Trafic de drogue, aéroport Dole-Tavaux, fusion de lycées à Auxerre, avenir du lycée du Velet, colonisation des loups... ce mercredi 10 avril, la présidente de Région Bourgogne-Franche-Comté a abordé les sujets les plus sensibles, à la veille d'une session qui pourrait faire tanguer la majorité.
Ce devait être une session pour gérer les affaires courantes mais cela se transforme en assemblée à haut risque politique au gré de l'accumulation des sujets d'actualité impliquant la majorité conduite par Marie-Guite Dufay (PS) au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.
Ce jeudi 11 avril, la garde à vue de Jamilah Habsaoui (divers gauche), maire d'Avallon et conseillère régionale déléguée à la ruralité, dans le cadre d'une enquête pour trafic de drogue, et la prédation d'animaux d'élevage par des loups s'inviteront dans les débats.
À cela s'ajouteront des sujets plus courants mais présentant de forts enjeux régionaux additionnés de problématiques locales : financement de l'aéroport de Dole-Jura dans le cadre de la stratégie aéroportuaire de la collectivité et gestion de certains lycées dont le lycée du Velet près d'Autun et la fusion des lycées Saint-Germain et Jean-Joseph Fourier à Auxerre.
Ce mercredi 10 avril 2024, lors d'une conférence de presse, la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté a passé en revue ces sujets.
Marie-Guite Dufay «assume» les écoconditionnalités
Dans le cadre d'«un exercice au cœur de la démocratie élective», les élus vont évaluer le plan de mandat en cours et définir les priorités pour l'année 2024. Habituellement, cet examen se tient en décembre mais il a été reporté en raison de la préparation du plan pluriannuel d'investissement présenté lors du dernier débat d'orientation budgétaire.
«Le plan de mandat repose sur l'affirmation des transitions et sur la différenciation territoriale», explique Marie-Guite Dufay, «je veille à ce qu'il y ait une équité de traitement entre tous les territoires de notre région». D'où des contrats travaillés à partir d'indicateurs de l'INSEE comme la fragilité démographique ou encore le taux de précarité.
«À Tonnerre, nous mettons plus par habitant qu'à Dijon ou à Besançon», exemplifie la socialiste. Cependant, elle rappelle que la collectivité participe aussi aux investissements structurels de la Métropole de Dijon. Si le contrat métropolitain apporte 21 millions d'euros, cela s'ajoute à plus de 100 millions d'euros mobilisés depuis 2016 pour pour participer à des investissements en faveur de l'enseignement supérieur ou de la culture dans la métropole.
«Dijon est traitée comme il se doit, c'est la métropole capitale de notre région», résume Marie-Guite Dufay.
«Les financements que la Région accorde à tous ceux qui veulent être aidés pour leurs investissements doivent obéir à des écoconditions», complète la président de la collectivité qui entend les accusations de «suradministration» portées par les oppositions. «Je l'assume», réagit-elle.
Bientôt, une solution d'Open Payment au sein du réseau Mobigo
Dans le cadre de ce plan de mandat, en 2024, la Région développera notamment une stratégie régionale pour les biothérapies (lire notre article), une action spécifique pour les acteurs de la filière viande, une réponse aux difficultés de recrutement du secteur du sanitaire et social, la poursuite du travail sur l'alimentation de proximité dans les lycées, l'application du dispositif Effilogis aux petites communes, une accélération des
énergies renouvelables, le cadrage d'une future stratégie de la donnée, une une solution Open Payment – ou paiement direct par carte bancaire – sur l'ensemble du réseau Mobigo, et les renforcements du dispositif sur les mobilités dédié aux jeunes ainsi que du dispositif égalité professionnelle femmes-hommes.
29 millions d'euros pour le nord Franche-Comté
Le contrat métropolitain passé avec le nord Franche-Comté concernera le territoire le plus industrialisé de la grande région. Il apporte 19,1 millions d'euros au Pôle métropolitain et 9,9 millions d'euros aux territoires adjacents.
La présidente de la Région revendique «un prisme fort sur l'enseignement supérieur» avec la construction d'une chaufferie biomasse et la réhabilitation de cités étudiantes ainsi que la création d'un hôtel à la place d'une friche industrielle à Grandvillars.
«Compacter des lycées» mais «préserver le service public de la formation»
À Auxerre, les lycées Saint-Germain et Jean-Joseph Fourier vont fusionner. Ils ont vu respectivement leurs effectifs diminuer de 18,5% et 9,2% depuis 2017 pour atteindre 212 et 1.228 élèves.
