Recherche
Pour nous joindre
redaction.infosdijon@gmail.com
SMS au 07.86.17.77.12
> Côte d'Or > Côte d'Or
13/06/2022 12:53
4941 lectures

LÉGISLATIVES : Les enseignements du premier tour en Côte-d'Or

La tripartition de la vie politique s'installe progressivement au niveau national au soir du premier tour des législatives. En Côte-d'Or, Ensemble court après les abstentionnistes, le Rassemblement National cherche des réserves de voix, la NUPES surfe sur sa dynamique.
Au lendemain du premier tour, Infos Dijon passe en revue les cinq circonscriptions.
Le premier tour de ces élections législatives, ce dimanche 12 juin 2022, a révélé bien des surprises et fait bien des déçus. Dans ce scrutin uninominal à deux tours, additionner les voix au niveau départemental ne présage pas du nombre de sièges au soir du second tour mais indique des rapports de force.

Dans un contexte de participation faible (51,10%, soit -0,91 point par rapport à 2017), la coalition Ensemble constituée autour d'Emmanuel Macron, rassemble 25,39% des suffrages en Côte-d'Or et arrive en tête, suivie de près par la coalition de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale constituée autour de Jean-Luc Mélenchon avec 23,31% des voix.


Le parti de Marine Le Pen suit à quelques longueurs avec 20,13% puis, loin derrière, l'alliance LR-UDI avec 13,33%. Les candidats indépendants et les petits partis fédèrent cependant 17,84% des voix, signe de l'émiettement de l'électorat en dehors des trois premiers blocs et marqueur de la profusion de candidatures.

Espoir, hasard et duels fratricides


Dans les circonscriptions, certains ordres d'arrivée ont été particulièrement serrés, les candidats changeant plusieurs fois de place au gré des dépouillements. Les bureaux de vote des communes rurales fermant plus tôt que dans les communes urbaines, cela révèle des choix démocratiques très différents entre la campagne et la ville.

Comme nous l'avions envisagé dès le second tour de la présidentielle, les candidats Ensemble avaient raison de nourrir des espoirs d'accéder au second tour des législatives – c'est le cas pour quatre sur cinq – et le hasard s'est glissé dans le scrutin avec effectivement des résultats serrés séparant certains deuxième et troisième de quelques centaines de voix – comme dans la quatrième circonscription avec 210 voix d'écart entre Hubert Brigand (qualifié) et Stéphane Guinot (éliminé).

Les duels fratricides ont joué leurs rôles en épargnant relativement la NUPES alors que les dissidences se concentraient pourtant sur cette coalition, seul Stéphane Guinot peut regretter – il ne s'est pas privé de l'exprimer – qu'une part des 6,94% de Patrick Molinoz l'ait empêché de se qualifier.

En revanche, la dissidence de Laurence Porte coûte cher à Yolaine de Courson, et la multiplication des candidatures dans la sphère des Républicains empêche les candidats LR-UDI de rebondir après la présidentielle alors qu'ils atteignent des scores bien supérieurs à ceux de Valérie Pécresse.

Prolongement de la présidentielle


En résumé, ce premier tour des législatives est en phase avec le premier tour de la présidentielle, induisant une recomposition politique sous forme de tripartition Macron-Le Pen-Mélenchon. Sauf que la majorité présidentielle n'est pas assurée d'obtenir une majorité absolue en nombre de députés, conséquence d'un manque d'engagement dans la bataille de la part du président de la République réélu.

L'accord de la NUPES sert de levier aux Verts qui, en cas d'élection, sauront ainsi tout ce qu'ils doivent au tribun de La France Insoumise entre le principe d'une «union de la gauche» attendue par de nombreux électeurs et la trouvaille d'«élire» un Premier ministre pour tenter de forcer une cohabitation qui a fait mouche en termes de communication politique.

De son côté, LR se refait une santé mais se dirige vers une municipalisation de ses troupes tout en se consolant de constater que les députés LR devraient être plus nombreux que les députés RN, peu favorisés par le type de scrutin faute de réserves de voix.

Première circonscription


Didier Martin (Ensemble) arrive en tête avec 31,19% des voix, suivi d'Antoine Peillon (NUPES) avec 25,60%.

La socialiste dissidente Sladana Zivkovic se retrouve dans la position de François-Xavier Dugourd en 2017 en réalisant un score honorable pour une candidature indépendante (avec une légère baisse toutefois  en nombre de voix par rapport à 2017). Ses électeurs pourraient se révéler bien «utiles» à Antoine Peillon s'il sait leur parler.

