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24/08/2021 14:14

SANTÉ : «On est sur des métiers en tension et on te fout dehors si tu n'es pas vacciné», dénonce le secrétaire général de la CGT du CHU Dijon Bourgogne

Pour la CGT qui a lancé une grève reconductible depuis le 23 août au CHU de Dijon, Éric Buisson est vent debout contre le principe de la suspension sans rémunération des personnels non-vaccinés. Le syndicaliste demande à la direction de faire preuve de «bienveillance» et d'opter pour des mises en disponibilité afin d'éviter des fermetures de lit dans les services.
À la suite de l'annonce faite le 12 juillet dernier par le président de la République, le gouvernement a décrété l'obligation vaccinale pour les personnels des établissements de santé et les établissements médico-sociaux.

Les agents ont jusqu'au 15 septembre pour justifier auprès de leur employeur avoir un schéma vaccinal complet, voire jusqu'au 15 octobre en cas de première injection (retrouver ici les professions concernées et les modalités).

Une décision à laquelle la CGT s'oppose dans le cadre de sa contestation de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire adoptée le 5 août dernier. Pour la confédération fermement opposée à la politique d'Emmanuel Macron, la loi contient «des mesures graves en termes de discriminations, de droit du travail et de protection des données personnelles».


Grève reconductible au CHU à l'appel de la CGT


Ce lundi 23 août 2021, le syndicat CGT du CHU Dijon Bourgogne a lancé un appel à la mobilisation contre l'obligation vaccinale. «Toutes les réunions que l'on a avec la direction concernant ce qui va se passer au 15 septembre, au 15 octobre et au 15 novembre, les réponses changent toutes les semaines, ce qui inquiète tout le monde», explique Éric Buisson, secrétaire général de la CGT du CHU Dijon Bourgogne, à propos de cette action locale reconductible jusqu'au 15 novembre (retrouver les revendications).

Au premier jour de l'action, Éric Buisson n'est pas en mesure d'indiquer le niveau de participation mais signale de bons retours de la part des adhérents : «on se sent soutenu. C'est bien. Ça bouge». La CGT est le troisième syndicat représentatif de l'établissement de santé dijonnais. Les autres organisations ont des positions variées à propos de l'obligation vaccinale.

90% de soignants vaccinés dans les services de soins


Le CHU Dijon Bourgogne compte 5.500 personnels non-médicaux et 2.000 personnels médicaux. Selon Éric Buisson, environ 15% des agents du CHU ne seraient pas vaccinés. Parmi les professionnels non-médicaux (jardiniers, cuisiniers, cadres de santé...), 84% seraient vaccinés ; parmi les professionnels médicaux, ils seraient 87%. «Quand on va regarder un peu les chiffres, dans les services de soins, on est à plus de 90%», précise-t-il.

L'aptitude médicale accordée aux soignants dépend de plusieurs critères dont la vaccination contre certains virus comme l'hépatite B notamment. La CGT insiste d'ailleurs dans sa communication sur son absence d'opposition au principe de la vaccination contre la Covid-19 afin de se différencier des antivax et de mettre l'accent sur les questions d'organisation du travail.

Seule la médecine du travail est censée savoir qui est vacciné contre la Covid-19 avec les détails médicaux (jour, centre de vaccination, type de vaccin...). «Le service de santé au travail a reçu des consignes de ne rien communiquer à la DRH», signale Éric Buisson. En pratique, pour gérer l'obligation vaccinale, le service des ressources humaines de l'établissement de santé demande aux agents de faire parvenir leur QR code. Selon la CGT, le taux de remonté de ces indicateurs de l'obligation vaccinale serait de «50%».

Des «confrontations» liées à l'obligation vaccinale


«Je ne pense pas que ce soit l'obligation vaccinale qui pose problème», tient à souligner le syndicaliste pour préciser sa pensée, «ce qui pose problème, c'est la façon dont s'est fait». «Pourquoi on nous oblige et si on ne le fait pas on est mis dehors ?», demande-t-il à la fois à la direction du CHU et au ministre de la Santé.

«Nous, les soignants, on n'a pas attendu que Macron nous dise au mois de juillet, 'allez, il faut se vacciner' et de façon obligatoire. Il y a des vaccinations à l'hôpital, elles ont démarré depuis longtemps. Les professionnels, ils y allaient. C'est surtout dans la manière que c'est fait, cette non-compréhension de 'pourquoi que les soignants ?' et 'pourquoi si je ne le fais pas, on m'arrête mon contrat de travail'», développe le secrétaire général.

La CGT se demande ce qui va se passer après le 15 septembre quand certains soignants seront suspendus : «derrière, on fait quoi pour l'offre de soin ?». Fermeture de lits, fermeture de services, réorganisation des agents, rappel de soignants ou encore recrutement d'intérimaires sont des options à disposition de la direction. «On a une aberration, on est sur des métiers en tension, on n'arrive pas à recruter et on te fout dehors si tu n'es pas vacciné», tempête le syndicaliste.

Selon Éric Buisson, l'absence de QR code compliquerait les relations entre certains agents et le service des ressources humaines. «On commence à voir des stigmatisations», alerte le syndicaliste. Des «confrontations» s'installeraient ponctuellement dans les équipes.

