En annonçant qu'il ne briguerait pas «la mairie» en 2026, le premier édile a créé la surprise. Partenaires comme rivaux sont appelés à se positionner en conséquence. Infos Dijon propose un tour d'horizon des principales forces en présence.
«Je suis un homme de gauche»... Lors des vœux ou encore des réunions publiques, François Rebsamen ne cesse de le répéter, d'autant plus depuis l'élection présidentielle de 2022 où il a soutenu Emmanuel Macron dès le premier tour.
«Je suis d'une gauche de gouvernement, une gauche intelligente, une gauche social-démocrate, une gauche européenne, je ne dirais jamais 'la police tue' ; voilà la différence entre une gauche irresponsable et une gauche responsable», a-t-il déclaré le 23 février 2023. «Je porte ça depuis toujours, la social-démocratie européenne, laïque.»
«Je ne me représenterai pas à l'élection municipale»
Un mantra qui interroge au moment où celui qui a été élu maire de Dijon à chaque échéance depuis 2001 annonce : «Je ne me représenterai pas à l'élection municipale».
Une formulation ambiguë, émise lors d'une réunion de présentation du budget primitif 2023 de la municipalité (
lire notre article), qui a été clarifiée le lendemain, en marge du temps officiel de commémoration de l'anniversaire du début du conflit en Ukraine (
lire notre article) : François Rebsamen ne vise pas «la mairie». Il pourrait donc figurer sur une liste électorale sans briguer ensuite la tête de l'exécutif municipal. Toutefois, il n'a pas répondu à propos de la présidence de la Métropole.
Ainsi, celui qui est toujours adhérent du Parti socialiste tout en étant fondateur de la Fédération progressiste ouvre le jeu de l'élection municipale dijonnaise de 2026.
Une manœuvre surprenante qui va obliger les différentes composantes de sa majorité actuelle de rivaliser entre elles pour atteindre le fauteuil de maire et amener ses opposants à sortir du bois pour prendre, eux aussi, des coups.
Pas de troisième candidature pour Emmanuel Macron en 2027
L'annonce se situe dans un timing particulier. Dès le lendemain de sa réélection, Emmanuel Macron s'est retrouvé fragilisé, ayant les ailes coupées par la Constitution. Le président de la République ne peut pas briguer un troisième mandat consécutif, d'où les rumeurs de dissolution pour tenir sa majorité parlementaire relative.
La prochaine présidentielle, si elle a bien lieu en 2027, sera historique. Cette configuration d'un président sortant ne pouvant se représenter après deux quinquennats étant inédite. Potentiellement face à Marine Le Pen (RN) qui ne cesse d'engranger des voix élection après élection, le ticket d'accès au second tour pourrait être particulièrement bas avec des prétendants situés dans un mouchoir de poche.
Les «Bouleversements» de François Hollande et le «mouvement» de Bernard Cazeneuve
D'où les actuelles sorties de livres politiques seulement quelques mois après la présidentielle à commencer par celui de François Hollande (PS) «Bouleversements», publié chez Stock en septembre 2022 pour «comprendre la nouvelle donne mondiale».
Parallèlement, Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre de François Hollande qui a quitté le PS, construit actuellement «un mouvement» qui n'a pas encore de nom mais qui a vocation à fédérer les personnes se revendiquant «à gauche» tout en étant hostiles à l'accord électoral de la Nouvelle union populaire écologique et sociale.
Une «autre union de la gauche» en quelque sorte, allant des sociaux-démocrates aux héritiers du radical-socialisme sans oublier les souverainistes sociaux et les écologistes modérés.
Rétro-planning de 2027 à 2026
En annonçant d'emblée qu'il ne cherchera pas – «sauf exception» – à briguer la fonction de premier édile de la commune, François Rebsamen prend ainsi de la hauteur et se ménage du temps pour suivre la recomposition politique nationale en cours depuis 2017 et qui débouchera temporairement sur les différentes candidatures de 2027.
Les municipales pouvant elles-mêmes apparaître comme une locomotive en vue de la présidentielle, on peut supposer que celui qui n'a pas rompu avec François Hollande cherchera à peser à tous les niveaux.
Plus d'action pour Nathalie Koenders
Localement, à mi-mandat, la crise sanitaire est digérée institutionnellement même si les effets sont encore sensibles dans la population notamment en termes de santé mentale et de rapport au travail, tandis que la crise énergétique est atténuée du fait des choix techniques opérés depuis 2001 sous l'influence des écologistes.
L'investissement est au plus haut, la dette est au plus bas, la fusion des services entre la Ville de Dijon et la Métropole est largement avancée, les affres du transfert des compétences territoriales du Département vers la Métropole ne sont presque plus qu'un mauvais souvenir.
