Ce samedi 13 mai, trois auteurs des séries centrées autour d'Alix, Gaulois évoluant à l'époque romaine, étaient présents au MuséoParc Alésia pour évoquer leur travail au regard de l’œuvre fondée par Jacques Martin en 1948.
«Pour qu'un personnage arrive à fêter ses 75 ans, il faut qu'il y ait des auteurs qui reprennent derrière», estime Michel Bonnet. «Jacques Martin imaginait avoir un personnage qui fête un jour ses 100 ans», indique-t-il, ce samedi 13 mai 2023, face au public de l'auditorium du MuséoParc Alésia.
L'animateur de l'émission de RCF «Le kiosque à BD» intervient ainsi lors d'une conférence avec Olivier Weinberg, dessinateur d'«Alix Origines», ainsi que Marc Jailloux et Roger Seiter, respectivement dessinateur et scénariste de la série de référence.
Plusieurs séries dans l'univers d'Alix créé par Jacques Martin
«Les Aventures d'Alix» sont ainsi complétées par la série «Alix Origines», initiée en 2019 pour les 6-14 ans, et «Alix Senator», lancée en 2012, avec un personnage ayant atteint la cinquantaine. S'ajoutent «Les Voyages d'Alix», depuis 1996, d'esprit documentaire.
L'anniversaire s'accompagne de plusieurs parutions avec deux nouvelles aventures : «La Reine des Amazones» (février» et «Le Bouclier d'Achille» (octobre). À venir également, «La Reine en péril» pour le tout jeune Alix (mai) et «Le Serment d'Arminius» pour le sénateur (octobre).
«Le Dernier Spartiate», un album plébiscité
Interrogés par Michel Bonnet, les auteurs partagent leurs souvenirs et leur approche du personnage de BD en lien avec l'héritage de Jacques Martin.
Le père de Roger Seiter lui avait offert le premier tome de la série Lefranc «La Grande Menace», édité en 1954. «Les premiers Alix, c'est au début des années 60», se souvient-il. «Il y a différentes périodes avec des choses intéressantes à toutes les périodes», estime le scénariste dont l'album préféré est «Le Dernier Spartiate» (publié en 1966). Un album plébiscité puisque c'est aussi le favori de Marc Jailloux.
«J'ai découvert Jacques Martin au travers les albums d'Alix que m'a prêté un voisin», souvient Marc Jailloux, «ça m'a énormément plu». «Mon premier Alix, c'était ''La Griffe Noire''», enchaîne Olivier Weinberg, « ça me faisait peur à l'époque, vers l'âge de 12 ans».
«Jacques Martin était un vrai raconteur d'histoires»
Marc Jailloux a pu échanger avec Jacques Martin grâce à un groupe d'admirateurs qui organisaient des rencontres annuelles : «on pouvait discuter avec lui, c'était l'âge d'or de la bande-dessinée franco-belge, c'était quelqu'un qui était très accessible et qui était plein de projets ; c'est un personnage que j'ai trouvé très attachant et très motivant».
«Ma première rencontre avec Jacques Martin était à Angoulême en 1987», se souvient Roger Seiter, «il m'a dédicacé ''L'Apocalypse''». «Je m'intéressais à la bande-dessinée mais je n'en faisais pas. J'ai plus discuté avec lui en 2001 puisqu'on était tous les deux chez Casterman et je lui ai dit que j'étais Alsacien [NDLR : Jacques Martin est né à Strasbourg en 1921 et est décédé à Orbe (Suisse) en 2010]. Ça l'a beaucoup intéressé. En 2001, il a sorti un album qui s'appelait ''Histoire d'Alsace''. (…) C'était quelqu'un de passionnant !»
«En 2006, j'avais fait une candidature spontanée, j'avais écrit aux éditions Casterman, j'avais envoyé des dessins», relate Olivier Weinberg, «le comité Jacques Martin a accepté mes dessins, c'est comme ça que j'ai pu entrer». «J'ai eu une première rencontre chez lui, à Bouzeval. On a discuté des collections, il m'a raconté l'aventure de son père aviateur, pilote de ligne. C'était un vrai raconteur d'histoires. J'adorais l'écouter pendant des heures.»
«Je me rends compte du poids de l'héritage»
Ayant aujourd'hui cinq albums d'Alix au compteur, Marc Jailloux a commencé par montrer des dessins à Jacques Martin qui, ayant des problèmes de vue, les avait regardé sur un agrandisseur.
«Pendant cette période-là, j'étais assistant de Gilles Chaillet à l'encrage, Gilles Chaillet étant le meilleur élève de Jacques Martin. J'ai pu bénéficier de cet enseignement et, suite à ça, (…) j'ai fait des propositions graphiques au comité pour reprendre le personnage d'Orion avec un scénario pour un album qui se passerait en Grèce. J'ai dessiné le tome 4 des ''Oracles''. On a eu des bonnes critiques, les gens ont retrouvé l'esprit de Jacques Martin et c'est sûrement ce qui a donné envie au comité de me proposer de reprendre le personnage d'Alix au dessin. Ça s'est fait en gradation sur des années», indique le dessinateur.
«Je me rends compte, aujourd'hui, du poids de l'héritage, de tout ce qu'a apporté Jacques Martin à la bande dessiné, de l'importance de ses séries», résume Marc Jailloux.
«Jacques Martin a tout le temps évolué dans son dessin»
«Sur tous les albums d'Alix que Jacques Martin a lui-même dessiné, il y a une très forte évolution graphique, notamment quand il quitte les studios Hergé. C'est quelqu'un qui n'a eu de cesse de se réinventer, de travailler son trait, de changer d'outils : il a travaillé à la plume, au Rotring... Il a tout le temps évolué dans son dessin. (…) J'essaie de faire ce qui me semble être le dessin le plus approprié en 2023», envisage le dessinateur.
L'amour de l'Histoire et de l'Antiquité
«Dans Alix, Jacques Martin met son amour de l'Histoire. (…) J'essaie cette idée de mettre en avant l'Histoire ; ensuite, j'essaie de construire l'histoire qui me paraît intéressante au niveau de la thématique. Je me pose la question ''est-ce une histoire que Jacques Martin aurait pu raconter ?'' Je sais que quand on fait un album, il dure très longtemps. Je ne fais pas un album comme un mercenaire, je fais un album qui me correspond également. Il y a à la fois cette idée de rendre hommage à l’œuvre de Martin, quelque chose que je peux revendiquer face aux lecteurs et qui me paraît avoir du sens», développe le scénariste.
Des événements tout au long de 2023
Roger Seiter et Marc Jailloux insistent sur la sortie, le 6 octobre prochain, du «Bouclier d'Achille» avec un scénario évoquant la haute Antiquité. «Un thème qui aurait intéressé Jacques Martin.»
L'inauguration de l'exposition «Alix, de ville en ville, entre Orient et Méditerranée» marque le début de plusieurs festivités et animations organisées par les éditions Casterman qui se dérouleront tout au long de l'année pour fêter l'anniversaire d'Alix.
Jean-Christophe Tardivon
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