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06/06/2021 19:48
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RÉGIONALES : Éric Piolle reproche au gouvernement d'aller sur «les terres idéologiques du Rassemblement National»

«Ça fonctionne cette écologie au pouvoir», tel est le message que le maire qui a conquis Grenoble en 2014 est venu faire passer ce samedi 5 juin à Dijon. Fustigeant les «thématiques de fracture», l'écologiste pressenti pour être candidat à la présidentielle entend réagir à «l'instrumentalisation de la laïcité par le gouvernement».
Depuis octobre 2020, Éric Piolle réalise un déplacement par semaine pour soutenir des candidats aux élections régionales ou départementales. Il entend faire profiter de son bilan de maire de Grenoble depuis 2014.

Ce samedi 5 juin 2021, le Grenoblois était accueilli à Dijon par Stéphanie Modde, tête de liste «Écologistes et solidaires» pour les régionales.

«On a montré en 2014 que l'écologie pouvait au pouvoir et on a monté que ça marchait», assure celui qui a été le premier membre d'Europe Écologie Les Verts à conquérir une ville de plus de 100.000 habitants.

Éric Piolle est également pressenti pour être candidat à la primaire de l'écologie, censée désigner à l'automne le candidat de l'écologie politique pour la présidentielle de 2022. Il annoncera sa décision après les régionales.


Des soupçons de «favoritisme»


Dans le cadre d'une enquête préliminaire portant sur des soupçons de «favoritisme», Éric Piolle a été entendu par la police judiciaire de Valence le 1er juin dernier. Depuis 2015, la Ville de Grenoble organise un rassemblement populaire annuel, la Fête des Tuiles. La chambre régionales des comptes pointe des «irrégularités importantes», estimées à 300.000 euros HT, en lien avec l'attribution d'une partie de l'organisation du festival à l'association Fusée.

«C'est une affaire locale avec une différence d'appréciation entre la chambre régionale des comptes et la Ville sur une procédure de marché public. Il y a deux procédures de marchés publics, la Ville en a choisie une, la cour des comptes trouvait qu'il fallait prendre l'autre... Ça fait trois ans que, petit à petit, ce dossier avance. (...) J'ai été bien traité. Je ne pense pas que ce soit politique. Je ne cherche pas à politiser l'affaire. Il y a un débat, il est légitime», explique Éric Piolle ce samedi

«Ça fonctionne cette écologie au pouvoir»


«On sent l'enfermement du modèle néolibéral du président du République, on sent qu'il y a un projet d'extrême-droite ou de droite réactionnaire à côté qui se met en place et nous on cherche à fédérer cet arc humaniste avec un projet positif qui répond aux enjeux d'aujourd'hui», contre-attaque l'écologiste.

«Ça fonctionne cette écologie au pouvoir, le monde ne s'est pas effondré. Le bassin d'emploi de Grenoble, c'est le deuxième taux de chômage le plus bas des métropoles de France et on a été reconnu par la Commission européenne comme Capitale verte de l'Europe pour 2022 et reconnu par les électeurs puisque nous sommes les seuls sortants aux élections des 25 premières villes de France à avoir gagné des voix entre 2014 et 2020. On a gagné 30% de voix, tous les autres ont perdu des voix», explique le maire qui a soufflé le titre de Capitale verte à la Ville de Dijon. «Ça suscite plutôt de l'adhésion, (…) on fait des changements dans l'espace public, sur l'alimentation, sur le logement, sur la mobilité, sur les grands sujets de la vie quotidienne», ajoute-t-il.

«Le signal de la peur»


Comme les nouveaux maires écologistes élus en 2020, Éric Piolle estime avoir vécu «une réaction très forte du système» en 2014 : «voir ce projet émergent qui, jusqu'à présent, était plutôt dans une logique de lanceur d'alerte et de contre-pouvoir dire que la maturité de la société et les enjeux à la fois de justice sociale et environnementaux fait qu'on est dans une logique de se fédérer dans un projet commun et, ça, ça marche. Du coup, ce qui étaient les attaques qu'on connaissait auparavant – on était les 'doux rêveurs', les 'utopistes' – ça ne marche plus et le pouvoir arrive avec les polémiques beaucoup plus violentes – les 'amish', les 'ayatollahs', les 'khmers verts'. C'est juste le signal de la peur».

«Les propriétaires ont peur de cette montée parce que ça suscite de l'adhésion à la fois chez les jeunes mais aussi chez les moins jeunes : chez les parents qui ont peur pour eux-mêmes, pour leurs enfants, chez tous ceux qui ont peut du déclassement. Le réchauffement climatique a des conséquences concrètes. Ici dans la région, on l'a vu avec le gel du mois d'avril. (…) Maintenant, on sait que l'impact du changement climatique est systémique, ça ne peut plus être un système assurantiel où l'on protège un risque individuel. C'est pour ça qu'on a besoin d'avoir des conseils régionaux qui soient aussi présidés par des écologistes qui puissent mettre en œuvre cette transition sur les grandes préoccupations des Français aujourd'hui», explique Éric Piolle.

