Ce vendredi 22 juillet, Nadiège Baille a effectué un point sur la
situation estivale et les perspectives de la rentrée. La directrice de l'établissement de santé dijonnais a indiqué
que 225 lits seraient fermés durant l'été.
L'hôpital public est en crise mais le CHU Dijon Bourgogne s'en sortirait de façon «presque miraculeuse». La présentation de la situation faite lors de la visite du ministre de la Santé le 8 juillet dernier n'a pas manqué de surprendre, notamment concernant la problématique des «lits fermés».
Le vendredi 22 juillet 2022, Nadiège Baille, directrice générale de l'établissement de santé dijonnais, support du groupement hospitalier de territoire Côte-d'Or-Haute-Marne (GHT 21-52), a répondu aux questions d'
Infos Dijon pour effectuer un point de situation sur la façon dont le CHU traverse l'été.
Des suspensions de lits sans réduction du capacitaire global
Les «fermetures de lits» constituent un indicateur commode pour envisager les variations d'activité d'un établissement de santé. Il s'agit d'une activité temporairement suspendue dans un service.
Certains hôpitaux redéploient dans différents services les personnels rattachés aux «lits» concernés mais la direction du CHU Dijon Bourgogne indique se refuser à le faire, ou alors de façon marginale, «pour préserver les collectifs de travail».
Dans l'ensemble d'une année, ou d'une période, en l'occurrence l'été, on considère généralement le cumul des lits temporairement suspendus, ce qui ne correspond donc pas au nombre de lits se trouvant sans accueillir de patients à un instant T.
Quand un établissement de santé voit son nombre de patients potentiels durablement revu à la baisse, principalement pour une restructuration financière comme une diminution de sa dette, on parle alors de réduction capacitaire. Ce qui n'est pas le cas au CHU Dijon Bourgogne.
Entre les printemps 2019 et 2022, une situation «à l'équilibre»
«En juin, nous avions davantage de lits de médecine ouverts qu'en 2019», déclare d'emblée Nadiège Baille qui assume les propos tenus devant son ministre de tutelle. «Ce que j'ai expliqué au ministre, c'est que l'on ferme si on a un cluster dans une unité, les chambres doubles, on les transforme en chambres simples donc, mécaniquement, il y a des fermetures de lits. Tant qu'il y aura une circulation virale, (…) ça va perler indépendamment des sujets de manque de personnels qui préoccupent le ministre.»
«À Dijon, depuis deux ans, dès l'été 2020, on a eu des campagnes de recrutements relativement conséquentes», rappelle la directrice. «J'avais pris cette décision en me disant que la crise sanitaire allait durer et qu'il fallait prévoir des renforts de personnels non pas pour quelques mois mais au long cours.»
Parallèlement, en développant son projet d'établissement, le CHU Dijon Bourgogne complète son unité de médecine, la portant à 15 puis 26 lits en mai 2022, et réorganise la capacité de la chirurgie.
«Concrètement, si on compare la médecine et la chirurgie, entre juin 2019 et juin 2022, à Dijon, il y avait plus de lits ouverts», insiste Nadiège Baille qui concède toutefois que, par ailleurs, il y avait «moins de lits ouverts» en soins de suite et réadaptation (SSR) du fait de personnels contaminés par le SARS-CoV-2 et de travaux en cours dans le service.
Dans l'ensemble, entre 2019 et 2022, l'établissement de santé est à l'équilibre. «C'est miraculeux», martèle-t-elle, «c'est l'engagement de toute une communauté».
Parcoursup complique les recrutements
Pour préparer l'été 2022, une nouvelle campagne de recrutements a été lancée sauf que la mise en place en 2020 de Parcoursup pour orienter vers les études de soins infirmiers a compliqué la donne, faute de critère géographique.
Au niveau national, certains étudiants se sont retrouvés dans la formation par défaut et l'on estime à 30% les défections survenues en cours de cycle. «Il y a moins de diplômés cette année», résume la directrice. De plus, les nouveaux diplômés sont plus nombreux à attendre septembre pour commencer leur activité professionnelle.
