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15/02/2024 20:38

ENVIRONNEMENT : Enedis et l'ONF testent «l'élagage différencié» aux abords de lignes électriques

La réserve naturelle régionale du Val Suzon, en périphérie de Dijon, a été retenue pour mener une expérimentation nationale articulant paysage, écologie et économie. Ce mercredi 14 février, Enedis, l'ONF et la Région Bourgogne-Franche-Comté ont signé une convention pour formaliser la démarche.
Enedis et l'ONF innovent pour la biodiversité et réalisent une première en France. Dans la Forêt d'exception du Val Suzon, les deux acteurs ont mené une réflexion sur la façon de couper les arbres aux abords des lignes électriques en articulant paysage, écologie et même économie.

Depuis deux ans, l'opérateur du réseau de distribution d'électricité et le gestionnaire des forêts publiques, sous l'égide du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, autorité de classement des réserves naturelles régionales, ont initié une expérimentation d'«élagage différencié».

Une convention entre Enedis, l'ONF et la Région Bourgogne-Franche-Comté



Pour formaliser cette expérimentation dont les premiers résultats deviennent visibles en ce milieu d'hiver, Enedis, l'ONF et la Région Bourgogne-Franche-Comté ont signé, ce mercredi 14 février 2024, au hameau de Sainte-Foy, sur la commune de Val Suzon, une convention tripartite pour «la préservation de la biodiversité et l'intégration paysagère des lignes électriques haute tension».

La convention s’inscrit dans le cadre du dispositif «Préserver et restaurer les continuités écologiques» du Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et dans la Stratégie régionale pour la biodiversité (SRB) de la collectivité.

La cérémonie s'est déroulée en présence de Catherine Louis (LCOP), maire de Val-Suzon, et d'élus régionaux : Stéphanie Modde (EELV), vice-présidente chargée de la transition écologique, et Stéphane Woynaroski (PS), conseiller régional délégué à la biodiversité et à l'eau.

«La gestion de la végétation aux abords des ouvrages électriques est un véritable enjeu pour Enedis»


Au niveau national, Enedis gère 140.000 km de lignes en zones boisées dont la moitié en zones protégées.

«La gestion de la végétation aux abords des ouvrages électriques – lignes aériennes, postes de transformation – est un véritable enjeu pour Enedis», relève Catherine Lescure, directrice de la communication et de la responsabilité sociétale des entreprises d'Enedis. «Nous avons décidé de faire évoluer notre activité opérationnelle pour être en capacité de résoudre une équation parfois complexe : réaliser davantage d'activités d'élagage, notamment celles qui sont liées aux opérations de débroussaillage, en particulier avec le changement climatique et les canicules qui amène un risque d'incendie accru, mais aussi de le faire en moins de temps, compte tenu des périodes d'interdiction, et avec des contraintes techniques supplémentaires.»

«Enedis veille à améliorer constamment ses pratiques avec ses parties prenantes et ses prestataires»


«Il s'agit de mener avec une responsabilité environnementales accrue les travaux à proximité des ouvrages en prenant davantage en compte la biodiversité et en appliquant les exigences réglementaires qui sont plus fortes, notamment pendant les périodes de nidification, de mi-mars à mi-août», poursuit la représentante du comité exécutif d'Enedis.

«À Enedis, on est de longue date engagé sur la préservation des espaces naturels, des espèces et de la biodiversité», souligne Catherine Lescure, «nous veillons à améliorer constamment nos pratiques avec nos parties prenantes et nos prestataires».

«Mieux respecter la biodiversité» et générer des «gains significatifs»


«C'est un enjeu économique parce que ce sont 30.000 kilomètres d'abords de lignes que nous élaguons chaque année», note-t-elle, «ce sont des prestations qui sont confiées à près de 300 entreprises en France ; presque exclusivement des TPE très locales dont plus de la moitié compte moins de dix salariés». Au niveau national, chaque année, le volume des prestations représente 150 millions d'euros.

Avec la convention signée ce jour, l'ONF et Enedis nouent un partenariat pour croiser les connaissances forestières et les données cartographiques concernant les lignes électriques de moyenne tension.

Enedis envisage de recourir à des drones pour réaliser des inventaires tous les ans et non plus tous les trois ans et à l'intelligence artificielle pour modéliser la vitesse de croissance de la végétation.

