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19/12/2023 20:23
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AGRICULTURE : La Confédération paysanne réagit à la manifestation de la FNSEA à Dijon

La Confédération paysanne «dénonce les actions de saccage» de la manifestation du 15 décembre dernier.
Concernant les dossiers d'aides venant du fonds européen FEADER, le syndicat agricole pointe que «les services de l’État sont responsables pour un tiers des retards».
Communiqué de la Confédération paysanne de Côte-d'Or du 19 décembre 2023 :

Vendredi 15 décembre s'est déroulée une manifestation de tracteurs à Dijon, à l'appel des syndicats agricoles FDSEA et JA. La Confédération Paysanne ayant été lamentablement mise en cause à travers l'attaque de l'une de ses anciennes adhérentes, nous avons décidé d'apporter notre regard sur cette manifestation déplorable à travers cette tribune rédigée en deux parties, un communiqué d'une part puis notre regard sur plusieurs points.

Communiqué

La Confédération paysanne dénonce les actions de saccage et les propos tenus lors de la manifestation du 15 décembre, qui s'est déroulée à Dijon et devant l’Hôtel de Région à l'appel des syndicats agricoles FDSEA et JA. Cette manifestation sensée dénoncer les retards de dossiers FEADER alors que des solutions avaient été convenues les jours précédents, avait en fait d'autres objectifs.


A un an des élections syndicales, ces syndicats par leurs propos populistes et démagogiques, ont accablé jusqu'à menacer des élus de la majorité ainsi que des fonctionnaires du Conseil Régional pour ce qu'ils représentent.

Aussi, le problème sous-jacent s'avère être en réalité la réorganisation de l’accompagnement à l’installation. La Région souhaite en effet ouvrir ce dispositif à d'autres organisations compétentes, ce que nous soutenons. Mais le syndicat JA souhaiterait conserver son privilège en continuant à maîtriser complètement ce dispositif stratégique. Enfin, la manifestation a été aussi l'occasion, par une attaque personnelle totalement pitoyable et hors-sujet, de mettre en cause notre syndicat.

La Confédération paysanne soutient les récentes mobilisations d'agriculteurs excédés par la surcharge de réglementations et de normes qui pèsent sur notre métier, car cette colère est légitime. Oui l'État et ses technocrates continuent de détruire l'agriculture familiale et paysanne au profit d'une caste d'industriels de l'agriculture. Mais l'État n'agit pas seul : depuis 70 ans, il travaille main dans la main avec la FNSEA (la fameuse « co-gestion agricole ») et les poids lourds de l'industrie agroalimentaire, qui sont souvent les mêmes d'ailleurs.

Leur soutien opportuniste aux agro-carburants, à la méthanisation industrielle et à l'agrivoltaisme sont autant d'exemples qui menacent concrètement la souveraineté alimentaire qu'ils prétendent pourtant défendre. Les accords de libre-échange sont dénoncés médiatiquement par la FNSEA mais pour mieux défendre un nivellement par le bas des normes environnementales et un alignement sur une concurrence internationale plus productiviste, au profit de l'agro-industrie qui dirige le syndicat et au détriment des paysannes et paysans : sur-investissement, exposition aux risques sanitaires, souffrance au travail, destruction des campagnes et de leurs écosystèmes, vulnérabilité aux risques climatiques...

Alors qui marche sur la tête ? « Leur fin ne sera pas notre faim », bien au contraire. Il n'y aura pas de transition agricole possible avec la FNSEA ! C'est la Confédération paysanne qui propose un virage réellement salvateur pour les agriculteurs français face à l'industrie et la finance qui nous menacent, mais aussi face aux enjeux climatiques, d'alimentation, de biodiversité... L'avenir, c'est l'agriculture paysanne !

Quelques points sur lesquels nous voulons revenir

LES FAITS :

Suite au défilé de tracteurs dans Dijon, le cortège s'est arrêté devant l’Hôtel de Région. Des prises de parole très agressives à injurieuses envers les élu(e)s et les personnels ont été tenues. Il y a eu des dégradations sur l’Hôtel de Région : tags, dépôts massifs de déchets agricoles en tous genres. Quand les organisateurs « qui en ont dans le froc » (petite pensée aux paysannes qui ont dû se sentir un peu seules après ces propos d'un autre temps) expliquent que ce sera la Région qui nettoiera sagement leurs déchets, ce sont bien au final les contribuables qui paieront.

Nous sommes également très surpris du « 2 poids 2 mesures » dans le laissé-faire de la manifestation par les forces publiques. Il est vrai que ces tracteurs sont autant d'armes de guerre potentielles dans un centre-ville urbain. Selon qui l’organise, la manifestation peut être considérée comme une atteinte factieuse à la sûreté de l’État ou un piédestal à la libre action syndicale pour finir en apogée en foulant le tapis rouge de la préfecture.

