences ou sur des sujets sensibles comme la demande de condamnation d'Israël pour « apartheid ». Qu'est-ce que cela vous inspire ?

«La volonté de faire vivre l'accord électoral en toute responsabilité par rapport à une attente forte des électeurs qui souhaitaient un rassemblement pour proposer une alternative à Emmanuel Macron et au Rassemblement national à la fois. Le mode de scrutin ne s'est pas traduit par une assemblée majoritairement de gauche et écolo mais il y a une poussée forte.»

«Une satisfaction dans le cadre de cet accord de voir le retour des députés écologistes à l'Assemblée nationale, la constitution d'un groupe écologiste. Lequel groupe s'est saisi des sujets.»

«Au-delà de l'agitation qui a pu marquer les débats, il y a tout un travail de fond qui se fait en commission. Dans cette démarche-là, les députés écologistes ne perdent pas de temps à aller faire le buzz mais veulent vraiment s'approprier les thématiques, les travaux parlementaires en lien avec la responsabilité qui nous incombe.»

«De plus, depuis les élections, on est en train de vivre un été qui montre que les alertes que nous faisons quant aux conséquences du changement climatique trouvent de plus en plus de traductions : incendies, méga-feux, événements orageux, assèchement des sols qui touchent la biodiversité, activités économiques comme le système alimentaire, conflits concernant les usages de l'eau.»

«Ce qui se passe à l'Assemblée nationale, je le met en rapport avec tout le travail que l'on doit mener pour porter des politiques publiques. On a malheureusement perdu du temps. L’État a été attaqué pour inaction climatique. On ne va pas faire les changements d'un claquement de doigts. On avait alerté depuis longtemps, les solutions on les connaît. C'est du rôle de l’État de faciliter leur mise en œuvre au plus près des territoires avec les relais que sont les collectivités locales.»

«L'installation de l'éolien et du photovoltaïque doit être notre priorité»


«Agitation», «faire le buzz»... faites-vous références aux députés de La France insoumise ?

«Je ne veux pas dire que La France insoumise ne fait pas son travail parlementaire. Celui des écologistes, c'est de bosser, de proposer des solutions concrètes. (…) On ne se définit pas en réaction par rapport à d'autres groupes politiques. Chacun ses méthodes. Au-delà des petites phrases, à la sortie de l'été, les gens veulent des choses très concrètes.»

«On a déjà le chantier de la question énergétique. Il va falloir anticiper la sortie des tarifs réglementés de l'électricité. (..) On a pris des retards énormes par rapport au développement des énergies éoliennes, on a laissé filé des lobbys antiéoliens sous couvert de défense des paysages. L'installation de l'éolien et du photovoltaïque doit être notre priorité, pas n'importe où pas n'importe, organisé de façon décentralisée pour tenir compte des réalités de biodiversité, géographiques, paysagères.»

«On continue la même politique salariale depuis des décennies»


Un des premiers chantiers de la majorité présidentielle fut d'adopter un paquet de lois concernant le pouvoir d'achat des Français. Quelle lecture en faites-vous alors que les députés écologistes ont largement voté contre ?

«On constate que c'est plutôt à coup de primes, de chèques, de monétisation des RTT que le gouvernement essaie de répondre à la question du pouvoir d'achat. Ça ne répond pas structurellement à la faiblesse des revenus d'une partie de la population qui travaille et cela ne va pas résoudre non plus la question de l'attractivité de certains emplois.»

«À force de sous payer les gens, il y a des tas de métiers que les gens ne veulent plus faire, c'est une des conséquences du Covid. On continue la même politique salariale depuis des décennies. On ne donne pas un signal fort que, structurellement, on prend en compte le niveau des salaires d'une partie des habitants du pays qui ne leur permettent pas de se loger correctement, de se nourrir correctement.»

«Ce n'est pas à la hauteur de la problématique sociale actuelle. Les chèques sont donnés sans conditions de ressources. Les 18 centimes de baisse sur l'essence ont été donnés à tout le monde quel que soit son véhicule, sa situation professionnelle.»

«On ne se retrouve pas dans cette démarche-là, d'où les amendements de l'ensemble des députés NUPES.»

«La porte est ouverte» au sein du groupe d'opposition à Dijon


À Dijon, les voix de la NUPES se sont révélées majoritaires au second tour des législatives. Comptez-vous en faire un levier au sein du conseil municipal de Dijon où vous siégez dans l'opposition ?

«Effectivement, sur Dijon, il y a un socle fort concernant la justice sociale et l'aspiration à plus d'écologie. À partir de ce socle, on considère qu'il y a une légitimité à ce qu'on le traduise dans les débats au conseil municipal et les propositions que l'on peut faire.»

Appelez-vous des conseillers municipaux dijonnais à rejoindre votre groupe d'opposition ?

