Nouveauté pour la saison épidémique 2023-2024 : les bébés nés après le 6 février peuvent bénéficier gratuitement d'une campagne d'immunisation.
Sujet d'ampleur de santé publique, la bronchiolite aiguë est une infection respiratoire virale qui touche chaque année près de 480.000 nourrissons. Particulièrement précoce et grave, la précédente épidémie annuelle est survenue dès la mi-octobre 2022. Il s'agissait de l'épisode le plus intense depuis 10 ans. 27.000 bébés ont dû alors être hospitalisés.
Dans ce contexte, le ministère de la Santé a instauré «une politique de prévention de la bronchiolite», ainsi que l'a indiqué Alain Morin, directeur de la santé publique de l’Agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté, ce jeudi 21 septembre 2023, à Dijon.
En effet, les risques peuvent être réduits par le recours aux gestes barrières et par un nouveau traitement préventif à base d'anticorps monoclonal, le Beyfortus développé par Astra Zeneca et commercialisé par Sanofi. D'où une campagne d'immunisation lancée depuis le 15 septembre dernier.
«Évitons un contact avec les mains des bébés qui sont un vecteur de transmission»
«C'est une maladie qui touche les enfants», rappelle d'emblée avec gravité Alain Morin en présentant les enjeux de la campagne d'immunisation. Elle a aussi «un fort impact en termes de charge de travail sur les services de santé».
«Il y a l'axe des gestes barrières qui sont importants et, cette année, l'arrivée de nouveaux traitements préventifs qui sont un réel espoir dans le traitement de la maladie», expose-t-il.
«Un bébé est une personne fragile», souligne le représentant de l'ARS, «quand on le ramène dans la famille, tout le monde veut le toucher et faire des bisous mais c'est comme ça qu'on va le contaminer». «Évitons un contact avec les mains des bébés qui sont un vecteur de transmission. Si on est malade, même une simple rhinite, on met un masque, on se lave les mains, on aère les pièces.»
Le virus étant très contagieux, les autorités de santé déconseillent également d'utiliser les transports en commun, de fréquenter les centres commerciaux et de participer aux grandes réunions de familles pendant quelques semaines.
«Les gestes barrières marchent pour toutes les maladies», insiste Alain Morin, «il y a d'autres virus qui circulent».
27.000 nourrissons hospitalisés en 2022-2023
Le professeur Frédéric Huet, chef du service de pédiatrie du CHU Dijon Bourgogne, se penche à son tour sur les effets de l'épidémie de la bronchiolite sur «l'échelon individuel pour le bébé et l'échelon organisationnel des établissements de santé».
«La bronchiolite est la bronchite du nourrisson», précise le pédiatre. «Les bronches du bébé sont très fines, le moindre petit obstacle a un retentissement quasi immédiat chez le nourrisson. Chez les petits bébés, cela s'exprime par le nez qui coule, une toux qui s'installe et un encombrement des bronches».
La toux sécrétante va gêner le nourrisson qui va arrêter de manger, présenter un malaise au biberon, une respiration difficile qui peut aboutir à une cyanose des extrémités des membres par défaut d'oxygène.
En règle générale, une fois atteint l'âge de deux ans, 90% des nourrissons ont été en contact avec le virus respiratoire syncytial (VRS), responsable de la bronchiolite.
En moyenne, un tiers d'entre eux expriment des symptômes – soit près de 480.000 bébés par an – dont 50.000 à 90.000 vont devoir être pris en charge dans un service d'urgence pédiatrique. Parmi ceux-ci, encore un tiers sont hospitalisés, soit 27.000 nourrissons durant la dernière saison épidémique. Parmi ces derniers, 10% nécessitent un séjour en réanimation. Chaque année, on constate environ 20 décès.
Les anciens prématurés sont particulièrement sensibles
Il n'existe aucun traitement curatif. Les soins d'accompagnement sont constitués d'une sonde pour administrer le lait, de lavages de nez et d'aide à respirer par de l'oxygène ou des supports ventilatoires.
En moyenne, la maladie dure entre 7 à 10 jours. Mais certains bébés bien portants peuvent garder des symptômes jusqu'à un mois après. Qui plus est, le VRS est un facteur prédisposant à l'installation d'un asthme à long terme.
Les anciens prématurés sont particulièrement sensibles. Pour eux, les risques sont plus importants de faire des séjours hospitaliers ou dans un service de réanimation.
«C'est vraiment une maladie grave qui concerne la population générale, les nourrissons sains et une maladie réellement très contraignante pour les bébés anciens prématurés», insiste le professeur Frédéric Huet.
Le Beyfortus est «un traitement préventif remarquablement efficace»
Faute de mise au point d'un vaccin, les pédiatres attendaient la possibilité d'utiliser un traitement préventif reposant sur des défenses immunitaires contre le VRS.
