Ce jeudi 24 octobre, dans l'agglomération dijonnaise, plusieurs entrepreneurs ont alerté le ministre de l'Industrie sur le besoin exponentiel en capitaux pour le développement de nouveaux médicaments. Marc Ferracci souhaite que le budget 2025 «préserve» le crédit impôt recherche.
Le gouvernement entend faire «une priorité» de «la reconquête de notre souveraineté sanitaire». Dans ce cadre, Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l'Industrie, a effectué un déplacement dans l'agglomération dijonnaise, ce jeudi 24 octobre 2024, afin de rencontrer des acteurs de l'industrie pharmaceutique et des concepteurs de dispositifs médicaux soutenus par le plan France 2030.
À la Maison régionale de l'innovation (MRI), à Dijon, le ministre a échangé avec des chercheurs et des entrepreneurs impliqués dans la mise au point du médicament de demain. À Fontaine-lès-Dijon, il a visité le site de production de médicaments en atmosphère contrôlée d'Astrea, implanté depuis 1987, puis il a répondu aux questions des journalistes.
Meilleur jeune économiste puis conseiller à Matignon et désormais ministre
Né en 1977, Marc Ferracci a croisé Emmanuel Macron durant ses études, à Sciences Po Paris. Il a été nominé pour le prix du meilleur jeune économiste de France en 2016.
Une fois devenu docteur en sciences économiques et agrégé d'économie, Marc Ferracci a soutenu Emmanuel Macron durant la présidentielle de 2017. Durant le premier quinquennat, le social-libéral a conseillé la ministre du Travail Muriel Pénicaud puis le Premier ministre Jean Castex.
En 2022 puis en 2024, Marc Ferracci a été élu député, sous l'étiquette Renaissance, dans la circonscription des Français de l'étranger comprenant la Suisse et le Liechtenstein.
Il est l’auteur et rapporteur de la proposition de loi visant à généraliser les
testings anti-discrimination. Voté à l'Assemblée nationale, le texte doit être examiné par le Sénat.
Le 21 septembre dernier, Marc Ferracci a été nommé ministre chargé de l'Industrie auprès du ministre de l'Économie dans le gouvernement Michel Barnier.
La Région Bourgogne-Franche-Comté accompagne le soutien de la medtech
Accompagné de François Rebsamen (PS, FP), maire de Dijon, et d'Anne Coste de Champeron, secrétaire générale aux affaires régionales de la préfecture de la région Bourgogne-Franche-Comté, Marc Ferracci a été accueilli à la MRI notamment par Catherine Hervieu (LE), députée de la Côte-d'Or, Laëtitia Martinez (PS), vice-présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté chargée de l’enseignement supérieur, la recherche, l’égalité réelle et la laïcité, Danielle Juban (REN), vice-présidente de la Métropole de Dijon déléguée au développement économique, attractivité, foires et salons, et Bénédicte Magerand-Blondeau, directrice générale de l'incubateur DECA-BFC.
Dans l'ambiance feutrée de la MRI, Laëtitia Martinez a vanté «la richesse et le dynamisme de l'écosystème de l'innovation» en Bourgogne-Franche-Comté. «La Région porte, aux côtés d'autres collectivités – la Métropole de Dijon –, une politique extrêmement volontariste en la matière. (…) L'innovation autour des biothérapies, autour de la medtech, est extrêmement puissante. On a des outils qui se spécialisent sur le soutien de la medtech. En Bourgogne-Franche-Comté, on a notre place, y compris sur la scène internationale, en matière de biothérapies.»
Le propos fait référence notamment à DECA BFC, un des 19 incubateurs français issus des lois de 1999 sur l'innovation et la recherche qui ont donné un cadre pour la valorisation de la recherche publique dans le secteur privé.
La biotech Ektah développe une molécule pour lutter contre l'obésité
Fondée et présidée par Xavier Boidevezi, la biotech Ektah vise à «apporter de nouvelles solutions thérapeutiques pour vaincre l'obésité et le surpoids dans le monde».
