L'installation prend exemple sur les «trauma centers» existant au Japon. Comme le revendique le CHU dijonnais, «ces équipements dernier cri servis par des équipes de haut niveau constituent une opportunité exceptionnelle» pour la Bourgogne et la Haute-Marne.
Le CHU Dijon Bourgogne est désormais doté de deux salles multimodales uniques en France. Situées au sein du plateau technique interventionnel de l’hôpital François-Mitterrand, à proximité des blocs opératoires, des salles de radiologie interventionnelle et des salles de réveil, ces deux salles entrent progressivement en fonctionnement depuis le mois de juin 2023.
Qu’est-ce qu’une salle multimodale ? C’est un bloc dans lequel sont réalisés simultanément des actes chirurgicaux et des actes de radiologie interventionnelle sous diverses formes : scanner, radioscopie, échographie, angiographie...
Ce concept est déjà largement développé dans des pays étrangers, notamment au Japon sous la forme de « trauma centers » par exemple. Il existe déjà des salles multimodales dans plusieurs centres hospitaliers en France. Mais l’équipement déployé au CHU Dijon Bourgogne est unique en son genre dans l’Hexagone dans la mesure où il est utilisé pour plusieurs spécialités : il s’agit de salles multimodales pluridisciplinaires, ce qui en fait leur originalité. Les salles seront ainsi utilisées aussi bien pour la radiologie interventionnelle que pour la chirurgie vasculaire, la neurochirurgie du crâne et du rachis et l’orthopédie.
Situées au niveau -2 du CHU Dijon Bourgogne, ces salles multimodales ont été créées dans des locaux jusqu’alors inoccupés, à proximité des 25 blocs opératoires du plateau technique interventionnel. La première est orientée vers la radiologie interventionnelle, la seconde vers la chirurgie. Chacune d’elles s’étend sur environ 45 mètres carrés, superficie nécessaire pour installer l’ensemble des appareils d’imagerie.
Une salle multimodale permet d’effectuer simultanément les gestes chirurgicaux en bénéficiant d’une imagerie de pointe qui permet au chirurgien de visualiser ses actes en temps réel, en utilisant plusieurs technologies dernier cri. Les avantages sont nombreux :
- La salle multimodale permet de pratiquer une chirurgie moins invasive,
- L’intervention est également plus précise et plus sûre pour le patient puisque le praticien peut guider ses gestes grâce à l’imagerie per-opératoire.
- Le contrôle post-opératoire peut être réalisé sur-le-champ, ce qui évite de faire revenir le patient pour l’examen d’imagerie et, si nécessaire, le cas échéant, de l’opérer à nouveau. La durée d’hospitalisation ainsi que le nombre de rendez-vous peuvent donc être réduits.
- Du fait de la haute performance des équipements, la prévention des rayonnements ionisants est meilleure, que ce soit pour le patient comme pour l’équipe médicale et paramédicale.
Les salles multimodales complètent le plateau technique du CHU Dijon Bourgogne, établissement de recours pour la Bourgogne et la Haute-Marne, soit cinq départements. Ces équipements dernier cri servis par des équipes de haut niveau constituent une opportunité exceptionnelle pour ce territoire. Ils contribuent à renforcer l’image d’un centre hospitalier d’excellence, facilitant le recrutement de personnels hautement qualifiés – notamment des infirmiers de bloc opératoire (IBO ou IBODE) pour lesquels des recrutements sont engagés. Ils renforcent enfin la notoriété, le rayonnement et l’attractivité du CHU, confortant son positionnement comme hôpital de référence au service des patients.
