
Ce jeudi 3 octobre, à Dijon, le président du Parti radical a invité notamment François Rebsamen à débattre des évolutions potentielles de la Vème République. Selon ce dernier, la Fédération progressiste souhaite «participer à un rassemblement des forces démocratiques».
Pour animer le débat politique, le Parti radical organise de septembre à novembre des universités régionales de l'engagement. Une telle réunion a eu lieu, ce jeudi 3 octobre 2024, dans un café dijonnais, sur le thème «Faut-il aller vers une VIème République ?»
Par cette démarche, le Parti radical se veut «promoteur de politiques publiques plus efficaces, de nouvelles pratiques démocratiques proches des territoires et d’un nouvel engagement citoyen dans la vie publique».
Des participants allant du centre-gauche au centre-droit
Dans ce cadre, Laurent Hénart (PR), président du Parti radical, a invité à s'exprimer François Rebsamen (PS, FP), maire de Dijon et président de la Fédération progressiste, Sylvie Vermeillet (PR), sénatrice du Jura, et Joël Mekhantar (divers gauche), professeur de droit public à l'université de Bourgogne et adjoint au maire de Dijon.
Avant la réunion proprement dite, Laurent Hénart et ses invités ont répondu aux questions des journalistes. En particulier, François Rebsamen a développé sa vision de l'évolution des modes de désignation des collectivités locales, de l'Assemblée nationale et du Sénat (
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Ensuite, une vingtaine de personnes ont participé au débat organisé par Jean-Philippe Morel (PR), président de la fédération de la Côte-d'Or du Parti radical et adjoint au maire de Dijon, et Maxime Moulazadeh (PR), secrétaire départemental du Parti radical,
Étaient présents notamment Jean-Michel Verpillot (sans étiquette), maire de Marsannay-la-Côte, Philippe Frei (REN), ancien député de la Côte-d'Or, Laurent Baumann (REN) et Frédérique Comte, respectivement président et trésorière du bureau départemental de la Côte-d'Or de Renaissance, ainsi que les conseillères municipales Claire Vuillemin (HOR) et Caroline Jacquemard (sans étiquette).
Le Parti radical prépare les prochaines échéances électorales
«Le Parti radical souhaite animer le débat», rappelle Jean-Philippe Morel (PR), «dès les premiers articles, la Constitution dispose que les partis et mouvements politiques concourent à l'expression du suffrage». «Cela veut dire que les partis structurent la réflexion politique. À travers ces Universités de l'engagement, on veut débattre, on veut confronter nos idées. C'est la vocation première d'un parti politique.»
«Le [Parti radical] se veut le parti des territoires, de la proximité, des valeurs de l'Europe», insiste l'élu dijonnais.
La réunion s'inscrit donc dans la préparation des élections municipales de 2026, scrutin qui sera suivi dans la moitié des départements par des sénatoriales. Sans oublier qu'à partir de l'été 2025, «une nouvelle dissolution est possible», comme le rappelle Laurent Hénart. Au-delà, même, le Parti radical appelle à «préparer maintenant le projet présidentiel» de la prochaine élection du chef de l’État.
Le président sortant du Parti radical envisage de «passer le relais» à Nathalie Delattre, secrétaire générale du parti, sénatrice de la Gironde et toute nouvelle ministre chargée des Relations avec le Parlement dans le gouvernement de Michel Barnier (
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Toutefois, ces université régionales sont ouvertes aux citoyens en général et aux partenaires politiques «ancrés au centre» du Parti radical, soutien d'Emmanuel Macron. «Plus ancien parti de France, le Parti radical a toujours contribué à l'offre politique national et à la construction de la République», revendique son président, «on souhaite parler à des partenaires, qui comme nous, sont ancrés au centre, défendent une volonté d'équilibre entre les libertés politiques et économiques et le solidarisme, sont attaché à l'initiative locale et la décentralisation ainsi qu'à la construction européenne».
«Tout accord avec LFI me semble mortifère pour des sociaux-démocrates», alerte François Rebsamen
«On partage cet idéal européen, ce qui crée forcément beaucoup de liens», enchaîne François Rebsamen. «Ça en a créé beaucoup, dans le temps, avec Emmanuel Macron», ajoute-t-il en parlant volontairement au passé.
«Le Parti radical a choisi d'être au gouvernement, [Fédération progressiste] n'est pas dans la majorité, aujourd'hui, (…) elle ne participe pas au gouvernement, (…) mais n'est pas dans l'opposition non plus», explicite le président du jeune parti.
