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15/12/2023 20:43

DIJON : Les agriculteurs de la FNSEA mettent la pression sur la Région et le gouvernement

Ce vendredi 15 décembre, 300 militants de plusieurs fédérations départementales de la FNSEA ont bloqué les entrées du bâtiment de la Région Bourgogne-Franche-Comté avec du fumier.
Au cours de ces dernières semaines, lors des préparatifs d'une manifestation d'ampleur, les mots d'ordre nationaux des militants du syndicat agricole FNSEA sont devenus principalement régionaux à la suite de difficultés dans les attributions d'aides européennes notamment aux jeunes agriculteurs de Bourgogne-Franche-Comté.

Dans le cadre des débats autour de la loi d'orientation agricole, les troupes locales de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles avaient appelé à manifester, ce vendredi 15 décembre 2023, dans la capitale régionale.

Leurs revendications nationales portent principalement sur des aspects économiques comme la fiscalité, la part dans la chaîne de valeur et l'accompagnement à l'installation ainsi que sur des aspects administratifs comme la simplification.


À ces demandes s'ajoutent donc des revendications locales conduisant les organisateurs à choisir l'Hôtel de Région comme lieu de rassemblement, un jour de réunion en assemblée plénière. Les sujets comme le traitement des aides liées au fonds européen FEADER, les prédations imputées à des loups ainsi que les «pression normative» et «pression de contrôle» sont les plus mises en avant (lire le communiqué).

Selon la police, le convoi a totalisé 85 tracteurs et 300 manifestants se sont rassemblés boulevard de la Trémouille, venant principalement de la Côte-d'Or et de la Nièvre avec quelques renforts d'autres départements comme la Saône-et-Loire ou encore le Jura. Le rassemblement a été encadré par un important dispositif policier sécurisant les bâtiments de la Région ainsi que du Département et de la préfecture tout proches.

«Quand on demande la compétence il faut l’assumer», déclare François Patriat


Un des premiers élus à venir à la rencontre des manifestants, avant même l'arrivée des tracteurs, est François Patriat (REN), ex-président socialiste du conseil régional de Bourgogne et désormais président du groupe de sénateurs soutenant Emmanuel Macron.

«Je rappelle que ce sont les Régions qui ont voulu la compétence de l’agriculture. (…) Quand on demande la compétence il faut l’assumer», déclare-t-il en s'adressant implicitement à la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté (lire notre article).

Les élus des oppositions régionales viennent échanger avec les manifestants


Le sénateur est rapidement rejoint par Denis Thuriot (REN) et Sandra Germain (REN), siégeant parmi les oppositions régionales, puis par les députés de la Côte-d'Or Benoît Bordat (FP) et Didier Martin (REN), tous soutenant l'action d'Emmanuel Macron.

Autre député à avoir fait le déplacement, Hubert Brigand (LR), opposant à Emmanuel Macron. Lui aussi est rejoint par Marc Frot (LCOP), vice-président du conseil départemental de la Côte-d'Or.

Les klaxons des tracteurs retentissant jusque dans la salle des séances du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, d'autres élus sortent : notamment Gilles Platret (LR), Martine Déchaud (sans étiquette), François-Xavier Dugourd (LR), Jacques Grosperrin (LR), Alain Joyandet (LR) et Jean-Marie Sermier (LR) ainsi que Julien Odoul (RN) et Julien Guibert (RN), tous siégeant dans les rangs des différentes oppositions.

Des élus de la majorité régionale se présenteront plus tard devant les manifestants, à l'issue de la rencontre de la délégation de syndicalistes avec le préfet.

«On a besoin d'être écouté, considéré et que l'argent arrive dans les chiffres d'affaires»


Après avoir remercié ces différents élus d'être venus apporter leur soutien ou écouter les revendications, Jacques Carrelet de Loisy, vice-président de la FDSEA de la Côte-d'Or, prend le micro pour demander «un changement de braquet à la Région pour que les dossiers avancent». «Quand vous voyez que le ministre de l'Agriculture est obligé de venir à la rescousse, c'est quand même que la situation est grave.»

«On a la malchance d'être dans une Région qui est complètement incompétente, qui a les dossiers du FEADER à gérer et rien n'avance, des dossiers PCAE bloqués qui ne s'instruisent pas, des délais de paiement qui sont toujours rallongés, les soldes des [jeunes agriculteurs] qui ne tombent pas depuis un an et demi», fustige Baptiste Colson, président des Jeunes Agriculteurs de la Côte-d'Or. «Si on veut relever le défi de la souveraineté alimentaire, il va falloir qu'on relève le défi du renouvellement des générations et ça va passer par de l'incitation et des aides [à l'installation] dignes de ce nom.»