«En Île-de-France et Grand Est, une dizaine de lycées ont fermé», relève Marie-Guite Dufay, «on est en perte démographique, d'ici 15 ans, on va perdre la moitié des moins de 15 ans».
En fonction de quoi, la Région estime que «les bâtiments ne sont plus adaptés» et envisage de «compacter des lycées» tout en se fixant la ligne politique de «préserver le service public de la formation».
Le futur établissement scolaire s'appellera lycée Fourier Saint-Germain. La fusion administrative et juridique sera effective au 1er septembre 2024. Le site Saint-Germain continuera à accueillir des formations jusqu'à juin 2026.
La fermeture de ce site en septembre 2026 n'interviendra cependant que «si les conditions de l'accueil et de ses formations au sein du nouveau lycée sont réunies».
Le futur du lycée du Velet se joue entre Autun et Tournus
Par ailleurs, Marie-Guite Dufay réfute toute menace de fermeture du lycée Julien Wittmer à Charolles : «il y a un sujet mais on trouve les voies et les moyens de le traiter. On n'est pas en train d'organiser en sous-main la fermeture de ce lycée».
En revanche, concernant le sort du lycée du Velet à Étang-sur-Arroux, la président de la collectivité partage «[sa] préoccupation de maintenir les formations forestière et nature sur le secteur» et se dit favorable à ce que les deux formations soient implantées à Autun «si une solution bâtimentaire est trouvée». Sinon, «il y aurait un intérêt à ce que les formations nature soient accueillies à Tournus».
Maintien de la présence régionale dans les syndicats mixtes gérant des aéroports
La collectivité va réviser sa stratégie aéroportuaire en évaluant sa participation dans les différents équipements.
La Bourgogne-Franche-Comté compte une trentaine d'équipements en lien avec l'aviation, allant de l'aéroclub à l'aéroport. La collectivité se concentre sur les principales infrastructures en participant à cinq syndicats mixtes de gestion à Auxerre, Besançon, Dijon, Montbéliard et Nevers.
Elle intervient également au sein de quatre plateformes qui présentent des caractéristiques spécifiques : l'aéroport Dole-Jura qui accueille des activités commerciales, l'aéroport de Saint-Yan qui accueille des formation en lien avec l’École nationale d'aviation civile, l'aéroport de Chalon-Champforgeuil et l'aérodrome de Dijon-Darois qui sont tous les deux gérées directement par des collectivités locales.
Marie-Guite Dufay envisage de maintenir la présence régionale dans les syndicats mixtes pour «faire valoir nos priorités écologiques dans les bâtiments».
Fin des subventions régionales pour l'aéroport Dole-Jura
Concernant l'aéroport de Dole-Jura qui accueille notamment des lignes de la compagnie low-cost Ryanair, la socialiste estime qu'«il n'appartient pas à la Région de financer des lignes commerciales aériennes ; ce n'est pas un service public, c'est une prestation économique offerte aux touristes».
«Par le passé, aucun modèle économique n'a été trouvé depuis que l’État a livré cet aéroport aux collectivités», analyse-t-elle, «le Département du Jura a été obligé d'accepter cette gestion». «Les président successifs ont fait un choix : dénoncer la délégation de service public leur revenait plus cher que de pousser l'activité. À ce moment-là, je me suis senti dans une solidarité à leur égard.»
Pour envisager la venue plutôt que le départ de touristes, les services de la collectivité sont entrés en contact avec des compagnies aériennes implantées dans le nord de l'Europe en mettant en avant la possibilité d'accéder aux vignobles de la région. Sans succès. Ces touristes amateurs de vin préféreraient transiter par Paris.
«Ce n'est pas du ressort de la collectivité régionale de continuer à financer un aéroport qui ne fait que prendre des touristes de Bourgogne-Franche-Comté qui partent à Fès, Marrakech et Bastia», déclare Marie-Guite Dufay.
En fonction de quoi la Région a signifié au Département du Jura que la collectivité interromprait sa subvention de fonctionnement mais contribuerait toutefois à la réfection de la piste à hauteur de 1,5 millions d'euros.
En réaction à cette décision de la Région, le Département du Jura a tendu la main aux Département de la Côte-d'Or et de la Saône-et-Loire ainsi qu'à la Métropole de Dijon pour obtenir des financements (
lire notre article).
«Je vois une entente qui se met en place», constate sobrement Marie-Guite Dufay. «On n'est pas sur un sujet d'intérêt public», insiste-t-elle, «ce n'est pas la priorité de la Région, (…) il nous faut peser toutes nos décisions de la transition écologique».