En revanche, c'est un échec cette fois pour le candidat LR-UDI qui n'accède pas au second tour malgré une campagne particulièrement animée. Si son ancrage local amplifie le résultat de Valérie Pécresse, force est de constater que l'étiquette LR ne suffit plus à mobiliser au-delà de quelques bastions urbains.

Malgré tout l'appui de François Patriat, le second tour s'annonce incertain pour Didier Martin qui récolte moins de voix qu'en 2017 (11.521 contre 13.446) et qui pourra difficilement compter sur des Républicains qui s'orientent vers un vote blanc.

Si François Rebsamen (PS, Fédération progressiste) a officiellement appelé «les Dijonnaises et les Dijonnais à se mobiliser pour donner au président de la République les moyens de gouverner la France», son engagement concret dans la campagne de second tour pèsera sans doute fortement dans le résultat final de cette première circonscription.

Deuxième circonscription


Catherine Hervieu (NUPES) arrive en tête avec 29,27% des voix, suivie de Benoît Bordat (Ensemble) avec 27,04%.

C'est une des principales surprises de ce premier tour. Membre d'Europe Écologie Les Verts, Catherine Hervieu multiplie par sept son nombre de voix de 2017 (10.116 contre 1.518), symbolisant la dynamique de la NUPES.

Le duel fratricide se poursuit ainsi jusqu'au second tour : les deux candidats ont milité côte à côté pour Yannick Jadot (EELV) durant la présidentielle. De façon étonnante, Benoît Bordat semble aujourd'hui renier cet engagement en se présentant avant tout comme «centriste» plutôt que comme «écologiste», lui qui a été proche de Corinne Lepage (Cap 21), effectivement fondatrice du Modem.

Benoît Bordat se paye néanmoins le luxe de réaliser plus de voix (9.347) que Rémi Delatte au premier tour en 2017 (8.959), mais moins que François Deseille (11.341 voix en 2017 pour le candidat du Modem).

Rémi Delatte ayant désigné très tardivement son successeur officiel, Adrien Huguet (LR), pourtant son collaborateur parlementaire, le député sortant n'a pas facilité la transition. Le candidat investi LR-UDI a également pâti d'une dissidence de Bruno David (LR) fort bien accueillie par les militants des Républicains en Côte-d'Or (1.217 voix et 3,52%).

Même sans cela, le vote LR-UDI n'aurait pas été suffisant pour  atteindre le second tour tellement d'anciens militants des Républicains ont déjà adhéré à la politique d'Emmanuel Macron comme le symbolise le trajet de Stéphane Chevalier, directeur de campagne de Rémi Delatte en 2012 et en 2017 puis de Benoît Bordat cette année.

Idem au RN. La division entre le Rassemblement National (Mélanie Fortier, 20,69%) et Reconquête (Franck Gaillard, 4,81%) ne pèse finalement guère dans le résultat. En revanche, cela souligne l'échec du parti d’Éric Zemmour puisque, en changeant d'étiquette, Franck Gaillard passe de 4.654 voix en 2017 à 1.662 voix cette année.

Dans ce contexte, Catherine Hervieu manque de réserves de voix tandis que, malgré la tentation du vote blanc des Républicains, Benoît Bordat pourrait bénéficier d'un appui des électeurs de ce parti, sans oublier le soutien marqué de François Rebsamen.

Troisième circonscription


Fadila Khattabi (Ensemble) arrive en tête avec 25,65% des voix, suivie de Patricia Marc (NUPES) avec 25,38%.

Là encore, la majorité présidentielle marque le pas par rapport à 2017 (8.701 voix contre 10.766), au grand dam de François Patriat qui soutient Fadila Khattabi.

De l'autre côté, la dynamique de la NUPES efface le Rassemblement National de la troisième circonscription alors que, déjà conseiller régional d'opposition, Dominique Alexandre Bourgois (22,71%) est apparu peu impliqué dans la campagne. Si elle suit la stratégie du vote blanc, Valérie Grandet (LR-UDI, 8,41%) sera reléguée au rang de figurante.

Le duel de dames du second tour sera âpre alors que les tenants d'Ensemble et de la NUPES s'écharpaient déjà sur les plateaux de télévision ce dimanche soir. Dans cette circonscription très urbaine, la «troisième femme» de l'élection dorénavant en deuxième position, l'Insoumise Patricia Marc, devra aller chercher les voix des électeurs ruraux ainsi qu'Antoine Peillon tendait à le dessiner dès ce dimanche soir.

Quatrième circonscription


Jean-Marc Ponelle (RN) arrive en tête avec 21,14% des voix, suivi de Hubert Brigand (LR-UDI) avec 18,21%.