Dans le monde entier, l'obésité concerne un milliards d'individus. On estime que, chaque année, 4 millions de personnes meurent de pathologies associées.
La biotechnologie que développe Ektah est issue de la recherche académique menée au sein de l'université de Bourgogne et de l'INSERM. Des chercheurs ont découvert que le récepteur des goûts des éléments gras des aliments dysfonctionnait chez les personnes en situation d'obésité.
«Notre approche révolutionnaire est d'aller réactiver, en amont de la prise alimentaire, ce récepteur du goût du gras avec notre molécule brevetée en Europe et au Etats-Unis», a expliqué Xavier Boidevezi.
Le marché de ce type de molécules est estimé à 77 milliards de dollars d'ici 2030.
À ce jour, Ektah cherche à dépasser le stade du recueil d'informations pré-cliniques pour débuter un processus de test. Pour cela, la biotech doit lever quelques millions d'euros. «C'est extrêmement compliqué», a confié Xavier Boidevezi, bien que la startup ait été lauréate du concours i-Lab en 2023.
Advesya recherche des fonds pour réaliser une première mondiale
Marina Deschamps, présidente d'Advesya et co-fondatrice avec Christophe Ferrand, a expliqué que la biotech se positionne dans le champ du traitement de cancers et de maladies auto-immunes en s'appuyant sur la recherche académique menée au sein de l’Établissement français du sang, à Besançon.
Avec l'accompagnement du CHU Dijon Bourgogne et l'INSERM, un brevet a été déposé pour un médicament s'appuyant sur des cellules «reprogrammées» par génie génétique pour éliminer des cellules tumorales. Advesya travaille également au développement d'un anticorps ciblant des cellules tumorales.
En 2022, Advesya a levé 23 millions d'euros auprès d'un fonds d'investissement, ce qui a permis notamment de recruter 20 personnes pour mener des travaux pré-cliniques, 80% d'entre elles viennent de Bourgogne-Franche-Comté en ayant suivi des formations régionales.
La startup souhaite désormais financer à hauteur de plusieurs millions d'euros un essai clinique qui serait une première mondiale dans son champ d'investigation.
Archeon Medical a conçu EO Life pour monitorer l'oxygène en réanimation d'urgence
Comme l'a signalé Alban de Luca, son président et co-fondateur, Archeon Medical compte 25 salariés en tenant compte de sa filiale aux États-Unis. La startup française réalise la moitié de son chiffre d'affaires à l'export.
Archeon Medical travaille dans le champ de l'arrêt cardio-pulmonaire qui fait 50.000 victimes en France chaque année. Seulement 5% peuvent reprendre une vie normale ensuite en raison d'un manque d'oxygénation du cerveau. À Seattle, on recense plutôt 30% de survivants en bonne condition neurologique.
«Nous avons créé un dispositif EO Life, le seul au monde, qui permet de calculer la dose d'oxygène dont un patient a besoin lors d'une phase de réanimation et qui permet de guider l'équipe de secours pour administrer la bonne dose d'oxygène car trop d'oxygène tue aussi», a expliqué Alban de Luca. «En France, on souhaite être les précurseurs de cette révolution qui est le monitorage de l'oxygène. On pense qu'un jour, on en trouvera partout comme on trouve des défibrillateurs partout.»
Un test auprès des sapeurs-pompiers de Paris, financé par Archeon Medical, a montré une amélioration de 70% de la qualité de la ventilation. En extrapolant, 7.500 vies pourraient être sauvées en France chaque année pour un coût moyen de 100 euros par patient.
Les souhaits d'Archeon Medical reposent désormais sur une évolution de la réglementation française ou l'octroi de financements aux services départementaux d'incendie et de secours pour leur permettre de s'équiper en EO Life.
Inventiva ambitionne d'être un leader du marché pour soigner la «maladie du foie gras»
Inventiva se concentre sur le traitement potentiel de la stéato-hépatite non alcoolique (NASH), ou «maladie du foie gras», due à l'accumulation de graisse dans le foie, souvent en raison de mauvaises habitudes alimentaires et de la sédentarité.