Le maire de Dijon peut donc se permettre de laisser plus d'action à la première adjointe Nathalie Koenders, adhérente du PS après être passée par le Parti radical de gauche, pour se concentrer sur les dossiers métropolitains.
Ce n'est pas un hasard si, pour la première fois devant un public dijonnais, François Rebsamen a annoncé qu'il ne briguerait pas de nouveau la mairie au détour d'une question sur les mobilités, compétence de la Métropole.
Une sortie qui peut alors être vue comme un «ballon d'essai» afin de voir les retombées et surtout la perception des administrés à l'égard de la première adjointe. D'autant plus que la Ville sonde régulièrement la notoriété de certains élus municipaux.
La logique voudrait que François Rebsamen officialise un nouveau partage des rôles en laissant la fonction de maire à Nathalie Koenders avant même les municipales de 2026. Une option qui ne serait retenue que si cela favorise la campagne électorale.
Le flair de Didier Martin
«Je sais qui je soutiendrai», a déclaré, énigmatique, François Rebsamen, le 23 février. Une façon de dire que le choix est si évident que la question ne se pose pas tout en gardant des cartes en main.
En 2015, la reprise en mains soudaine de la municipalité par François Rebsamen, alors ministre du Travail durant le quinquennat de François Hollande (d'avril 2014 à septembre 2015), à la suite du décès d'Alain Millot et de l'intérim de Nathalie Koenders, avait laissé des traces.
À cette époque, Didier Martin (alors PRG) était adjoint au maire et faisait déjà partie des personnalités qui comptaient. Le retour de François Rebsamen l'a amené à suivre François Patriat (alors PS) pour rejoindre Emmanuel Macron dès 2016.
Un flair qui l'a conduit à la députation en 2017. Depuis, Didier Martin est resté au Parti radical tout en adhérant à La République en Marche (devenue Renaissance) et a été réélu en 2022 après avoir échoué aux départementales sur le canton Dijon I en 2021.
Les Marcheurs se retrouveront orphelins d'Emmanuel Macron aux législatives de 2027. Didier Martin pourrait donc être tenté par la mairie de Dijon dès 2026.
Tout comme en 2020, la liste conduite par Sylvain Comparot ayant alors réalisée 8,80% au premier tour, les Marcheurs entendent bien «jouer un rôle important dans le bloc progressiste au sein des futures élections municipales», ainsi que l'a déclaré Laurent Baumann, nouveau président du bureau départemental de Renaissance (
lire notre interview).
Une inconnue demeure dans le positionnement de Jean-Philippe Morel. Venu du Parti radical valoisien, aujourd'hui président de la fédération départementale du Parti radical, Jean-Philippe Morel a pris du galon et est devenu adjoint au maire quand Benoît Bordat a dû quitter le conseil municipal (
lire notre article). Il apparaît donc comme la caution radicale à Dijon.
Le précieux François Deseille
Toutefois, des partisans d'Emmanuel Macron ont bel et bien été élus aux municipales de 2020 et participent à la majorité de François Rebsamen. Avec des adhérents du Modem notamment, ils constituent le groupe politique des Élus démocrates, écologistes, centristes et citoyens, présidé par François Deseille (Modem), adjoint au maire chargé des précieux dossiers des finances et de la Cité de la Gastronomie.
Arrivé en tête du premier tour des législatives de 2017 mais battu au second tour par Rémi Delatte sur la deuxième circonscription de la Côte-d'Or, François Deseille nourrissait légitiment quelques ambitions parlementaires pour 2022.
Las, l'équilibre des composantes au sein de la majorité présidentielle a fait que l'investiture n'a pas été remise à un candidat du Modem mais à un candidat de la Fédération progressiste en la personne de Benoît Bordat, élu face à Catherine Hervieu (EELV).
Après les départementales de 2021 sur le canton Dijon IV où, en binôme avec Nuray Akpinar-Istiquam (PS), Benoît Bordat avait écarté Ludovic Rochette (alors divers droite, Horizons depuis), en binôme avec Anne Erschens (LR), il s'agissait d'un succès de plus pour celui qui avait François Rebsamen comme directeur de campagne officieux.
Dans ce contexte, l'appétit de François Deseille pourrait bien se reporter de la deuxième circonscription à la mairie de Dijon pour peu qu'une alliance se constitue entre démocrates chrétiens, radicaux et sociaux-libéraux sans être grippée par une éventuelle candidature de François Bayrou (Modem) en 2027.