L'opérateur compte sur cette approche de l'«élagage ciblé pour intervenir au bon endroit, au bon moment, moins souvent» afin de «mieux respecter la biodiversité» et de générer des «gains significatifs».

«Enedis contribue à préserver les écosystèmes tout en garantissant la sécurité et la fiabilité des réseaux électriques»


«La préservation de notre environnement et la protection de la biodiversité sont devenues des priorités incontournables», déclare à son tour Thomas Fraïoli, directeur régional d'Enedis en Bourgogne. «La question de l'impact de l'infrastructure sur notre écosystème est au cœur des préoccupations actuelles.»

«En adoptant des pratiques d'élagage respectueuses de la biodiversité, nous contribuons à préserver les écosystèmes tout en garantissant la sécurité et la fiabilité de nos réseaux électriques», poursuit Thomas Fraïoli. «Cette approche novatrice illustre la volonté d'Enedis d'innover et d'adapter les méthodes aux enjeux environnementaux contemporains tout en permettant à tous nos contemporains de bénéficier d'une électricité fiable et de qualité.»

«L'objectif de préservation de la biodiversité n'est pas incompatible avec l'objectif d'économie», insiste le directeur régional d'Enedis en Bourgogne.

«La gestion du risque incendie se raisonne à l'échelle d'un massif forestier»


«Tous les phénomènes naturels impactent le réseau», pointe Thomas Fraïoli, «inondations dans le nord, canicules dans le sud». Enedis et ses prestataires sont donc confrontés aux effets du changement climatique : tempêtes qui font chuter les arbres sur les lignes ou encore sécheresses qui favorisent les incendies.

Chaque site fera l'objet d'une «approche multifactorielle» pour déterminer l'intervention à mener sur une emprise spécifique pour articuler préservation de la biodiversité par un élagage différencié et défense du risque incendie.

«La gestion du risque se raisonne à l'échelle d'un massif forestier», explique-t-on du côté de l'ONF.

«Ce qui nous impacte directement, ce sont les maladies qui touchent les frênes notamment», alerte Thomas Fraïoli à propos de la Bourgogne-Franche-Comté en particulier. «Toute l'année 2023, avec du vent à 70-80 km/h, des arbres ont été poussées sur les lignes. On a un problème d'abattage d'arbres malades.»

«Dans un lieu d'exception, il doit y avoir une démarche d'exception»


«Je ne peux que me féliciter de cet acte de protection de la biodiversité», déclare Marie-Guite Dufay au moment de signer la convention, applaudissant la démarche «inédite et pionnière» : «dans un lieu d'exception, il doit y avoir une démarche d'exception». «La nature a tellement besoin d'être cajolée et protégée.»

La présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté salue également le travail mené par l'écologiste Stéphanie Modde pour accompagner ce dossier.

Dans la forêt du Val Suzon, «l'ONF peut expérimenter en termes de gestion»


«Les forêts comptent au niveau économique et écologique», souligne Pierre-Jean Morel, directeur territorial de l'Office national des forêts (ONF) en Bourgogne-Franche-Comté, qui rappelle que l'ONF gère 700.000 hectares de forêts publiques dans la région ce qui représente 15% du territoire et 40% des forêts.

«Dans cette [réserve naturelle régionale] qui est un lieu d'exception au niveau environnemental, un territoire reconnu aux portes de Dijon avec une histoire propre et une attention particulière du public, on peut expérimenter au niveau de la recherche scientifique et en termes de gestion», développe Pierre-Jean Morel.

En 1989, la reconnaissance du «paysage exceptionnel» du Val Suzon


«Il y a une histoire longue entre l'homme et le Suzon», signale Marlène Treca, conservatrice de la réserve naturelle régionale et Forêt d'exception du Val Suzon pour l'ONF. «Des traces d'occupation humaine remontent au Néolithique. (...) Jusqu'au XIXème siècle, le site était un lieu de ressources et un lieu de vie.»

«Grâce au Val Suzon, Dijon est devenue la deuxième ville d'Europe à avoir l'eau potable au robinet», ajoute Marlène Treca en référence au travail mené par Henry Darcy pour, en 1838, alimenter le réservoir au pied du mont Chapet à partir de la source du Rosoir. Aujourd'hui, sept captages d'eau sont installés dans la vallée.