«On est condamné à être à la maison, sans salaire»


Le 15 septembre, les agents n'ayant pas transmis leur QR code aux RH seront théoriquement convoqués pour le faire. Sinon ? «Là commence le début des ennuis : suspension, etc.», déplore par avance le syndicaliste.

Quelque soit leur statut, les personnels suspendus ne seront plus en position d'activité. Ils n'ont plus le droit de venir sur le lieu de travail, ne touchent plus leur rémunération et n'ont pas le droit d'exercer une autre activité en dehors du CHU. «On est condamné à être à la maison, sans salaire», résume le secrétaire général, «on n'a jamais vu ça !»

«On est un peu pessimiste pour la suite», signale Éric Buisson qui est en attente des circulaires décrivant la réglementation au-delà du 15 novembre. Le syndicaliste craint que la vaccination contre la Covid-19 ne soit intégrée à l'aptitude médicale, conditionnant l'emploi du professionnel de santé.

«C'étaient des héros et là, on va les foutre dehors comme des malpropres»


La CGT demande donc à la direction du CHU de «se préparer à l'avenir» pour «garantir les emplois». «On ne peut pas concevoir que notre direction générale, que toutes nos directions, aient porté les personnels soignants à les remercier il y a six mois en arrière, aux vœux de la mairie, aux vœux de l'hôpital. C'étaient des héros et là, on va les foutre dehors comme des malpropres. Comme n'importe quelle organisation syndicale, on doit défendre le travail, on ne doit pas être complices de licenciements comme ça», fustige le secrétaire général.

«Si ça se trouve, on va avoir des agents qui vont être radiés des cadres. Quelqu'un qui aura fait 25 ans de soins, on va les remercier comme ça, je ne comprends plus !», se désole-t-il.

«On demande d'individualiser les choses»


«On demande d'individualiser les choses. De voir les agents dans la bienveillance, dans la pédagogie. D'essayer de voir pourquoi cette personne-là ne répond pas à l'obligation vaccinale. Est-ce que c'est une personne qui a peur du vaccin ? Est-ce que c'est une personne qui est ce qu'on appelle des 'complotistes' ? Est-ce que c'est une personne qui manque d'information ?», indique Éric Buisson.

Et d'ajouter : «on demande de trouver des solutions» pour les réfractaires à la vaccination contre le coronavirus. Certains agents ayant notamment signalé une préférence pour le futur vaccin élaboré par Sanofi. La CGT préconise d'accepter une mise en disponibilité sans rémunération (permettant d'exercer une activité par ailleurs). «On veut que la direction entende ces professionnels qu'elle a tant mis sur un piédestal pour répondre individuellement aux agents», insiste le syndicaliste.

Compte-tenu du taux de vaccination et du nombre de personnels, il pourrait s'agir d'une centaine de soignants présentant une situation problématique pour le service des ressources humaines du CHU. «Ça vraiment être minime», anticipe le secrétaire général.

«Pour rétablir la confiance, il faut prendre du temps»


Pour Éric Buisson, la façon d'appréhender la situation amène à la création de camps antagonistes qui fait que des soignants participent les samedis aux manifestations des antivax et des réfractaires au passe sanitaire : «on est déjà dans une situation où on a un camp, on a un autre camp et, forcément, ce que dit un camp n'est pas cru par l'autre».

«Parmi les professionnels soignants qui sont anti-vaccins, il y a ceux qui ont combattu pendant la première vague, avec des sacs poubelles. On leur a menti à leur dire un coup 'faut pas le masque', un coup 'faut le masque'. Ils veulent bien écouter les choses mais ils ne savent pas sur quel pied danser. Ils n'ont plus confiance. Pour rétablir la confiance, il faut prendre du temps», avertit  Éric Buisson.

Sans oublier que l'hospitalisation – même relativement faible – de patients vaccinés contre le SARS-CoV-2 et néanmoins atteints par la Covid-19 peut accentuer l'opposition de certains réfractaires quand il la constate dans leur service.

«On reçoit déjà des professionnels qui disent 'j'irai jusqu'au bout, ils me foutront dehors mais je ne me ferai pas vacciner'. La direction rentre dans sa radicalisation de dire 'on appliquera le texte'», constate le syndicaliste.

Disponibilité ou RTT plutôt que suspension


Bien que l'établissement de santé ait à appliquer la réglementation issue du ministère, le syndicaliste envisage des marges de manœuvre : «ce serait par exemple de convoquer les agents et, au lieu de se retrouver en suspension, de mettre les agents en situation de disponibilité».

La CGT imagine aussi que les heures supplémentaires accumulées ces derniers mois– parfois par centaines – soient utilisées pour des récupérations plutôt que, là encore, une suspension. «On sait très bien que la direction ait dans ses droits de dire 'je suspends' mais elle est aussi dans ses droits de préserver ses employés», insiste le secrétaire général.

Le secrétaire général de la CGT du CHU Dijon Bourgogne replace les enjeux actuels dans un contexte global déjà largement critiqué par le syndicat : «un établissement comme le nôtre qui va aller à des fermetures de lits parce qu'il va manquer 5% de son personnel, est-ce que cela ne traduit pas le résultat d'une politique depuis les années 1980 de réduction des effectifs ? La problématique est plutôt là !»

Jean-Christophe Tardivon


Éric Buisson, secrétaire général du syndicat CGT du CHU Dijon Bourgogne


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