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16/04/2022 20:29

PRÉSIDENTIELLE : «L'urgence est d'empêcher l'extrême-droite d'accéder au pouvoir»

Environ 300 personnes se sont rassemblées au centre-ville de Dijon ce samedi 16 avril pour soutenir les associations et syndicats qui ont exprimé des critiques à l'encontre de la politique d'Emmanuel Macron tout en signifiant une opposition encore plus forte aux propositions de Marine Le Pen.
Comment appeler à voter pour Emmanuel Macron quand on a passé cinq ans à critiquer sa politique ? C'était tout l'enjeu des appels au rassemblement partout en France ce samedi 16 avril 2022 alors que Marine Le Pen affrontera le président de la République sortant dans les urnes le 24 avril prochain.

À Dijon, environ 300 personnes se sont retrouvées place Darcy à l'appel d'associations de défense des droits de l'Homme notamment et de syndicats. Bon gré, mal gré, les participants étaient là pour assortir leur choix d'un bulletin Emmanuel Macron de nombreux «mais» préfigurant une future vigilance en cas de réélection (retrouver la liste des signataire de l'appel au rassemblement).

«Tous les démocrates sont les bienvenus»


«Tous les démocrates sont les bienvenus», indique Paul Garrigues, président de la section de Dijon de la Ligue des Droits de l'Homme à l'initiative de la mobilisation dijonnaise déclarée auprès de la préfecture de la Côte-d'Or.

Pour autant, les partis politiques font profil bas, préférant laisser l'expression aux associations et syndicats. Seuls les Jeunes Insoumis agiteront un drapeau de La France Insoumise et un autre de l'Union populaire durant la déambulation.

En revanche, plusieurs personnalités politiques locales sont présentes, dans la discrétion : Caroline Carlier (Génération.s), Patrice Chateau (écologiste indépendant), Catherine Hervieu (EELV), Dominique Guidoni-Stoltz (LFI), Stéphane Guinot (LFI), Patricia Marc (LFI) ou encore Philippe Schmitt (EELV).

À noter que les membres du Syndicat des avocats de France étaient venues en nombre, dont Dominique Clemang, ancienne bâtonnière du barreau de Dijon.

«Il y a trop de danger pour qu'on puisse finasser»


«Il nous semble que l'arrivée de l'extrême-droite au pouvoir est un risque grave pour la démocratie notamment sur les bases des droits humains. Ce serait par exemple enlever complètement le droit d'asile, enlever tous droits aux étrangers. Au niveau international, ce serait la France qui basculerait dans le camp de Poutine. La France ne serait plus dans le camp des démocraties si l'extrême-droite arrivait au pouvoir», alerte Paul Garrigues.

«On est très critique des politiques qui sont aujourd'hui suivies en France mais on pense que l'arrivée au pouvoir de l'extrême-droite, ce serait une rupture vers quelque chose de beaucoup plus grave et une remise en cause de ce qui fait les fondements de la démocratie notamment sur la question du racisme», explique le militant associatif en amont de la manifestation.

La Ligue des Droits de l'Homme appelle clairement à choisir le bulletin d'Emmanuel Macron. «Il n'est pas notre ami, ça c'est sûr, mais il n'y aura pas douze bulletins de vote. (…) C'est le seul bulletin que l'on a contre Le Pen. (…) Face à l'extrême-droite, il y a trop de danger pour qu'on puisse finasser», justifie Paul Garrigues.

«Il y a eu une banalisation [des propositions de Marine Le Pen]. On trouve qu'il y a une grande responsabilité d'une partie du monde politique qui a banalisé ses thèmes en laissant croire qu'il y a un danger de l'immigration, en déformant complètement la laïcité pour en faire un truc de stigmatisation des musulmans. (…) Éric Zemmour a été son idiot utile en racontant tellement d'horreurs. Quand on regarde de près ce qu'elle dit – elle dit 'il ne faut plus d'allocations familiales pour les étrangers' qui paient quand même leurs cotisations, il faut le rappeler – de fait plus de droit d'asile, plus de régularisation, (…) mais ce n'est pas ça qu'elle a mis en avant. Elle a mis en avant 'je suis l'amie ds chats et du karaokés'. Nous, on ne pense pas qu'elle ait changé sur le fond mais elle a bien travailler son image et elle a été aidé par d'autres pour le faire», analyse-t-il.

«Nous voyons des étrangers nous dire de bien voter»


À peine Paul Garrigues prend-il le micro afin d'introduire les prises de parole «pour dire non à Marine Le Pen à l’Élysée» que fusent des «non à Macron» dans l'assistance. «Les temps sont difficiles, nous avons tous des choix difficiles à faire», déplore-t-il.

Le militant rappelle le combat de la Ligue des Droits de l'Homme pour «les droits des migrants», revendiquant «la régularisation de nos frères et sœurs qui vivent en France qu'elles que soient leur couleur, leur religion et leur nationalité» pour mieux dénoncer les propositions de la candidate souhaitant instaurer la «préférence nationale».

«Chaque jour, nous voyons des étrangers nous dire de bien voter, de ne pas laisser faire ça. Si certains ici peuvent hésiter, eux ont compris la catastrophe qui nous menace», insiste Paul Garrigues.

«Jusqu'au 24 avril, l'heure n'est pas à débattre [des] bilans. Ce temps viendra, notamment avec les législatives et ensuite avec les luttes que, dans tous cas, nous auront à continuer de mener. Aujourd'hui, l'urgence est d'empêcher l'extrême-droite d'accéder au pouvoir», martèle-t-il pour clore un propos très applaudi.