Un accompagnement à la relocalisation de l'engraissement des jeunes bovins
La Région prépare une aide pour la filière viande car, d'un point de vue économique, «l'élevage allaitant souffre». Cette filière emblématique est en déclin, le nombre de vaches nourrice a diminué de 7% entre 2010 et 2020.
La collectivité va donc passer une convention avec la chambre régionale d'agriculture, Interbev, la Fédération régionale bovine, les Jeunes Agriculteurs, la FRSEA, Ferm'Inov et l’État pour soutenir la filière viande.
Dans se cadre, les différents acteurs auront à se coordonner pour «présenter une feuille de route» attendue par la Région.
«Il y a une vraie question de plus-value à retenir en région», analyse la présidente de la collectivité qui compte notamment sur une relocalisation de l'engraissement des jeunes bovins en Bourgogne-Franche-Comté plutôt qu'en Italie ou en Espagne. Cela passera par une aide à la trésorerie des éleveurs.
Retour à trois mois de délai pour les aides européennes destinées aux jeunes agriculteurs
Alors que la présidente de la Région et le préfet Franck Robine ont prévu de recevoir une délégation d'agriculteurs manifestant à Dijon, ce mercredi, elle estime que «beaucoup des sujets ne concernent pas la Région» tout en concédant une «impatience» face au sujet spécifique du traitement des dossiers en instance pour bénéficier des fonds européens FEADER.
«Le système qui a été complètement englué, il y a plusieurs mois, est en train de se fluidifier. Nous avons enfin les personnels que n'avions pas il y a six mois, nous avons l'accompagnement des chambres départementales», signale Marie-Guite Dufay. Les dossiers déposés par les exploitants agricoles transitent désormais par les chambres départementales d'agriculture – surtout celle de la Saône-et-Loire qui a reçu des renforts à Mâcon – avant d'arriver sur les bureaux de la Région.
Concernant les aides à l'installation des jeunes agriculteurs, Marie-Guite Dufay assure que les délais de traitement sont revenus à trois mois, «dès lors que le dossier est complet».
Concernant l'aide à l'investissement pour réaliser des bâtiments, «les retards sont toujours là, il y a des milliers de dossiers à résorber», concède la présidente de la collectivité. «Pour les paysans qui auraient à négocier avec leur banque, nous avons mis en place un système de garantie avec les banques. L'important est que les travaux puissent se faire et que les paysans soient payés dans le cadre du programme européen qui se termine en juin 2025.»
Débat sur la colonisation des loups
Sous la pression des groupes d'opposition présidés par Gilles Platret (LR) et Julien Odoul (RN), Marie-Guite Dufay a accepté qu'un temps dédié de débat soit consacré à la colonisation du territoire par des loups : «j'ai senti qu'il fallait absolument que ce débat ait lieu pour que je ne tourne pas le dos à l'exercice démocratique dans mon assemblée».
«La région n'a pas de compétence, j'ai accepté le dossier, je remercie le préfet de région de venir», commente sobrement la présidente de la collectivité. «Le préfet viendra rappeler la stratégie de l’État».
«Je souhaite que le débat soit sans récupération politique, sans démagogie, sans simplisme», avance-t-elle, car «c'est fou que les émotions l'emporte sur le sujet». «Peut-être que ce débat permettra de faire entendre des voix rationnelles ?»
«La prédation est une menace intolérable pour l'élevage»
Concernant sa propre majorité, allant des communistes aux radicaux de gauche en passant par les tenants de l'écologie politique, Marie-Guite Dufay assure que «les composantes sont toutes d'accord pour reconnaître le poids déterminant de l'élevage dans notre région» et que «tout le monde est d'accord pour la préservation de la biodiversité».
«Je ne veux pas déflorer le débat, chaque groupe va s'exprimer», réagit la socialiste même si elle considère que «la prédation est une menace intolérable pour l'élevage» et qu'elle constate «la nécessité d'adapter le Plan national loup aux spécificités de notre région, du bocage charolais aux prés-bois du Haut-Doubs et du Haut-Jura».
En Bourgogne-Franche-Comté, il existerait trois meutes stables, implantées dans des secteurs frontaliers avec la Suisse. De plus, des individus isolés traverseraient plus ou moins ponctuellement l'ensemble de la région. Ce seraient ces loups-là qui réaliseraient la plupart des prédations sur les animaux d'élevage. Cela sans compter les chiens divaguant, notamment les chiens-loups échappés d'élevages illégaux implantés dans les pays d'Europe de l'est.
Jean-Christophe Tardivon