«Je ne me reconnais pas dans le Nouveau Front populaire», précise-t-il, «non pas parce que je ne me reconnais pas dans certains socialistes, il y en a de très bien, mais parce que je ne peux pas imaginer de participer à une majorité avec [La France insoumise], c'est simple.» «Je pense que la démagogie a des limites. Elle en a à droite, elle en a à gauche aussi. Je ne participe pas non plus de cet enthousiasme pour un chef qui voit le jour autour d'un parti qui n'est pas du tout démocratique, LFI. Je pourrais parler de Jean-Luc Mélenchon parce que je suis sûrement, ici, celui qui le connaît le mieux pour l'avoir fréquenté très longtemps au Parti socialiste. Je n'ai aucune envie d'être le premier fusillé en tant que ''traître à la gauche''. Je n'ai rien à voir avec LFI et tout accord avec LFI me semble mortifère pour des sociaux-démocrates. Je me définis comme un social-démocrate européen et la Fédération progressiste regroupe des sociaux-démocrates européennes qui sont plutôt de centre gauche, ou de gauche, mais il y en a aussi de centre droit, des maires notamment, et, là encore, la fonction locale crée souvent l'envie de rassemblement.»
«Le vote LFI produit en quantité industrielle du vote RN», reprend François Rebsamen en citant Bernard Cazeneuve. «Le rêve de Jean-Luc Mélenchon, c'est de se retrouver face à Marine Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle.»
Toutefois, le social-démocrate salue le succès du «front républicain» qui, par opposition au Rassemblement national, a permis l'élection de nombre de députés estampillés Nouveau Front populaire : «il y a la force dont plus personne ne croyait capable le peuple français, c'est le front républicain qui a fonctionné, (…) quand il y a eu le danger RN, ceux qui se voyaient avec 220 députés se sont retrouvés avec 100 députés de moins. (…) Les gens vont voter quand il y a un enjeu».
La Fédération progressiste souhaite «participer à un rassemblement des forces démocratiques»
«On est une petite formation, amie, qui, par ma pratique ici et ailleurs, souhaite participer à un rassemblement des forces démocratiques qui se reconnaissent sur des valeurs assez simples. Il y a des valeurs historiques qui sont celles du Parti radical. (…) On veut participer au redressement national. (…) J'anime la commission des grandes villes de France urbaine pour discuter avec le gouvernement», développe François Rebsamen.
«Je respecte le président de la République, c'est normal ; je respecte aussi le Premier ministre, en tout cas, celui-là [NDLR : Michel Barnier]. (…) J'ai écouté la déclaration [de politique générale] du Premier ministre, on a affaire à un homme qui est ouvert au dialogue, qui fait preuve de diplomatie, qui recherche le compromis», analyse-t-il, «tout cela nous semble bien et doit nous permettre d'essayer de répondre ensemble – même si nous ne sommes pas dans la majorité – à trouver des solutions pour notre pays».
Pour Laurent Hénart, le RN et LFI sont «capables de défaire le pacte républicain»
Laurent Hénart rebondit en insistant sur «la même nocivité» du Rassemblement national et de La France insoumise : «les deux, à leur manière, sont capables de défaire le pacte républicain». «Le Rassemblement national en allant puiser dans le racisme, l'antisémitisme autour de cette espèce de terminologie de ''préférence nationale'' et en essayant toujours de stigmatiser les étrangers avec une sorte de confusion, qui est d'ailleurs toujours dans leurs propos, entre l'étranger en situation irrégulière, l'étranger légalement sur le territoire et même le François d'origine étrangère dont on ne sait pas jusqu'où ça va remonter. La France insoumise essaie de dénoncer les riches et les puissants et le fait d'une manière dangereuse quand les propos deviennent antisémites et communautaristes. Cette façon d'attiser la haine plutôt que le respect et cette façon de vouloir définir les personnes par des groupes, des communautés plutôt que de le faire en écoutant ce que les gens pensent et croient – le point de départ de la laïcité, c'est ça –, c'est dangereux».
«Le parlement se sent sous cloche», déplore Sylvie Vermeillet
Membre du Parti radical depuis 2012 après avoir adhéré auparavant à l'UMP, Sylvie Vermeillet a été conseillère départementale du Jura de 2015 à 2021. Siégeant dans le groupe parlementaire de l'Union centriste, elle est sénatrice du Jura depuis 2017 et vice-présidente du Sénat depuis 2023. À ce titre, elle a été chargée par le président Gérard Larcher d'adapter le fonctionnement du Sénat pour «mieux contrôler le gouvernement».
Une fois le débat lancé, la sénatrice témoigne que «le parlement se sent sous cloche et pas dans l'expression de sa dimension». Elle entend donc «contrecarrer une action trop verticale du président de la République». Pour la radicale, «la proportionnelle est indispensable» afin d'obtenir une «meilleure représentativité des citoyens».
Sylvie Vermeillet défend l'émergence d'une «identité de territoire» des intercommunalités
«La culture du compromis est nécessaire», insiste-t-elle, «les citoyens attendent des partis traditionnels un compris là où les extrêmes ont un objectif commun qui est celui de détruire les partis traditionnels».
Sylvie Vermeillet se dit en phase avec les propositions de François Rebsamen concernant la désignation des élus départementaux : «le périmètre du conseiller départemental ne veut rien dire du tout, (…) vous n'allez pas voir le conseiller départemental pour lui parler du RSA ; (…) les intercommunalités ont pris une telle place qu'il faut absolument qu'il y ait une émergence et une identité de territoire par rapport aux intercommunalités».
En revanche, la sénatrice sort un «joker» à l'écoute des propositions du social-démocrate concernant le mode de désignation au sein du Sénat.