La place d'Antoine Hoareau dans l'organigramme socialiste
En n'annonçant pas d'emblée de nom, François Rebsamen laisse la porte ouverte pour des rivalités internes au PS. Si Nathalie Koenders apparaît nimbée de la légitimité de première adjointe, d'autres protagonistes peuvent estimer avoir un rôle d'envergure à jouer dans les années à venir au regard de leurs fonctions actuelles ou de leurs résultats électoraux.
Tout juste réélu avec 100% des voix en tant que secrétaire de la section du PS de Dijon, Antoine Hoareau (PS) est également le référent en Côte-d'Or de Bernard Cazeneuve qui, au niveau national, porte l'héritage de François Hollande.
Adjoint au maire de Dijon, Antoine Hoareau est chargé des solidarités, de l'action sociale et de la lutte contre la pauvreté. Des thématiques qui le placent haut dans un organigramme socialiste.
Aux départementales de 2021, sur le canton Dijon I, le binôme Antoine Hoareau-Karine Savina (GE) a perdu face au binôme Clémentine Barbier (sans étiquette)-François-Xavierd Dugourd (LR) par seulement six points d'écart.
À noter que sur le canton Dijon II, le binôme Billy Chrétien (EELV)-Nathalie Koenders a été élu haut la main à plus de 61% des voix face au binôme Agnès Livera (LR)-Axel Sibert (LR).
Océane Charret-Godard cible régulièrement le RN
Dans le cadre du récent congrès du PS, Océane Charret-Godard, en portant le texte d'orientation de Nicolas Mayer-Rossignol, a contribué à barrer la route aux partisans de la NUPES. Elle devient ainsi «numéro deux» de la fédération présidée par Michel Neugnot.
Si le non-cumul des mandats a nettement diminué son temps de parole dans l'enceinte du conseil municipal où elle est déléguée à l'économie sociale et solidaire ainsi qu'à l'emploi, Océane Charret-Godard continue de porter sa voix dans l'assemblée régionale où elle cible régulièrement le Rassemblement national qui ne se prive pas de lui répondre.
La fonction de vice-présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté chargée des lycées, de l’offre de formation, de l’apprentissage et de l’orientation l'amène à s'éloigner de Dijon mais lui confère également un poids politique qui comptera à l'approche des municipales.
Sladana Zivkovic s'impose parmi la NUPES
Risquant d'être exclue du Parti socialiste, pour cause de crime de lèse-NUPES aux dernières législatives, Sladana Zivkovic compte bien faire entendre sa propre partition.
Privée d'une part de ses délégations d'adjointe – les relations internationales – par le maire, surveillée de près par la coordination départementale NUPES 21, Sladana Zivkovic a soutenu le texte d'orientation d'Olivier Faure lors du congrès du PS avec l'argument de «défendre la place du Parti socialiste» dans la NUPES.
Surtout, son score de 8% au premier tour des législatives de 2022, sur la première circonscription de la Côte-d'Or qui comprend le quartier de la Fontaine d'Ouche, l'incite à se faire entendre. Ainsi, Sladana Zivkovic s'est régulièrement imposée dans le carré de la NUPES 21 lors des manifestations contre la réforme des retraites.
La NUPES 21 à l'actif d'Antoine Peillon
Nouveau venu dans le paysage dijonnais, Antoine Peillon (LFI) défend les couleurs de la NUPES. L'Insoumis était le candidat investi sur la première circonscription de la Côte-d'Or où il a challengé Didier Martin et obtenu près de 42% des voix au second tour des législatives de 2022.
L'ancien Parisien a encore trois ans pour parfaire son implantation y compris en déjouant les rivalités internes à La France insoumise qui – «mouvement gazeux» oblige – s'articulent parfois directement entre les groupes d'action locaux et son fondateur Jean-Luc Mélenchon.
Néanmoins, alors que bien des commentateurs de la vie politique nationale donnaient peu cher de la peau de la NUPES une fois les législatives passées, l'accord tient.
Antoine Peillon peut déjà revendiquer un succès à son actif : la constitution d'une «coordination départementale NUPES 21» appliquant les principes de la NUPES aux différentes composantes représentées à l'échelle de la Côte-d'Or (
lire notre article).
La NUPES «va devenir l'union de l'avenir de Dijon», déclarait l'anticapitaliste au soir du second tour des législatives tout en prenant soin de saluer la «politique de gauche» menée par François Rebsamen (
lire notre article).
Le cap de la NUPES 21 est donc résolument mis sur 2026 d'autant plus que, si on ne relève que les bureaux de vote dijonnais, les candidats de la NUPES ont réalisé 50,2% des voix au second tour des élections législatives (49,8% pour la majorité présidentielle) (
lire notre article).