Des professionnels largement convaincus
« La salle multimodale orientée radiologie permet de réaliser les gestes habituels, tels que des traitements à visée oncologique, avec un contrôle en direct et un guidage scannographique qui garantissent une précision et une sécurité accrues. Pour le praticien, cela permet une évaluation en temps réel et donc, si nécessaire, un revirement de prise en charge. Il n’est plus nécessaire de déplacer le patient pour qu’il bénéficie de différentes modalités d’imagerie. Cette salle va permettre notamment de proposer un traitement amélioré pour les embolisations prostatiques. Dans l’autre salle, nous réalisons des traitements combinés radio-chirurgicaux qui, auparavant, nécessitaient plusieurs passages au bloc. Ces salles multimodales sont donc largement bénéfiques pour le patient. Elles représentent une évolution du métier pour les équipes : les personnels paramédicaux (manipulateurs, infirmiers...) sont très largement impliqués dans le fonctionnement de ces salles multimodales. Enfin ces salles laissent espérer, pour le CHU Dijon Bourgogne, des retombées scientifiques, grâce à la participation à des études, et des partenariats industriels intéressants. »
Professeur Romaric Loffroy, chef du pôle radiologie et imagerie médicale.
« Ces salles multimodales représentent un progrès considérable : elles permettent de cumuler plusieurs technologies d’imagerie, en particulier un bras robotisé pour l’angiographie et un scanner adossé à la table d’opération. Jusqu’à présent, nous utilisions par exemple des amplificateurs de brillance ; les écrans de grande dimension et de haute qualité dont nous disposons désormais offrent une image exceptionnelle. Les actes sont, par conséquent, plus rapides, ce qui permet de réaliser davantage d’opérations dans une journée et d’accepter plus de patients. Les équipes se sont habituées très rapidement à ces nouvelles salles : depuis le mois de juin, nous avons déjà réalisé une cinquantaine d’interventions. Le travail collaboratif avec les manipulateurs en électroradiologie facilite grandement l’opération. Ces salles multimodales pourront, demain, être utilisées par d’autres spécialités du CHU. Nous pouvons d’ores et déjà envisager qu’elles fonctionnent H24, ce qui permettra d’assurer des interventions en urgence sur des patients atteints de gros traumatismes par exemple. »
Professeur Éric Steinmetz, chef du pôle cœur poumon vaisseaux.
« Les salles multimodales réunissent, au même endroit, ce qui se fait de mieux en matière de bloc d’une part, d’équipements radiologiques d’autre part. Elles permettent des interventions de moins en moins invasives et de plus en plus sécurisées, grâce à l’imagerie per- et post-opératoire. Par exemple, nous procédons aujourd’hui à la mise en place d’implants dans la colonne vertébrale sous contrôle radiologique, ce qui permet une intervention sûre et précise ; le contrôle en fin d’acte permet de vérifier que l’opération répond aux objectifs. Nos salles étant pluridisciplinaires, les praticiens de diverses disciplines trouvent ici le moyen de faire évoluer leur chirurgie. »
Professeur Jacques Beaurain, chef du service de neurochirurgie
« Quand nous intervenions sur une malformation artéro-veineuse cérébrale, nous réalisions jusqu’alors une opération puis, quelques semaines plus tard, une angiographie, pour vérifier que la malformation avait bien été complètement retirée ; si ce n’était pas le cas, il pouvait être nécessaire de recourir à nouveau à une chirurgie. La salle multimodale présente cet avantage que l’artériographie sera désormais réalisée en per-opératoire ; l’examen supplémentaire deviendra inutile, ce qui représente une sécurité, un confort pour le patient, et également un intérêt économique. Ces salles vont changer la pratique professionnelle ainsi que la vie des patients. Très peu de centres hospitaliers en Europe réalisent une chirurgie vasculaire cérébrales avec imagerie per-opératoire : en fait, Dijon est seul dans ce cas avec Berlin, Amsterdam et Londres. »
Professeur Moncef Berhouma, neurochirurgien.