«Il faut laisser de côté les sondages»


«Depuis l'automne, le gouvernement a choisi d'inscrire des thématiques de fracture avec Jean-Michel Blanquer sur la tenue des jeunes filles non-républicaine pour aller à l'école, avec le ministre de l'Intérieur sur le fait qu'il ait été par les rayons halal et casher dans les magasins, la ministre de l'Enseignement supérieur autour de l'islamo-gauchisme qu'il fallait purger de l'université et sur les thématiques de sécurité. À aller brouiller les valeurs et aller sur les terres idéologiques du Rassemblement National, ça crée un état d'esprit de marasme autour de ces questions sécuritaires et identitaires, qui sont légitimes mais qui sont aussi le reflet du fait qu'on se sente tous en insécurité», développe Éric Piolle.

«Cette insécurité est aussi climatique ; c'est ça qui me marque. Partout, je viens dire aux copains écolos qu'il faut laisser de côté les sondages qu'on a connus, nous donnant chaque fois dix points derrière les scores qu'on a fait réellement, et porter ce message positif qui est en adéquation avec une majorité culturelle qui se cherche et qui cherche un débouché politique», assure l'écologiste.

Éric Piolle fustige la «politisation» de la laïcité


Au passage, le maire de Grenoble répond sur le «mois décolonial», une série de débats du 2 au 15 juin portant sur la «décolonialisation» des arts ou des savoirs, sur le «racisme systématique» ou encore sur les «violences policières».

«C'est un festival associatif. On a clarifié la question, leur communication était un peu floue. On est très content que ces débats se fassent. Il faut phosphorer. Il y a des intellectuels qui viennent, des universitaires, des militants...», déclare le maire alors que la Ville de Grenoble a précisé le 27 mai dernier ne pas être «partenaire de l'événement».

Une fois encore, Éric Piolle contre-attaque : «ces questions de discriminations cumulées peuvent être importantes mais, clairement, aujourd'hui, il faut aussi réagir à cette volonté d'ostracisme qui est portée par l'instrumentalisation de la laïcité par le gouvernement. Je le vois avec la disparition de l'Observatoire de la Laïcité qui va devenir un comité interministériel. Je suis très choqué par cela. Cela politise la question de la laïcité alors que cette grande loi de 1905, ces grands débats que l'on peut relire avec Aristide Briand et d'autres, c'est une loi pour comment vivre ensemble, avec nos différences de spiritualité. La beauté de nos textes, c'est qu'ils ont été débattus pendant longtemps alors qu'on a vu, là, cette précipitation de vouloir casser cette histoire française».

«C'est quelque chose qui est censé nous fédérer. Aller en faire un vecteur d'attaques politiques et de stigmatisation, comme l'a fait le Printemps républicain et Manuel Valls, ça me semble malsain. Nous avons les textes. Ma conviction dans le domaine, c'est que la loi de 1905, les débats qui ont précédé et notre façon d'arriver à un consensus sur la loi de 2004 notamment nous permettent aujourd'hui, d'avoir un cadre collectif et ce n'est pas la peine de venir stigmatiser une population ou une autre. Remonter les problèmes liés à la laïcité – des problèmes du terrain qui existent (…) – à un organe ministériel, donc politisé, je ne crois pas que cela va dans le bon sens», alerte Éric Piolle.

Un arc humaniste allant des déçus du macronisme jusqu'à La France Insoumise


En réponse sur les alliances possibles en vue de la présidentielle, Éric Piolle appelle à «se fédérer derrière un projet» car la question c'est «la victoire pour faire quoi». Un projet qui pourrait réunir à partir des «déçus du macronisme» pour aller jusqu'à La France Insoumise, de Matthieu Orphelin jusqu'à Jean-Luc Mélenchon.

L'écologiste précise sa pensée : «la dimension politique, partisane, n'est qu'un bout. Nous ne pourrons pas ni susciter un élan suffisant, ni exercer le mandat à l’Élysée sans avoir aussi ce travail avec la société civile et avec les syndicats. C'est aussi dans cette dimension-là que je porte cet arc humaniste (…) sinon on va se retrouver scotché au mur comme l'avait été le Parti Socialiste en 1981 sauf que les puissances de l'argent ont pris de la force pendant ces quarante années d'impuissance politique».

Propos recueillis par Jean-Christophe Tardivon

«Des écologistes au pouvoir, c'est bon pour l'emploi, c'est bon pour la planète, c'est bon pour notre santé», déclare Stéphanie Modde



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