L'avocat parisien étant amateur d'ésotérisme, le nombre de voix de 6660 du maire de Châtillon-sur-Seine pourrait bien l'inquiéter. Pour autant, avec ses 7733 voix, Jean-Marc Ponelle augmente de plus de 50% les suffrages de Sylvie Beaulieu (RN) en 2017 (5062 voix).

En revanche, avec ses 6.448 voix, l'Insoumis Stéphane Guinot ne peut que regarder le candidat LR-UDI filer vers le second tour et pester contre Patrick Molinoz (PRG-Centre gauche), hostile à l'accord de la NUPES qui a réalisé un score honorable bien qu'en baisse par rapport à 2017 (2.540 contre 3.016).

C'est l'autre surprise de ce premier tour en Côte-d'Or : la députée sortante est éliminée, comme une vingtaine de sortants de la majorité présidentielle dans toute la France. À quelques encablures des deux premiers, les 5.869 voix de Yolaine de Courson ne lui permettent effectivement pas de se qualifier. Idem pour Laurence Porte avec 4.371 voix.

Maire de Montbard, Laurence Porte avait réussi la gageure de se rapprocher de la majorité présidentielle incarnée par François Patriat sans s'éloigner de la majorité départementale de François Sauvadet (LCOP) en adhérant à Horizons et en retenant Catherine Louis (LCOP) comme suppléante.

La stratégie d'obtenir une investiture a priori acquise à Horizons en Côte-d'Or pour contrer tout à la fois la députée sortante et régler des comptes avec Hubert Brigand, accusé d'avoir fait perdre le candidat UDI en 2017 par sa dissidence d'alors, a échoué.

Soutenue par François Rebsamen, Yolaine de Courson a décroché une investiture Ensemble, via le Modem au niveau national. Une tactique qui n'a pas eu l'heur de plaire aux électeurs ruraux.

Un front contre le RN se dessine puisque même Loup Bommier (Reconquête), du haut de ses 2,54%, appelle à voter pour Hubert Brigand dont l'ancrage territorial devrait lui permettre d'aborder ce second tour en position de force.

Cinquième circonscription


Didier Paris (Ensemble) arrive en tête avec 26,83% des voix, suivi de René Lioret avec 23,70%.

Pas de surprise au second tour dans cette circonscription. La communiste Isabelle De Almeida (NUPES) fait un résultat très honorable (19,66%), ainsi que Charlotte Fougère (LR-UDI) qui réalise le troisième meilleur score des Républicains dans le département (13,31%).

Comme dans les autres circonscriptions, le député sortant marque le pas avec 11.326 voix contre 15.428 voix en 2017 tandis que le candidat de Marine Le Pen progresse fortement : 10.005 voix contre 7.120 au premier tour en 2017.

Fait assez rare, René Lioret dispose d'une réserve de voix du côté des électeurs du candidat indépendant Hervé Moreau dont la suppléante avait parraine Éric Zemmour à la présidentielle.

Pour sa part, Didier Paris, proche de François Patriat, bénéficiera du «barrage au RN» qu'Isabelle De Almeida appelle sans hésitation.

En route vers le second tour


Autant les 48 jours de campagne ont paru longs depuis la présidentielle, autant chaque représentant des trois blocs ainsi en train de s'établir dans la vie politique française va trouver la semaine de campagne de second tour trop courte tellement les défis sont grands en vue du dimanche 19 juin prochain.

Une fois n'est pas coutume, la majorité présidentielle a fortement pâti de l'abstention. Les candidats Ensemble ont donc à commencer par remobiliser dans leur propre camp pour un éventuel «rebond» en trouvant une autre stratégie que la défense du bilan du quinquennat précédent, comme ce fut largement le cas durant la campagne de premier tour.

Les candidats du RN et de la NUPES doivent rivaliser sans effaroucher leurs électorats antagonistes afin de recevoir le brevet du «meilleur opposant à Emmanuel Macron».

Le Rassemblement National tentera d'attirer les «patriotes» figurant parmi les électeurs de Jean-Luc Mélenchon tandis que la NUPES s'adressera aux «fâchés pas fachos» en visant un «vote efficace» pour peser durant la XVIème législature de la Vème République.

Jean-Christophe Tardivon

Les réactions au premier tour des législatives en Côte-d'Or


Les résultats territoriaux au premier tour des élections législative en Côte-d'Or


Portraits socio-économiques des circonscriptions en Côte-d'Or par l'INSEE



Infos-dijon.com - Mentions légales