RETARDS DES DOSSIERS DE SUBVENTION FEADER :

Ces retards cumulés de versement des aides ou d’obtention de pièces administratives sont pénalisants pour les paysannes et paysans concernés. Dans tous les cas, il est important que les dossiers soient traités rapidement et efficacement. Mais la manifestation n'a rien apporté puisqu'elle s'est tenue le lendemain de la signature des accords : accord Région/Ministère acté le mercredi et Région/Chambre d'agriculture le jeudi.

La Confédération paysanne s'est déjà saisie du sujet des retards impactant les versements FEADER et s’en est régulièrement entretenue avec les élus régionaux.

Sur les dossiers qui nous sont remontés, il est important de noter que pratiquement 1/3 auraient dû être soldés par les DDT en 2021 ou 2022, sans doute eux-mêmes déjà en sous-effectifs et pourtant assistés par les chambres. Nous nous étonnons qu’une partie des élus de la majorité gouvernementale cautionne ce genre de manifestation alors même que les services de l’Etat sont donc responsables pour un tiers des retards. La presse elle-même faisait référence à des retards « de près de 2 ans » sur des dossiers, la Région n’étant en charge de l’instruction que depuis le 1er janvier 2023.

Ce sujet des retards de paiement a été mis en avant par les organisateurs comme une bonne excuse pour cautionner la manifestation auprès de la profession et de l'opinion publique. A un an des élections syndicales, il s'agit bien de populisme puisque tout avait déjà été réglé auparavant. Et d'une habile stratégie puisque derrière ce sujet fédérateur, les organisateurs avaient l'objectif d'accabler la majorité de la Région pour l’ensemble de sa politique agricole, pourtant plus juste et plus durable, et exercer une grosse pression sur celle-ci pour ne pas perdre la main sur le parcours à l'installation.

INSTALLATION ET SOUVERAINETE ALIMENTAIRE :

Si nous partageons l’objectif de souveraineté alimentaire, nous nous étonnons que le syndicat majoritaire soutienne dans le même temps la méthanisation industrielle, l’agrivoltaïsme et les agrocarburants. Qui marche donc sur la tête ?

Concernant le renouvellement des générations, la Confédération paysanne vise l'objectif d’un million de paysannes et paysans quand d’autres responsables consulaires affirment que « même moins nombreux nous saurons faire » ; cela sous-entend que seuls les volumes de production comptent à leurs yeux, cela révèle la pleine croyance dans le techno-solutionniste plutôt que dans l'humain, et cela montre bien le défaut d’attractivité du modèle qu'ils défendent.

Les « Jeunes Agriculteurs », rappelons-le, est un syndicat satellite de la FDSEA qui ne représente pas et de loin tous les jeunes agriculteurs. Au nom de ce qu'ils prétendent représenter et de l'ordre établi dont ils profitent presque « de droit divin », ces derniers avec le soutien de la FDSEA et probablement de la Chambre d'Agriculture (lequel président était présent à la manifestation) ne veulent pas perdre leur monopole de l'accompagnement du parcours à l'installation des jeunes agriculteurs. Cela représente une manne financière majeure et régulière d'argent publique pour le syndicat. Et c'est un moyen d'influence et de connaissance énorme vis à vis de chaque candidat à l'installation.

Le législateur, à travers le récent Pacte-Loi d’orientation agricole, a décidé le guichet unique pour les candidats à l’installation et les futurs cédants. Ce faisant, le Ministre a choisi de donner les clefs de l’accompagnement et de son financement aux chambres d’agriculture. Pourquoi pas ! Mais les chambres l’ont dit, avec lucidité, et cela figure dans plusieurs rapports, elles ne savent pas accompagner toutes les installations ni toutes les transmissions.

Par contre, ce guichet unique est voué à l’échec s’il n’est pas accompagné d’une réforme profonde et immédiate des chambres pour garantir l’accompagnement de la grande diversité des projets, des parcours et des profils à l’installation. Nous invitons donc les parlementaires à se saisir du sujet pour faire évoluer le mode de scrutin aux chambres d'agriculture vers la proportionnelle intégrale, unique garantie du pluralisme.

La Région, désormais compétente pour l'attribution des Dotations Jeunes Agriculteurs, réfléchit à une organisation de l'accompagnement pour mieux répondre à la diversité des projets agricoles, avec notamment de nombreuses installations « hors-cadre familiales », de nombreuses productions atypiques de la région, une forte diversification, ou tout autre projet alternatif (au système dominant).

Il existe plusieurs organisations capables de répondre à ces profils de paysan.nes et à ces projets. Elles sauront apporter, en collaboration avec la chambre d'agriculture, un meilleur service que ce qui est proposé jusque-là. Nous soutenons cette pluralité et nous affirmons que l'installation ne doit pas être la chasse gardée d'un syndicat agricole.