«Le monde paysan est encore capable de montrer qu'il est déterminé et que la patience des responsables à ses limites», déclare Thomas Lemée, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs Bourgogne-Franche-Comté, qui semble regretter une participation moins qu'attendue. «On ne peut plus accepter d'être considéré comme ça depuis 18 mois, avec mépris et arrogance. On a besoin d'être écouté, considéré et que l'argent arrive dans les chiffres d'affaires. C'est inadmissible que des jeunes installés en 2022 n'ait pas l'acompte des JA en 2023. (…) Les aides pour les agriculteurs ne sont pas de l'argent de poche mais des aides nécessaires pour que les exploitations puissent continuer à tourner et à nourrir la population.»

«Ces gens-là n'ont qu'une envie, c'est de vous voir disparaître»


«Le changement, on assume. La transition, on assume. On sait répondre présent. On a répondu présent depuis 70 ans pour que la France soit autonome au niveau de l'alimentation. On a répondu présent pendant le Covid : alors que tout le monde était bloqué chez lui, on a continué de bosser», rappelle Emmanuel Bernard, président de la FDSEA de la Nièvre, avant de s'élever contre «les normes». «Matin, midi et soir, c'est un renouvellement de message par des gens qui veulent nous expliquer comment on doit faire. Ici, il y en a un paquet. Je peux vous garantir que dans l'administration régionale, ce militantisme nous amène à une situation de non retour. Ces gens-là n'ont qu'une envie, c'est de vous voir disparaître.»

Un propos très applaudi par les manifestants, ce qui révèle une perception de la situation largement partagée dans le monde agricole. Un propos appuyé par des lancers d’œufs sur les façades vitrées du bâtiment dès qu'une personne apparaît au travers.

Un propos qui prend aussi une tournure politique en ciblant implicitement les écologistes de la majorité : «Ici, vous avez des gens qui font voter une motion pour interdire l'utilisation du glyphosate alors que l'Europe l'autorise. Vous avez des gens ici qui sont pour le loup [huées dans la foule]. En Bourgogne-Franche-Comté, le loup n'a pas sa place. Je pense aux éleveurs qui sont victimes en permanence de prédations [klaxons]. Le loup, pas chez nous !»

Les engins agricoles manœuvrent et une première benne s'approche alors de l'entrée de l'Hôtel de Région dont les portes ont étés bouclées pour déverser du fumier et des déchets sur les escaliers.

Vient alors à la fois l'heure du casse-croûte et de la réunion avec le préfet qui reçoit une délégation de quelques militants syndicaux.

Marie-Guite Dufay refuse d'aller à la rencontre des manifestants


Dans la rue, les manifestants demandent la venue à leur rencontre de Marie-Guite Dufay (PS), présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté. Parallèlement, une fois retournés dans l'assemblée, Gilles Platret et Julien Odoul appuient respectivement cette démarche en déclenchant deux interruptions de séances successives.

Néanmoins, la présidente de Région refuse, arguant qu'il s'agit d'une manifestation organisée par une fédération départementale et non la fédération régionale du syndicat agricole.

De plus, la responsable de l'exécutif s'estime représentée par le vice-président chargé de l'agriculture à la réunion se tenant à la préfecture à la demande du président de la FDSEA 21 pour aborder les sujets en liant avec la transposition des normes européennes et les prédations de troupeaux.

«C'est ce que nous avons convenu. Si je vais au devant des agriculteurs, c'est pour voir des organisateurs de la manifestation qui sont, à ce moment-là, en audience avec le préfet», explique Marie-Guite Dufay.

Bon gré, mal gré, les manifestants feront sans la socialiste mais exprimeront leur mécontentement par des tags ciblant la présidente, le vice-président ainsi que deux élues écologistes de la majorité et même le directeur général des services de la collectivité.

Le fumier déversé et ces tags à la peinture amènent Claire Mallard (EELV), présidente de groupe de la majorité, à demander aux élus qui sont allés à la rencontre des manifestants s'ils dénonce les dégradations. Cela sans véritablement attendre de réponse de leur part.