Une large mobilisation pour faire aboutir un projet ambitieux
Le projet de salles multimodales pluridisciplinaires est engagé depuis 2017 au CHU Dijon Bourgogne. « À cette époque déjà, il existait, au Japon notamment, des salles associant chirurgie et imagerie radiologique, explique Jérôme Boyer, ingénieur biomédical au sein de la direction des affaires économiques et logistiques (DAEL) du CHU. Nous avons repris et adapté le concept déployé là-bas : le patient est au centre du dispositif, les praticiens et les matériels viennent à lui. » La première étape du projet a consisté à recueillir les besoins, auprès des praticiens et des équipes paramédicales. « Nous souhaitions mettre en place plusieurs équipements d’imagerie qui devaient fonctionner ensemble, dialoguer entre eux, échanger des données. Il fallait les installer dans un contexte de bloc opératoire, répondant aux exigences les plus strictes, pour répondre à des besoins variés. »
Il a fallu ensuite répondre à une double complexité : la mise en place de technologies de pointe et l’agencement des salles. « Nous avons conduit une vraie réflexion sur l’ergonomie des salles : chaque élément devait être à sa place, sans perturber le travail des autres. Nous avons utilisé des logiciels de simulation 3D, des mises en situation, pour faire face à cette complexité. » La réflexion a duré deux ans, perturbée il est vrai par la crise sanitaire. Une fois le cahier des charges rédigé, l’appel d’offres a permis de retenir les fournisseurs Siemens et Getinge, le premier ayant fourni les modalités lourdes d’imagerie radiologique, et le second, les équipements de bloc opératoire ainsi que la création de la nouvelle zone opératoire avec la coordination du chantier, menée, pendant un an et demi.
Le chantier lui-même s’est avéré complexe, souligne Christine Philippon, directrice des services techniques du CHU : « Nous avons géré deux marchés de travaux, l’un pour les locaux, l’autre pour l’équipement des salles. Il s’agissait de réaliser deux nouvelles salles de bloc, qui répondent à des classes de risque élevées. Le chantier a été conduit en site occupé, il a nécessité la mobilisation de nombreux métiers, ressources et spécialités différents. Enfin l’opération a été compliquée par les délais liés à l’obtention de subventions, notamment européennes ». Les travaux ont nécessité notamment la démolition des murs maçonnés situés à proximité des salles de radiologie interventionnelle, ce qui n’était possible que quelques heures par jour ; un sas chantier hermétique a été aménagé et des trémies ont été réalisées dans la dalle pour aspirer les poussières dans le sous-sol et ne pas perturber le fonctionnement du plateau technique interventionnel. Le dialogue avec les équipes pluridisciplinaires (fédération des blocs, imagerie...) a permis de définir une organisation du chantier compatible avec la poursuite de l’activité chirurgicale. Il faut préciser que les travaux ont été interrompus en cours de route pour permettre le renforcement de la dalle haute afin d’accueillir, à l’étage supérieure, le quatrième IRM du CHU.
Afin de rendre ces deux salles borgnes plus chaleureuses, des décors ont été appliqués sur les murs, choisis avec les équipes et retravaillés par la direction des services techniques et par le service communication, qui a complété les visuels par des citations.
Depuis la livraison des deux salles en juin 2023, la montée en puissance se fait progressivement. « Ces salles de haute technologie nécessitent des paramétrages, des ajustements, des formations, ce qui explique qu’elles ne seront pas pleinement opérationnelles avant juin 2024 », explique Jérôme Boyer. Les équipes suivent une formation d’une semaine avant de pouvoir accueillir des patients. Les différents services accèdent progressivement aux salles : la chirurgie vasculaire depuis juin 2023, la neurochirurgie depuis septembre 2023, l’orthopédie en mars 2024.
La création de ces deux salles multimodales a représenté un investissement de 7 millions d’euros, dont 3 millions de travaux et 4 d’achat d’équipements. Cette opération a bénéficié du soutien de l’Union européenne dans le cadre du Fonds européen de développement régionale (Feder) à hauteur de 3,2 millions d’euros.
Inauguration des salles multimodales
Ce mercredi 22 novembre, Françoise Tenenbaum, conseillère régionale déléguée à la santé, Freddy Serveaux, directeur général du CHU Dijon Bourgogne et Alain Bonnin, président de la commission médicale d’établissement du CHU Dijon Bourgogne, ont inauguré les salles multimodales. L’occasion pour eux d’échanger avec les équipes soignantes sur les modalités de prises en charge des patients et les bénéfices de ce nouvel équipement.
Communiqué