«Les métiers du soin sont des métiers magnifiques, d'une richesse absolument incroyable mais ce ne sont pas des métiers faciles, ce ne sont pas des métiers d'opportunité», relève Nadiège Baille.
Le CHU dijonnais s'est donc retrouvé en concurrence avec les établissements de toute la France et a dû faire preuve d'attractivité. «Nous avons une politique d'intégration que nous préservons avec trois semaines de tutorat pour tous les jeunes professionnels, (…) on pense qu'en terme de qualité de prise en charge c'est important», explique la directrice qui espère voir en 2023 l'effet de la correction apportée en 2021 aux critères de Parcoursup.
Fermeture nette d'«une vingtaine de lits» durant l'été 2022
La situation est donc «tendue» du côté des recrutements opérationnels dès cet été. Cela alors que la direction a décidé de «préserver les congés des professionnels», les équipes ayant dû affronter la crise sanitaire. Mécaniquement, ces congés diminuent l'activité programmée et conduisent eux aussi à des fermetures de lit.
Il s'agit là d'«une tendance plus forte en 2022 qu'en 2019», signale Nadiège Baille qui indique que, en cumulé, 185 lits avaient été fermés durant l'été 2019 quand 225 lits fermeront sur l'ensemble de l'été 2022.
Le capacitaire du CHU Dijon Bourgogne ayant augmenté entre temps, à périmètre constant, la directrice n'envisage qu'une fermeture nette d'«une vingtaine de lits». Le capacitaire global devant continuer de progresser en 2023.
Néanmoins, la directrice reconnaît un fonctionnement de l'établissement de santé en «mode dégradé» durant l'été – sans pour autant atteindre «un fonctionnement à risque» – avec un effet marqué principalement en SSR ainsi que pour les activités les plus sujettes à une programmation : endocrinologie, médecine, chirurgie...
Un bed management en temps réel
Dans ce contexte, la gestion de lits (
bed management en anglais) prend de l'importance. Depuis deux ans, un cadre de santé du CHU Dijon Bourgogne assure «en temps réel» la fonction de gestionnaire de lits à l'échelle de la Côte-d'Or. Il a récemment reçu un renfort pour le week-end et la nuit.
Au niveau du CHU Dijon Bourgogne, il existe une cellule de gestion estivale qui se réunit tous les mercredis. «On gère pour repérer les difficultés, les anticiper et apporter si besoin les solutions adaptées», explique Nadiège Baille.
À cela s'ajoute un temps d'échange sur la situation territoriale tous les lundis avec l'agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté pour faire le lien avec l'ensemble des établissements du GHT 21-52, du secteur de Beaune et du secteur privé. «L'ARS vient de mettre en place un point sur l'activité de réanimation et de soins critiques», indique la directrice.
Une innovation pour les patients ayant une pathologie médico-chirurgicale
Plus spécifiquement, le thésaurus médical d'orientation des patients médico-chirurgicaux a été créé en mai dernier pour réagir à une forte activité aux urgences conduisant à un manque de lit en médecine.
Habituellement, les patients devant être hospitalisés en sortie des urgences sont orientés dans une unité adaptée à leur pathologie ; si cette unité ne dispose pas de lits, les patients sont hébergés dans une autre unité. «C'est une situation compliquée pour l'organisation», concède Nadiège Baille.
Le dispositif du thésaurus en question facilite la prise en charge de patients ayant une pathologie médico-chirurgicale dans un service de chirurgie en aval des urgences. Un «très beau travail», selon la directrice, qui a retenu l'attention du ministre de la Santé, urgentiste de profession.
Forte variation de l'absentéisme
Contamination par le SARS-CoV-2, épuisement des équipes, questionnement sur le sens de l'activité, interrogation sur la vaccination... l'absentéisme a augmenté au CHU Dijon Bourgogne, passant d'environ 8% en 2019 à environ 12% en mars 2022.
Selon la direction, la situation était en train de s'améliorer en fin de printemps quand est apparue la septième vague liée à un sous-variant d'Omicron a commencé à circuler.
Concernant les soignants suspendus pour refus de vaccination contre la Covid-19, la direction dénombre «quatre professionnels».