«La Vème République a donné plus de pouvoir aux électeurs», relève Laurent Hénart
«Il faut changer les institutions de la République», enchaîne Laurent Hénart qui note toutefois qu'«il y a dans les fondamentaux de la Vème République beaucoup de choses à conserver» dont «l'élection du président de la République au suffrage universel direct», correspondant à «un des progrès de la Vème». «La Vème République a donné plus de pouvoir aux électeurs et la capacité d'influer directement sur plus de choses dans la République».
«L'inversion du calendrier a été une erreur», juge-t-il, «elle a fait disparaître les contre-pouvoirs face au président de la République». «Comme les Français cherchent des contre-pouvoirs, si les institutions ne les offrent pas, ils vont les chercher ailleurs d'où le côté cour d'assises expéditives des réseaux sociaux, d'où, parfois des demandes déraisonnables faites aux élus locaux à qui on demande de faire une jacquerie et de s'opposer à Paris alors que leur objectif est de produire localement du bien-être pour les habitants.»
Le radical considère que «la durée du mandat [du président de la République] doit être déconnectée de celle du parlement» pour éviter que la composition de l'Assemblée nationale soit «une simple réplique» de l'élection présidentielle.
«On a toujours défendu l'organisation de la proportionnelle dans les départements», rappelle le président du Parti radical, «ce que l'on a connu de 1986 à 1988 et, à l'époque, cela n'a pas empêché une majorité de se dégager et des alliances solides de se constituer».
«Il y a sûrement une rénovation à faire de l'outil référendaire»
Le radical se dit favorable au «référendum déconnecté du fait présidentiel». Il préconise de «l'helvétiser». «En Suisse, il tranche la question que l'on pose, il n'est pas question de sanctionner qui que ce soit.»
En fonction de quoi, Laurent Hénart imagine des
referenda reposant sur des «
scenarii» et non plus sur une logique binaire. «Il y a sûrement une rénovation à faire de l'outil référendaire.»
«Le périmètre intercommunal doit s'imposer comme un périmètre électoral pour le Département et la Région»
Constatant «les stratégies électorales des électeurs» lors des élections présidentielles – «on élimine dès le premier tour, pour éviter le scénario que l'on ne veut pas au second tour» –, Laurent Hénart considère qu'«il faut rétablir la sincérité» et compte pour cela sur la proportionnelle accordée à un «cadre départemental», de façon à avoir «un débat le plus localisé possible».
En termes de démocratie locale, «le périmètre intercommunal doit s'imposer comme un périmètre électoral pour le Département et la Région». Du côté du Parti radical, on envisage le Département comme «une commission territoriale de la Région».
Par conséquence, Laurent Hénart prône que le volet insertion du RSA soit confié à la Région en raison de sa compétence concernant «le développement économique».
Joël Mekhantar est favorable à «l'helvétisation du référendum»
Le chevénementiste Joël Mekhantar (divers gauche) se dit favorable, lui aussi, à «l'helvétisation du référendum».
Prenant appui sur le «Contrat social» de Jean-Jacques Rousseau, le professeur qui dirige le master de droit des ressources humaines de la fonction publique de l'université de Bourgogne propose un mode d'emploi d'un référendum rénové : «à la manière suisse, on a une initiative populaire en matière législative, (…) les parlementaires travaillent sur les initiatives qui ont été lancées, ils améliorent et on demande aux citoyens de se prononcer».
Laurent Baumann appelle à «clarifier l'organisation territoriale»
Durant les temps d'échanges, la proposition de s'inspirer des votations suisses semblent faire consensus parmi les participants même si Claire Vuillemin souligne l'importance de l'abstention dans la fédération tandis que Sylvie Vermeillet note que «la Suisse n'échappe pas aux dérives extrêmes».
Pour sa part, Laurent Baumann appelle à «clarifier l'organisation territoriale» française car, depuis 2015, elle est perçue comme «désastreuse en termes de compréhension». Le social-libéral prône également «une clarification de l'action publique», accompagnée d'«une culture du bilan», et incite à «développer en profondeur la démocratie participative».
À son tour, Philippe Frei propose «un cursus scolaire» civique et invite à «ouvrir les commissions des mairies» afin d'«acculturer à la vie publique». Un citoyen âgé de 42 ans enchaîne en évoquant lui aussi «les cours d'éducation civique» qu'il a connus étant élèves et regrette que «les ados n'ont pas d'attrait pour savoir comment fonctionne notre pays». Il appelle à «remettre l'éducation civique dès l'école primaire».
Sylvie Vermeillet se dit «inquiète» de l'usage des réseaux sociaux : «les partis extrêmes ont beaucoup d'avance sur les partis traditionnelles, (…) il n'y a plus de leader totalitaire sans un ingénieur du numérique derrière lui». La sénatrice relève que «l'Italie n'a plus de parti traditionnel, il n'y a plus que des partis extrêmes». Et d'alerter : «si on ne travaille pas sur cette question, on est mort».
Jean-Christophe Tardivon












