En marge de l'inauguration de la Foire de Dijon, ce mercredi 1er novembre, le ministre de l'Agriculture s'est exprimé sur le renouvellement d'autorisation du glyphosate, la gestion du fonds européen pour le développement rural et le «méga-méthaniseur» de Cérilly.
Comme au Salon de l'Agriculture, Marc Fesneau, invité d'honneur de l'inauguration de la 93ème édition de la Foire internationale et gastronomique de Dijon, ce mercredi 1er novembre 2023, n'a pas hésité à mâcher les différents produits du terroir proposé au gré des stands (
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Le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire n'a pas non plus mâché ses mots en abordant les sujets brûlants que sont la réglementation du glyphosate, les dossiers FEADER en instance dans les services du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté et l'approvisionnement en matières végétales des méthaniseurs. Sujets sur lesquels Marc Fesneau s'est exprimé en marge de l'inauguration.
«La France a montré qu'on pouvait réduire l'utilisation du glyphosate sans créer de distorsion économique majeure»
Le 13 octobre dernier, dans le cadre d'un comité technique de l'Union européenne, les États membres étaient appelés à se prononcer sur la proposition de la Commission européenne de prolonger pour dix ans l'autorisation d'emploi du glyphosate.
La France s'est abstenue, l'exécutif arguant d'«une proposition moins disante» par rapport aux mesures prises dans notre pays.
«Le glyphosate est un sujet totémique», caricature Marc Fesneau, «il faut être pour ou contre». «Les écologistes veulent interdire totalement, sans qu'on nous explique où sont les alternatives. En réaction, le monde agricole a dit : ''il faut réhomologuer sans restriction d'usage.»
«La France a montré qu'on pouvait réduire l'utilisation du glyphosate sans créer de distorsion économique majeure, y compris par des mécanismes d'accompagnement fiscaux», explique toutefois le ministre de l'Agriculture.
«Je ne dis pas aux agriculteurs qu'on a des alternatives sur tout. Sur l'agriculture de conservation des sols, sans glyphosate, on ne sait pas faire. Sur les cultures pentues, on ne sait pas faire. (…) Il faut faire entendre au monde agricole que, quand il y a une trajectoire de réduction. (...) Je suis de ceux qui pensent que partout où on peut le réduire, il faut le réduire parce que c'est mieux pour tout le monde, c'est mieux y compris pour leur image. (…) Jamais vous ne voyez courir après la surtransposition [des directives européennes]. Je prends les points acquis. Jamais vous ne faites faire non plus de la démagogie du genre ''yaka faukon''. (…) On a interdit un certain nombre de molécules et on sait très bien que dans un certain nombre de périmètres de protection de captages, on a des difficultés de qualité de l'eau. Ça commence à faire des débats d'opinion publique qui sont assez puissants», développe-t-il.
«Je n'accepterai pas qu'on renvoie de l'argent à Bruxelles»
Durant l'inauguration, Marc Fesneau a été interpellé par Christian Morel (sans étiquette), vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté chargé de l'agriculture, sur la gestion du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) désormais effectuée au niveau régional.
Le 20 octobre dernier, en session plénière, Marie-Guite Dufay (PS) en avait fait le tout premier point de son propos de politique générale. La présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté concédait que 3.500 dossiers étaient en instance de traitement, la collectivité territoriale connaissant des difficultés de recrutement d'agents pour ce faire (
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«Dans toutes les autres Régions de France, il n'y a pas de problème majeur», s'offusque le ministre de l'Agriculture. «Le problème, ce n'est pas l’État».
«Je constate qu'on a un défaut d'instruction, de paiement, de dialogue, d'information des agriculteurs. J'ai tous les jours au ministère des courriers, des mails ; Monsieur le préfet encore plus que moi. (…) On a un problème majeur en Région Bourgogne-Franche-Comté. (…) Maintenant qu'on a un problème, il faut qu'on soit bien d'accord qu'il y a un problème et on va essayer de le résoudre. Le résoudre, c'est d'essayer de mettre des moyens. On l'a déjà proposé, ça n'a pas été saisi pour l'instant. Nous, on a repris une partie des dossiers en instruction. On est prêt à remettre des moyens supplémentaires pour instruire un certain nombre de dossiers mais il faut qu'on le fasse en exigence réciproque», expose Marc Fesneau.
«Il n'est pas acceptable qu'il y ait des jeunes qui ne puissent pas s'installer parce qu'ils attendent toujours l'accusé de réception d'un dossier», pointe le membre du gouvernement. «Je n'accepterai pas qu'on renvoie de l'argent à Bruxelles, ce qu'on appelle le dégagement d'office.»
«Tout ça, c'est de l'administratif. Je préférerai qu'on parle d'élevage, de souveraineté, de reconquête qui sur telle ou telle filière, sur la question de la haie, sur la question forestière. Je préférerai vraiment qu'on parle de ça plutôt que de savoir pourquoi dix-huit mois après, il y a des gens qui n'ont toujours pas de récépissé», déplore-t-il. «Chez les agriculteurs, j'entends ''ça suffit !'' C'est absolument désespérant !»
«La part des cultures dédiée à un méthaniseur est réduite»
Un projet de méthaniseur est en cours de réalisation sur une emprise de 16 hectares à Cérilly, en périphérie de Châtillon-sur-Seine. Il fait l'objet d'une levée de boucliers de la part de militants écologistes et anticapitalistes ainsi que de membres de la Confédération paysanne.
Le syndicat agricole s'oppose à «la méthanisation à l'échelle gigantesque» et fustige «une usine à gaz alimentée quasi-exclusivement en seigle fourrager spécialement cultivé à cet effet sur plus de 5 000 ha». Du seigle qui «une fois récolté et exporté en mai, ne permettra pas de produire dans de bonnes conditions la culture principale à vocation alimentaire qui devra le succéder» (
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«Les cultures intermédiaires ont des vertus de stockages de l'azote, du carbone», explique le ministre de l'Agriculture. «Le principe en France, par rapport à d'autres pays européens, c'est que la part des cultures dédiée à un méthaniseur – c'est à dire le substitut de l'alimentaire pour faire de la méthanisation – est réduite. On l'a fait pareil sur les agrocarburants pour éviter de remplacer de l'alimentation humaine par de l'alimentation pour des véhicules.»
«Ce n'est pas parce que ça a poussé dans le champ entre deux cultures qui sont destinées à l'alimentation humaine et que ça va dans un méthaniseur que c'est un substitut à l'alimentation humaine. Vous faites un blé, culture intermédiaire, couverture de sol, et après vous le récoltez, vous le mettez dans le méthaniseur, il n'y a pas de problème, surtout que ça vous a permis de fixer l'azote», expose Marc Fesneau. «Ce n'est pas des déchets mais c'est une culture qui a d'autres fonctions dans le cycle et les agronomes le savent très bien.»
Jean-Christophe Tardivon