Créée en 2012, à partir du centre de recherche des Laboratoires Fournier, comptant une centaine de salariés à Dijon auxquels s'ajoutent une dizaine d'employés d'une filiale aux États-Unis, Inventiva a levé 250 millions d'euros jusqu'en 2023. En 2024, elle a levé 600 millions d'euros supplémentaires, ce qui entraînera une évolution de la gouvernance, peut-être à quasi totalité américaine prochainement. Inventiva est cotée à Euronext et au NASDAQ.
«On est en phase 3, dans la dernière ligne droite pour une mise sur le marché», a précisé Frédéric Cren, directeur général d'Inventiva. «Le marché, c'est entre 1 et 30 milliards de dollars, Inventiva sera un des leaders de ce marché.»
«Pour réussir un parcours de cette nature, il faut travailler le plus tôt possible», a souligné Jean Volatier, directeur financier d'Inventiva, qui a alerté sur «l'exponentialité des coûts dans notre activité». Et d'inciter à mener une «réflexion de fond» pour que la puissance publique accompagne les entreprises qui ont dépassé le stade de la startup mais qui n'ont pas encore atteint la mise sur le marché.
«On veut faire de Fontaine un centre d'excellence», indique-t-on chez Astrea Pharma
À Fontaine-lès-Dijon, Marc Ferracci a été accueilli notamment par Patrick Chapuis (LR), maire de Fontaine-lès-Dijon, George Marinopoulos, co-président d'Astrea, et Pierre Moissette, directeur du site Astrea Fontaine. La délégation a été rejointe durant la visite par Anne-Catherine Loisier (divers centre), sénatrice de la Côte-d'Or.
Le groupe Astrea Pharma réalise un chiffre d'affaires annuel avoisinant 45 millions d'euros. Le site de Fontaine-lès-Dijon compte 225 salariés. Sont produits là des médicaments de forme solide.
Le médicament historique est le fénofibrate qui réduit le taux de graisses dans le sang. Des comprimés à base de paracétamol sortent également des machines fontenoises.
Un équipement de l'usine, une presse à comprimés, a été financé partiellement par France relance à hauteur de 700.000 euros.
«On veut faire de Fontaine un centre d'excellence pour montrer à nos clients ce qu'est le projet Astrea», a indiqué Jérôme Rousselot, directeur des opérations industrielles du groupe Astrea Pharma.
Avec France 2030, 7,5 milliards d'euros sont fléchés par l’État pour l'innovation en santé
Marc Ferracci, pourquoi ce déplacement ?«Je suis très heureux d'être dans l'entreprise Astréa, plus généralement en Côte-d'Or, pour saluer ce qui se fait dans ce territoire pour les industries de la santé. Ce sont des industries qui sont absolument essentielles à notre souveraineté sanitaire, à la démarche d'innovation globale. Les industries de la santé en France, c'est 4,5 milliards d'euros par an de dépenses de recherche et développement, c'est 10% du chiffre d'affaires global de la filière, ce qui montre que c'est cette filière a besoin d'innover.»
«Nous avons rencontré des acteurs qui nous exposé leurs problématiques, des entreprises extrêmement diversifiées, certaines sont sur des dispositifs médicaux d'autres sont sur le médicament, certaines sont au début de leurs phases de recherche et d'innovation, d'autres sont beaucoup plus matures.»
«[Astréa est] une entreprise qui alimente le marché français du médicament avec d'énormes volumes qui participent de ce fait à la sécurité de nos chaînes d'approvisionnement et de la chaîne de valeur globale du médicament.»
«On a tout un écosystème quand je pars d'écosystème. (…) Les logiques ici sont partenariales. On a des élus locaux qui sont très impliqués sur le sujet. On a une offre de formation, en particulier une offre de formation universitaire, qui alimente les entreprises de l'écosystème en talents, à tous les niveaux d'ailleurs, au niveau des techniciens mais au niveau des ingénieurs et des chercheurs.»