«La porte est ouverte, on n'est pas dans un pré carré défensif. Dans la vie des groupes politiques, il y a ce que les gens disent dans les campagnes électorales et la situation au niveau planétaire – et plus précisément dans nos territoires. Le plus on sera nombreux, le mieux ce sera.»

Au Département, continuerez-vous de siéger au sein du groupe d'opposition Côte-d'Or Terre d'avenir ?

«Au sein de Côte-d'Or Terre d'avenir, je n'ai absolument pas changé de philosophie et d'orientation politique depuis 2021 quand on a travaillé un rassemblement des forces de gauche et écologistes pour apporter une vision qui soit novatrice. La clarification n'est pas à faire de mon côté.»

Et si elle ne venait pas ?

«On prendra nos responsabilités. On fera étape par étape.»

«Il faut que les écologistes français prennent leurs responsabilités»


Êtes-vous favorable à une liste autonome d'EELV aux européennes ou bien à une participation à une liste de la NUPES ?

«Je tiens à rappeler qu'au niveau européen, l'ensemble des écologistes européens sont rassemblées au sein du parti Vert européen. On a des délégués français qui retrouvent les délégués belges, allemands, etc. Nos délégués ont été désignés lors du congrès de 2019.»

«Le parlement Vert européen est très attentif à ce qui se passe en France du côté de l'écologie. La délégation française au Parlement européen, le plus elle est renforcée d'écologistes, le plus nous pesons dans les débats européens.»

«Avec le mode de scrutin à un tour à la proportionnelle intégrale, il est évident que nous avons une responsabilité à réaffirmer le projet écologiste à l'échelle de l'Union européenne. Il faut que les écologistes français prennent leurs responsabilités dans cette démarche.»

«Les politiques publiques ont plus de sens quand elles sont vraiment articulées à l'échelle de l'Union européenne. (…) Donc, effectivement une liste écologiste pour les européennes de 2024.»

«Les outils que sont les partis politique ont vocation à être beaucoup plus ouverts sur la société»


Demandez-vous – comme Yannick Jadot – une « refondation » d'EELV ?

«Il n'y pas que ce texte-là. Il y a beaucoup de contributions qui circulent dans cette période de pré-congrès. Effectivement il y a un fil rouge qui montre une volonté de 'refondation' ou de 'dépassement', il y a une volonté d'ouvrir les portes.»

«Le plus on est rassemblé vraiment pour agir pour s'adapter aux conséquences du changement climatique, le mieux on y arrivera et moins pire ce sera. Les outils que sont les partis politique ont vocation à être beaucoup plus ouverts sur la société, les acteurs qui sont impliqués dans les débats publics, les associations, les acteurs socio-professionnels, le monde des entreprises, les syndicats...»

«On doit faire des passerelles. Le terme 'refondation', 'se dépasser', il faut le traduire concrètement avec la mise en mouvement de l'ensemble de la société pour mettre en place les solutions de rénovation thermique de l'habitat, montrer qu'on peut se déplacer autrement, montrer que l'on peut vivre correctement en arrêtant le gaspillage sous toutes ses formes.»

«Il y a aussi l'accompagnement au changement de comportement : il faut se donner les moyens, si on on prend par exemple l'alimentation, de se nourrir différemment, ça veut dire réapprendre à cuisiner. C'est au plus près de la population quelle qu'elle soit, cela demande des moyens humains.»

«Si on laisse les territoires ruraux au Rassemblement national, on n'y arrivera pas»


Quel message allez-vous porter durant ces Journées d'été ?

«Prendre nos responsabilités, préparer le congrès avec la volonté de se donner les moyens de consolider l'écologie et les moyens à court, moyen et long terme, d'accéder vraiment au pouvoir.»

«L'écologie n'est pas qu'une affaire d'écolos urbains. J'ai bien vu pendant la campagne qu'effectivement la prise en compte des enjeux climats et écologistes dans les territoires ruraux suscitaient à la fois des interrogations, des intérêts ainsi qu'une volonté de trouver de solutions.»

«Le score que j'ai fait dans les territoires ruraux dans une circonscription de droite – où on a pas mal progressé – est lié aux propositions que l'on a portées. On a porté le 'on le fera ensemble, pas les uns contre les autres'.»

«On ne gagnera pas que si on s'intéresse aux grandes villes. Si on laisse les territoires ruraux au Rassemblement national, on n'y arrivera pas. Il faut être présent, c'est ce que l'on va faire. Il faut que ce soit quelque chose de largement partagé au niveau national.»

À Grenoble, Catherine Hervieu figurait parmi les intervenants de l'atelier du jeudi 25 août, intitulé «Décentraliser pour tisser du lien», aux côtés notamment du géographe Damine Deville.

Durant ces trois jours, élus et militants ont prévu de plancher sur le bilan des trois ans après le congrès d'EELV de 2019 et de préparer le prochain congrès qui pourrait se tenir avant la fin de l'année.

Propos recueillis par Jean-Christophe Tardivon