Le CHU, un recours régional
Plus grand établissement de santé de Bourgogne-Franche-Comté, le CHU de Dijon apparaît comme un recours quand un centre hospitalier du territoire connaît des difficultés.
La directrice relativise cependant l'impact sur le CHU puisque, concernant la baisse d'activité des urgences du centre hospitalier de Dole, les patients sont répartis par la régulation sur différents hôpitaux de la région.
Concernant les difficultés de l'unité de chirurgie du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, Nadiège Baille reconnaît un «impact sur la chirurgie d'urgence» tandis que le CHU accompagne l'hôpital chalonnais en mobilisant des praticiens pour lui permettre de maintenir son activité d'urgences.
De la même façon, la direction du CHU suit la situation de la maternité de Nevers où la réserve sanitaire a été mobilisée pour stabiliser l'activité. En lien avec l'ARS, l'URPS et les ordres, le CHU se garde la possibilité de mobiliser des sage-femmes ou des obstétriciens pour accompagner le centre hospitalier neversois.
«Je ne crois pas que nous reviendrons au monde de 2019»
L'ensemble des aspects de la situation font que la direction n'envisage pas un retour à la normale en septembre prochain. Plutôt qu'un monde d'«après-Covid» qui induirait que l'on a tourné la page de l'épidémie, Nadiège Baille semble envisager un monde qui «fait avec» le maintien de la circulation de cette zoonose. «Le normal voudrait dire qu'il n'y a plus de crise sanitaire Covid», glisse-t-elle.
«Il y a des campagnes de vaccination et on ne cessera jamais de dire à quel point il faut se faire vacciner. On a eu de la chance en France d'avoir une telle politique vaccinale», ajoute la cadre de santé.
«On est revenu dans un fonctionnement très actif, avec des progressions très sensibles ; sur certaines spécialités, on a une activité supérieure à 2019. (…) On a repris les projets, on a repris un fonctionnement de CHU, de formation, de projets, d'investissements immobiliers, de recherche... On a repris cette dynamique avec des contraintes que nous n'avions pas en 2019 : la pandémie, la crise économique, la crise sociale... Le CHU est très en phase avec ce que vit la société. (…) Je ne crois pas que nous reviendrons au monde de 2019», analyse-t-elle en référence à la «transformation sociétale» et à la «crise climatique» en cours.
«Le CHU sait s'adapter et sait se mobiliser»
Toutefois, pour septembre, 85 recrutements sont confirmés et d'autres sont en cours : «il y a des situations à gérer sur les postes de nuit ou la gériatrie, les blocs opératoires. C'est un travail de tous les instants pour anticiper. L'équipe médicale, paramédicale de direction est mobilisée. Globalement, le CHU aura une reprise d'activité qui devrait se dérouler comme prévu».
«On est très vigilants, on a montré pendant deux ans de crise que le CHU sait s'adapter et sait se mobiliser», assure la directrice, «on continuera pour répondre aux besoins de santé de la population». «On a un CHU remarquable avec une communauté professionnelle qui se réunit facilement avec un grand sens des responsabilités.»
Le CHU demande d'ouvrir une formation d'IBODE à Dijon et Nevers
Pour le moyen terme, un dossier particulier a été exposé au ministre de la Santé : celui concernant le développement de la formation d'infirmier de bloc opératoire (IBODE). Un métier pour lequel il existe un règlement spécifique.
Alors que le centre hospitalier régional universitaire de Besançon accueille une formation IBODE fonctionnant une année sur deux, l'établissement de santé dijonnais est un des rares CHU à ne pas disposer d'une école IBODE dans ses locaux. D'où un taux d'IBODE de seulement 28%.
La directrice a donc rappelé au ministre avoir demandé à la direction de la santé une autorisation pour installer à Dijon une antenne de l'école de Besançon permettant d'ouvrir dix places chaque année pour les professionnels de Dijon, Chalon-sur-Saône ou encore Mâcon. Une antenne pourrait également être implantée à Nevers.
La Région Bourgogne-Franche-Comté finance la formation IBODE seulement pour la dimension de formation initiale. En cas d'accord pour ouvrir une antenne à Dijon, le CHU prendrait à sa charge le financement de la formation professionnelle.
Jean-Christophe Tardivon