«On a l'illustration d'une filière qui a un véritable encrage territorial. J'avais à cœur de venir ici à Dijon pour saluer ça. Il y a des partenariats avec la puissance publique. Je veux rappeler ici l'effort que fait l’État pour soutenir la filière avec, en particulier, dans le cadre du plan France 2030, 7,5 milliards d'euros qui ont été décidés en 2021 pour les projets d'investissement autour de l'innovation en santé.»
«Il y a toujours une attractivité de la recherche et de l'innovation françaises», estime Marc Ferracci
Inventiva est une des plus importantes levées de fonds parmi les biotechs ces dernières années. Pourtant les biotechs partagent leurs difficultés de trouver des investisseurs. Que pouvez-vous leur dire ?«Je veux saluer cette levée de fonds. 350 millions d'euros, c'est une somme assez considérable. Je crois que c'est la plus grosse levée de fonds du secteur en 2024.»
«Ça montre qu'il y a toujours une attractivité de la recherche et de l'innovation françaises, en particulier en matière de médicament. Ensuite, il est vrai que ça n'est pas toujours simple de lever des fonds. Il faut parfois faire levier de certains apports qui, souvent, proviennent de la puissance publique, en particulier de la Banque publique d'investissement.»
«Il faut aussi réfléchir à la meilleure manière de flécher l'épargne des Français vers les projets industriels et les projets d'innovation. C'est d'ailleurs ce que le Premier ministre Michel Barnier et le ministre de l’Économie Antoine Armand cherchent à faire. Le Premier ministre en a parlé dans sa déclaration de politique générale : cette idée d'orienter l'épargne des Français vers des projets d'investissements pourraient prendre la forme d'un livret industriel. Ce n'est pas forcément le livret qui sera le véhicule choisi, en tout cas des véhicules qui permettent de constituer des outils de placement financiers pour financer nos projets industriels et pour financer nos startups, quel que soit leur niveau de développement. On essaie de résoudre la question de financement, de porter un appui à tous les acteurs qui innovent.»
«Le médicament, c'est une industrie qui a besoin de visibilité sur des années, qui a besoin parfois de capitaux très importants. (…) En phase 3 de tests, les investissements se comptent en dizaines voire en centaine de millions d'euros. Donc, on a besoin d'avoir des tours de table et des investisseurs qui ont les moyens. Pour ça, il faut faire la preuve que, à la fin, les médicaments vont trouver leur marché.»
Le ministre de l'Industrie souhaite que le budget 2025 «préserve» le crédit impôt recherche
Est-ce que l'objectif de votre déplacement est de rassurer les industriels que vous rencontrez ?«C'est d'abord de saluer les bonnes nouvelles et il y en a beaucoup. Aujourd'hui, on a parlé d'entreprises qui sont sur des médicaments qui vont trouver leur marché, sur des problématiques comme la réponse à l'obésité qui représente un coût pour la santé publique absolument considérable. On va réussir à trouver des solutions sur ces sujets-là.»
«C'est d'abord témoigner de la reconnaissance et la gratitude aux acteurs que je suis venu sur le territoire.»
«Nous avons mené depuis sept ans une politique qui a fait revenir l'emploi industriel en France. Il y a sept ans, on fermait des usines plus qu'on en ouvrait. Aujourd'hui, on en ouvre plus qu'on en ferme. L'emploi industriel continue de progresser dans notre pays. L'enjeu, c'est de conserver ce cap.»
«La situation budgétaire est difficile. Le budget que nous sommes en train de préparer, qui est en train d'être discuté au parlement est un budget difficile. Dans l'objectif d'économies globales que nous cherchons à faire, qui est de l'ordre de 60 milliards d'euros, ce budget à vocation à préserver un certain nombre de principes fondamentaux.»
«Je donne un exemple très concret : le crédit impôt recherche est un dispositif qui représente 7 milliards d'euros qui est extrêmement important pour l'écosystème de l'innovation, c'est un dispositif qui va être préservé. Si des ajustements sont faits dans le cadre du débat parlementaire, je les espère uniquement à la marge.
«On a besoin de préserver ce cap et c'est-ce qu'on va se s'employer à faire dans les prochaines semaines.»
Jean-Christophe Tardivon