La «subsidiarité» entre Catherine Hervieu et Stéphanie Modde
Autre figure ayant amplement contribué à l'émergence de la NUPES 21, Catherine Hervieu (EELV). Siégeant précédemment dans la majorité de François Rebsamen, l'écologiste est désormais installée dans l'opposition faute d'accord électoral en 2020 entre le socialiste et la liste conduite par Stéphanie Modde (EELV).
Également élue départementale, Catherine Hervieu est en bute avec Benoît Bordat, son ancien rival des législatives et pourtant voisin du groupe politique d'opposition Côte-d'Or Terres d'avenir.
Si la liste des municipales de 2020 n'a pas réalisé les résultats escomptés pour modifier le rapport de forces avec le maire sortant (seulement 15% au premier tour, près de 22% au second), les Verts misent sur l'évolution de la perception du changement climatique parmi les Dijonnais pour imposer un programme doté d'un «budget vert» et largement empreint d'éco-conditionnalités comme à la Région Bourgogne-Franche-Comté, présidée par Marie-Guite Dufay (PS).
À la Région, Stéphanie Modde est vice-présidente chargée de la transition écologique, un poste majeur où l'action qu'elle mène est approuvée par Marie-Guite Dufay et taclée par les communistes.
À Dijon, l'écologiste préside un groupe d'opposition qui ne compte plus que trois membres après trois ralliements à la majorité. Dans cette enceinte, les critiques de Stéphanie Modde à l'encontre de la politique urbanistique agacent particulièrement François Rebsamen.
Attachées aux déclinaisons démocratiques à toutes les étapes de la vie de leur parti – la fameuse «subsidiarité» –, si Catherine Hervieu et Stéphanie Modde étaient une nouvelle fois candidates en 2026, la cheffe de file serait désignée par un vote des adhérents locaux d'Europe Écologie Les Verts.
À noter que le parti envisage de changer un nom trop marqué par l'apport de Daniel Cohn-Bendit en 2009 alors que le trublion soutient désormais Emmanuel Macron.
Emmanuel Bichot s'expose aux critiques
Un des objectifs sous-jacents de François Rebsamen est d'amener ses rivaux à se calquer sur son propre agenda et de s'exposer aux critiques en se déclarant.
C'est déjà chose faite pour Emmanuel Bichot (LR) qui a annoncé qu'il conduirait une liste en 2026 (
lire le communiqué). Si l'élu conservateur dispose d'une base de partisans fidèles, il doit néanmoins composer avec une opposition au maire fragmentée.
La liste Agir pour Dijon ensemble qu'Emmanuel Bichot conduisait au municipales de 2020 (près de 35% des voix au second tour) s'est scindée en trois : les groupes politiques Agir pour Dijon et Dijon autrement ainsi que des élus indépendants.
L'enjeu d'Emmanuel Bichot est donc de fédérer de nouveau autour de sa candidature. Il présente l'avantage de s'inscrire dans une démarche avant tout dijonnaise, ce qui peut lui permettre d'agréger des sensibilités diverses, des engagements non partisans dont des riverains qui déplorent la politique urbanistique du maire sortant sans pour autant soutenir des écologistes critiquant l'économie de marché.
Laurent Bourguignat s'engage sur une ligne libérale
Président de l'autre groupe d'opposition Dijon autrement, Laurent Bourguignat (LR, NE) se prépare sans encore dévoiler son jeu. Après Libres, le mouvement de Valérie Pécresse, il vient de rejoindre Nouvelle énergie, le parti fondé par David Lisnard, actuel maire de Cannes, qui assume une ligne libérale.
«On a besoin de renouveler le discours de la droite dans les villes et de s'ouvrir à des thèmes comme l'écologie, la culture, les familles, l'urbanisme», a récemment déclaré Laurent Bourguignat (
lire notre article).
Une telle orientation pourrait séduire de jeunes générations mettant l'accent sur le développement économique local. Cela passe par la confrontation au sein d'un espace politique allant des libéraux aux sociaux-libéraux déjà en partie préempté par les partisans d'Emmanuel Macron.
Quid d'un parachutage ?
Au-delà, à la faveur de la recomposition politique et en vue d'un après-Macron bien incertain, Dijon pourrait tenter une personnalité politique nationale osant se parachuter pour trouver un point d'ancrage en attendant des jours meilleurs.
Si les Dijonnais sont viscéralement attachés au fait d'être administrés par une personnalité connaissant les arcanes de la ville, une aura nationale pourrait lever des réticences à l'heure où il s'agit de rivaliser avec Lyon ou Mulhouse en termes d'attractivité économique et de qualité de vie.
Jean-Christophe Tardivon