Actualisé le 16 décembre 2023 :
Des élus ont réagi ensuite par des communiqués. Les trois présidents de groupes politiques de la majorité «désapprouvent» certain agissements d'agriculteurs et demandent du «respect» (lire le communiqué). «Les agriculteurs expriment une légitime colère», estime en revanche Gilles Platret qui insiste sur le sujet des prédations imputées à des loups (lire le communiqué).

Actualisé le 18 décembre 2023 :
Dans un communiqué, les élus du Rassemblement National en Bourgogne Franche-Comté notamment «réaffirment leur soutien à nos agriculteurs, éleveurs et viticulteurs» (lire le communiqué).

«Il n'y aura pas un centime qui retournera à l'Europe», promet le vice-président de la Région chargé de l'agriculture


À la sortie de la réunion avec le préfet, accompagné par Jérôme Durain (PS), élu régional et sénateur de la Saône-et-Loire, Christian Morel se présente effectivement devant les manifestants qui l'accueillent par des huées que fait cesser Jacques Carrelet de Loisy.

Le vice-président de la Région, Christian Morel (sans étiquette), lui-même agriculteur, fait face à la foule sur le plateau d'un engin agricole et donne, en substance, le compte-rendu de la réunion, reprenant tout d'abord les mesures annoncées par la présidente de Région et le ministre de l'Agriculture : une mobilisation de l’État et de la collectivité pour traiter d'ici la fin du premier semestre 2024 500 dossiers FEADER parmi les plus urgents, principalement en Saône-et-Loire. Ce à quoi s'ajoute un retour des chambres départementales d'agriculture pour accompagner l'instruction des dossiers (lire notre article).

Christian Morel rappelle également l'engagement de la Région de prendre à sa charge les frais bancaires des jeunes agriculteurs pénalisés par des retards d'aides attendues sans ponctionner l'enveloppe régionale dédiée à l'agriculture.

«Il n'y aura pas un centime qui retournera à l'Europe», promet l'élu régional.

«Le préfet prend la main sur l'ensemble des dossiers»


«On a avancé sur un certain nombre de choses», résume Jacques Carrelet de Loisy tandis que les annonces semblent faire effet sur la foule dont la véhémence diminue nettement.

«Un point important», ajoute le syndicaliste agricole, «la Région vous a raconté depuis un an que ça allait avancer. Aujourd'hui, le préfet prend la main sur l'ensemble des dossiers. On a la garantie du préfet sur ce qu'a annoncé le conseil régional».

Concernant les attaques des troupeaux, le préfet a annoncé à la délégation qu'il enverrait la «brigade loup» sur le secteur de la Côte-d'Or où trois loups sont soupçonnés de commettre des prédations.

Les manifestants repartent les bennes vides


Les manifestants ayant promis de ne pas repartir les bennes pleines, du fumier est alors déversé sur un second escalier d'accès au bâtiment puis les deux entrées sont largement parsemées de paille. En référence aux prédations d'ovins, de la laine de mouton est également déposée en grande quantité.

Les agriculteurs remettent alors en route les engins pour quitter le site alors que les organisateurs demandent à ce que la dispersion se fasse «sans dégradation».

Entrée en action des agents de la Métropole de Dijon


Autour de 16 heures, les services de la Métropole de Dijon sont chargés du nettoyage et interviennent d'emblée avec des moyens impressionnants. Plusieurs camions-bennes, plusieurs engins eux aussi et même un chasse-neige sont mobilisés sous les regards effarés des passants qui, la circulation des tramways étant suspendue, font comme ils peuvent la jonction entre la place de la République et la gare.

Tandis que la majeure partie du fumier est rapidement dégagée, les agents de la voirie s'emploient à effacer les tags laissés sur les portes et la façade de l'Hôtel de Région pour ne conserver aucun stigmate de l'action syndicale.

Actualisé le 18 décembre 2023 :
La Ville de Dijon a chiffré les conséquences financières de à cette manifestation : 235.000 euros entre réparations des dégradations commises et perte d'exploitation de Divia Mobilités (lire notre article).

Jean-Christophe Tardivon

La FNSEA revendique de faire de la souveraineté alimentaire une «priorité»


État et Région trouvent un accord pour le traitement des dossiers FEADER en instance


La municipalité dijonnaise évalue les conséquences de la manifestation d'agriculteurs


La Confédération paysanne réagit à la manifestation de la FNSEA à Dijon


































































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