Habituellement, pendant les trois premiers mois de vie un bébé utilise les anticorps de sa mère transmis par le lait. En revanche, pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de la Covid-19, il y a eu une nette diminution des autres maladies virales donc les futures mères ont été très peu immunisées contre le VRS.
Durant l'épidémie de bronchiolite de la saison 2022-2023, les nourrissons ont bénéficié de très peu d'anticorps d'où une intensité particulièrement sévère.
Le laboratoire Astra Zeneca a développé un anticorps monoclonal qui remplace les anticorps de la mère afin d'empêcher la progression du virus dans les cellules du bébé.
Selon le pédiatre dijonnais, le Beyfortus est «un traitement préventif remarquablement efficace» qui diminue de 80% le risque de faire une bronchiolite et 83% la probabilité d'être hospitalisé, cela avec de faibles effets indésirables.
Le ministère de la Santé a donc lancé, le 15 septembre dernier, une campagne reposant sur l'enjeu de traiter le plus tôt possible les bébés à la maternité par une injection intramusculaire réalisée par les pédiatres.
Le professeur Frédéric Huet attend de cette campagne d'«avoir beaucoup moins de bébés malades ou très malades et pouvoir organiser les soins de façon sereine dans les services de pédiatrie».
«Le risque d'avoir une bronchiolite est diminué par l'allaitement»
«L'ensemble des épidémies d'origine virale sont prévenues grâce à l'allaitement maternel», souligne par ailleurs le professeur Frédéric Huet, donc «le risque d'avoir une bronchiolite est diminué par l'allaitement prolongé sur trois mois». «Même si la maman a peu d'anticorps, il y a dans le lait maternel d'autres molécules antinflammatoires et antivirales qui n'existent pas dans le lait industriel».
«Les gestes barrières protègent de la gastroentérite», note de surcroît le pédiatre.
Au CHU Dijon Bourgogne, un pic épidémique à 120 passages quotidiens
La Bourgogne-Franche-Comté compte environ 26.000 naissances chaque année dont 3.200 se déroulant à la maternité du CHU Dijon Bourgogne.
Lors de la saison épidémique 2022-2023, l'établissement de santé dijonnais a compté entre 700 et 1.000 passages aux urgences pédiatriques, dont environ 260 hospitalisations, dont environ 70 réanimations et aucun décès direct. Au plus fort de l'épidémie, cela a représenté jusqu'à 120 passages quotidiens aux urgences pédiatriques.
«À la maternité, nous sommes prêts !»
Le professeur Emmanuel Simon, chef du pôle de gynécologie-obstétrique et biologie de la reproduction du CHU Dijon Bourgogne, explique que l'information est apportée aux couples par les pédiatres en maternité au lendemain de l'accouchement lors de réunions collectives entre parents.
En cas d'accord, le Beyfortus est effectivement injecté au deuxième jour après l'accouchement. Les parents qui ont besoin de temps pour réfléchir reçoivent une ordonnance pour retirer le Beyfortus en pharmacie, là aussi gratuitement, pour une injection administrée par un pédiatre en dehors de la maternité.
«On est tous mobilisés pour avoir une information très complète sur ce sujet», relève le gynécologue-obstétricien en référence à l'information reçue par les autres professionnels de santé. «À la maternité, nous sommes prêts !»
Ouverture du traitement aux nourrissons nés après le 6 février
À la maternité du CHU Dijon Bourgogne, depuis le 18 septembre dernier, la totalité des parents de la quarantaine de bébés nés ont donné leur accord pour l'administration du Beyfortus, notamment après des échanges entre parents portant sur les effets de la bronchiolite.
L'objectif est de couvrir la population des bébés de moins d'un an, donc nés depuis le 6 février 2023. L'injection est efficace pendant 5 mois afin de couvrir la saison épidémique 2023-2024 du virus de la bronchiolite.
Ainsi, les parents de bébés ayant déjà quelques mois peuvent également se tourner vers leur pédiatre dans le contexte de la médecine de ville. Le Beyfortus est intégralement pris en charge par l'Assurance maladie, gratuitement, sans reste à charge.
Pour la saison 2024-2025, les bébés de plus d'un an ne seront donc plus concernés et de nouvelles solutions sont attendues, reposant sur la potentielle vaccination de la mère.
Jean-Christophe Tardivon
Santé Publique France rappelle les gestes simples à respecter en présence de jeunes enfants
· Se laver les mains avant et après chaque change, tétée, repas ou câlin ;
· Aérer régulièrement l’ensemble du logement ;
· Porter un masque en cas de rhume, toux ou fièvre ;
· Éviter d’emmener son enfant dans les endroits publics confinés ;
· Ne pas partager ses biberons, sucettes ou couverts non lavés ;
· Ne pas fumer à côté des bébés et des enfants.