ATTAQUE DE LA CONFEDERATION PAYSANNE VIA L'ABATTOIR MOBILE :

Nous avons été très surpris que ce sujet soit évoqué et plus encore qu'il soit le premier point de la prise de parole du représentant de la FDSEA21, ce qui prouve que le dossier FEADER n'était qu'une bonne excuse.

L'abattoir mobile fut un projet privé effectivement porté par une ancienne adhérente de la Confédération paysanne, dont il est vrai que l’échec a impacté directement un certain nombre d’éleveurs, ce que nous regrettons. Néanmoins, ce projet soutenu par l'Etat et des collectivités soucieuses du défaut de maillage d’abattoirs de proximité sur le territoire, a eu le mérite de voir le jour après avoir surmonté bien des obstacles. Il a fait la preuve que l’abattage à la ferme est possible sanitairement et répond aux attentes des consommateurs vis-à-vis du bien-être animal.

Nous regrettons cet échec car ce projet aurait pu apporter des perspectives positives aux éleveurs et éleveuses démunis. Il est certain que l'étiquette syndicale de cette personne ne l'a pas aidée pour bénéficier du soutien « de la profession ». Son arrêt est visiblement perçu comme une victoire par certains alors que ce projet, comme d’autres initiatives d’abattage à la ferme sur lesquelles la Confédération paysanne travaille, reste une alternative éthique à encourager.

Nous avons plus eu à faire ici à un pitoyable règlement de comptes personnel et populiste en faisant huer une personne en difficulté et à travers elle de manière gratuite la Confédération paysanne. Ceci pour cacher l'absence de réelle volonté de vouloir aider une filière à retrouver des outils d'abattage. D’ailleurs, pas un mot sur la nécessité de revoir le maillage régional des abattoirs dans la Charte d’avenir pour la filière bovins viandes signée récemment par les syndicats majoritaires.

Pour finir, à la phrase « pour les projets des adhérents de la Conf il y a de l’argent et pour les JA il n’y en a pas », il est assez facile de répondre. Déjà, il ne faut pas confondre JA « syndicat JA » et JA « jeune installé » : en effet, parmi les jeunes installés qui attendent le solde ou l’acompte de leur DJA, il y a des adhérent.es Confédération paysanne.

Le retard des dossiers impacte tou.tes les paysan.nes qui attendent leur subvention. D’autre part, les critères d’éligibilité des subventions d’investissement des collectivités sont les mêmes pour tout le monde. Les décisions d’octroi des subventions régionales et FEADER sont publiques, et tout un chacun peut juger de l’orientation des fonds publics.

Enfin, l’argent public manque cruellement, depuis plusieurs années, pour les aides au Maintien de l’Agriculture biologique et pour les Mesures agro-environnementales et climatiques : sur ces sujets, nous n’avons pas vu les tracteurs FNSEA et JA dans les rue. La Confédération paysanne s'est elle mobilisée dans plusieurs régions, ce qui a permis d'obtenir par l'annonce du Ministre de ce jour même une rallonge importante de financements destinée aux MAEC.

PREDATION :

Les loups, eux aussi, se sont faits hués vendredi. Mais loin des propos démagogiques « le loup n’a pas sa place en BFC », seule une gestion nationale et équitable territorialement et pour tous les types d’élevages herbagers est acceptable. Le « zéro attaques », c’était la position des Alpes il y a quelques années, à présent la grande majorité des élevages s'est adaptée par la force des choses.

Beaucoup de temps est perdu par les éleveurs et éleveuses à qui le syndicat veut faire croire qu'ils bouteront chaque loup hors de Côte d'Or et de Bourgogne (et tant pis pour les élevages des autres régions !). Ceci n'est pas tenable sur la durée car c'est oublier que cette espèce restera durablement protégée par des conventions internationales et qu'il existe de fait un plafond national annuel de prélèvements auquel nous sommes toutes et tous solidairement soumis. C'est oublier aussi le rapport de force à l'échelle de la société sur un sujet complexe qui dépasse la simple problématique agricole.

Le retour des loups pose beaucoup de questions, beaucoup de problèmes et remet en cause certains projets herbagers. Dans tous les cas il ne faut pas perdre de temps et au contraire, il faut anticiper et aider les éleveurs et éleveuses de petits ruminants mais aussi de bovins à s'équiper de moyens de protection, ne serait-ce que par pragmatisme.

Et s'il faut être plus efficace pour prélever les loups problématiques, des moyens plus importants doivent être apportés par les pouvoirs publics pour accompagner chaque élevage, sans complications administratives ni reste à charge pour les éleveurs. Nous vous invitons notamment à lire la position complète de la Confédération paysanne BFC sur la prédation à cette occasion.

Et d’autres menaces pèsent sur l’élevage, comme le développement de la viande in-vitro que le syndicat majoritaire considère comme « une opportunité économique qu’il ne faudrait pas rater » ... les éleveurs apprécieront.

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