«L'héritière d'un parti fondé par des anciens collabos»


«Qu'elles que soient les colères, les frustrations et les conclusions, il reste une réalité de la vie politique : l'extrême-droite n'est en aucun cas un camp comme un autre car il est le camp du racisme, de la violence et du crime», déclare Dieynaba Balde, présidente du comité SOS Racisme 21. «Marine Le Pen a beau avoir lissé son discours, elle n'en demeure pas moins l'héritière d'un parti fondé par des anciens collabos et des défenseurs de l'Algérie française et elle compte mettre en œuvre le programme historique du Front National.»

La militante associative critique tout particulièrement le principe d'un référendum destiné à «déroger à la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen» vu comme permettant «la légalisation des inégalités et des discriminations raciales».

«Nous voterons pour Emmanuel Macron le 24 avril car c'est le seul bulletin de vote pour battre l'extrême-droite qui est le seul camp politique qui est fondé sur le refus de l'égalité», clame Dieynaba Balde. «Punir Emmanuel Macron dans les urnes ne reviendrait qu'à nous punir nous-même.»

«L'égalité est contraire au projet de l'extrême-droite»


Représenté par Sylviane Flamand, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) est à l'unisson de la LDH et de SOS Racisme : «autant nous avons condamné régulièrement les atteintes aux droits humains et, en particulier, aux droits sociaux, (…) maintenant, il s'agit de défendre les principes républicains et, en premier lieu, l'égalité qui est contraire au projet de l'extrême-droite».

La FSU combat «l'extrême-droite» et «les politiques néolibérales»


Le ton sera quelque peu différent avec la FSU. Christine Bernery, co-secrétaire départementale du SNUipp-FSU 21, lit un communiqué du syndicat enseignant dont plus de la moitié du texte est consacré à une critique en règle des «politiques néolibérales» du président de la République sortant vues comme «responsables de cette situation» (retrouver le communiqué).

«L'extrême-droite est l'ennemie des travailleurs et travailleuses, des droits syndicaux, de l'égalité entre les femmes et les hommes», déclare néanmoins la représentante de la FSU qui appelle «dans l’immédiat à lui infliger une défaite politique et à combattre ses idées par la défense des revendications qui, toutes, s’opposent à son programme».

D'ores et déjà, la FSU donne rendez-vous lors de la manifestation du 1er-Mai pour exprimer «le refus de l’extrême droite et de ses idées ainsi que l’exigence de mesures porteuses de progrès social, en faisant de la transition écologique un élément incontournable de ce mouvement».

«Le fascisateur» versus «la candidate fasciste»


Le crescendo revendicatif continue avec ATTAC 21 qui renvoie dos à dos Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le premier vu comme «fascisateur», la seconde comme «fasciste».

«Le score inédit des candidats d'extrême-droite est le résultat des politiques de casse des inégalités, (…) le dernier mandat d'Emmanuel Macron porte une responsabilité particulière tant les violences sociales et politiques déployées ont été fortes. Le président des riches a mené consciencieusement une casse des conflits sociaux, une casse des politiques économiques afin de servir les ultra-riches et les multinationales», analyse Anne Vernaton, co-porte-parole d'ATTAC 21 avec Agnès Salomon.

«Dans le même temps, Macron et ses ministres n'ont eu de cesse de légitimer les obsessions identitaires, les obsessions racistes de l'extrême-raciste. Pour reprendre l'expression de Frédéric Lordon, Macron a été le 'fascisateur' [NDLR : philosophe et économiste français, Frédéric Lordon a appelé à voter pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l'élection présidentielle]», lance Anne Vernaton.

Pour autant, la militante altermondialiste induit une hiérarchie entre les propositions des finalistes de la présidentielle : «l'accélération des politiques néolibérales, doublées pour Marine Le Pen d'une approche xénophobe et nationaliste, ne feront qu'accentuer [les] précarités et [l']exclusion. (…) La violence sera légitimée si l'extrême-droite accédait au pouvoir, l'islamophobie, l'antisémitisme, la xénophobie se rependrait largement dans les discours et dans les actes, les droits des personnes LGBTQIA+ seraient attaqués, les militants des mouvements sociaux et de l'opposition seraient menacés».

«Nous savons que l'extrême-droite est notre pire ennemie. Pas une voix de ceux qui se sont battus contre la politique antisociale, autoritaire et brutale de Macron, pas une voix ne doit aller vers l'autre candidate des riches, la candidate fasciste. Pas une voix pour Marine Le Pen», conclut-elle sous un tonnerre d'applaudissements.

Tout comme la FSU, ATTAC 21 salue le score de Jean-Luc Mélenchon sans le nommer, préférant évoquer respectivement  «des forces de progrès social» et «une gauche de rupture avec le productivisme».

«No pasaran»


Alors que fusent d'un côté des «No pasaran» («ils ne passeront pas»), cri de ralliement des républicains lors de la guerre d'Espagne et symbole antifasciste,  et, de l'autre côté, des propos houleux émis par quelques militants Gilets jaunes et anti-passe sanitaire stationnant au voisinage de la manifestation, Paul Garrigues donne le signal du départ.

La brève déambulation, jeunes féministes en tête, conduit alors le cortège de la place Darcy à la place de la République où la dispersion s'effectue dans le calme.

Jean-Christophe Tardivon