En 1989, le caractère patrimonial de la vallée est reconnu avec un premier site classé de 6.900 hectares dont 87% de forêts dont 20% de forets privés «C'est la reconnaissance du paysage exceptionnel de ce site», insiste la conservatrice du site.

Arrivent la qualification d'une zone Natura 2000, en 2004, puis la création de la réserve naturelle régionale sur 3.000 hectares, en 2011, et enfin la labellisation Forêt d'exception en 2016. En 2022, les forêts communales de Darois, Dijon, Messigny-et-Vantoux et Val Suzon s'ajoutent au site. Val Suzon constitue la plus grande réserve naturelle régionale de la Bourgogne-Franche-Comté.

Retenir le point de vue des usagers de la RD 7


«Un site exceptionnel qui cumule plusieurs statuts de protection implique une vigilance particulière tant dans le démarche que dans le plan réglementaire», explique Mirham Blin, ingénieur paysagiste et écologue au sein de l'ONF en Bourgogne-Franche-Comté. D'où une étude globale paysagère sur le site classé ayant «l'écologie au cœur des préoccupations».

L'ONF a défini des unités paysagères en lien avec des problématiques de gestion et a retenu la «charnière» de Sainte-Foy, là où la vallée forme un coude, pour mener l'expérimentation.

Les forestiers se sont fondés sur le point de vue des usagers de la RD 7 qui ont une visibilité importante l'après-midi sur le versant sud-ouest de la colline surplombant Sainte-Foy dont la forêt est traversée par une ligne électrique à haute tension.

«Une approche par les codes visuels est importante pour comprendre comment s'inscrit la ligne au sein des paysages du Suzon», complète Mirham Blin. Des données directionnelles, volumiques, texturales, chromatiques et lumineuses ont été intégrées par l'ONF.

Du «créneau» aux «courbes» autour de la ligne électrique


Perpendiculairement à la pente, «la ligne de crête était affectée avec un effet créneau qui résultait du traitement linéaire et vertical des lignes d'emprise»

Le choix a été fait d'augmenter l'emprise au sol de la traversée de la ligne électrique tout en modifiant le traitement en hauteur pour prendre en compte la structuration des lisières en différents niveaux afin d'aller vers «un effet plus ouvert et dans la continuité» et une diminution des ombres portées à l'intérieur de l'emprise. «Il s'agissait de gommer les linéarités en faveur de courbes», résume l'ingénieur paysagiste.

«La structuration des lisières est importante à la fois pour l'intégration paysagère et les fonctionnalités écologiques», insiste celui qui est aussi écologue.

«On s'est raccordé à d'anciennes pelouses sèches, notamment sur les parties sommitales», précise le forestier. «On a pris en compte le fonctionnement du site. (…) On a travaillé pour restaurer des milieux patrimoniaux rares avec cette synergie entre paysage et écologie.»

Trois niveaux de végétation selon l'altitude


Dans le sens de la pente, l'ONF a défini trois niveaux de conditions de vie de la végétation, de 564 mètres à 334 mètres d'altitude : «en haut, on a des conditions hyper contraignantes avec beaucoup de sécheresses et des sols plutôt squelettiques donc une dynamique plus lente ; en revanche, en bas, avec des sols plus épais, on a des formations hautes».

Les formations de mosaïques pelouses/fruticées ont été privilégiées au sommet et de taillis furetés au pied de la colline.

Les interventions d'abattage de l'ONF à Sainte-Foy ont eu lieu durant l'hiver, en période «hors feuilles» et «hors sève», durant laquelle les oiseaux ne nidifient pas.

Passer d'interventions tous les cinq ans à tous les quinze ans


Désormais, l'ONF estime que la végétation mettra «entre cinq et dix ans» pour atteindre le résultat paysager prévu.

À terme, sera menée une «gestion différenciée» au niveau des lisières avec des interventions pour doser les risque de chute d'arbres sur les lignes qui devront être menées tous les quinze ans au pied de la colline – au lieu de tous cinq ans – et peut-être pas avant quarante ans au sommet.

Jean-Christophe Tardivon

«Le citoyen, l'industriel, l'agriculteur doivent veiller à utiliser le moins possible d'eau», alerte Marie-Guite Dufay


































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